Il n’y aura pas de procédure de la CNIL à l’encontre de Marlène Schiappa. Son secrétariat d'État avait profité du fichier presse pour faire la publicité de son dernier livre. La commission considère qu’il ne s’agit que d’une erreur humaine, isolée et commise de bonne foi.
Le 22 mai, le secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes avait adressé aux journalistes inscrits sur la liste de diffusion du ministère une invitation pour une séance de dédicace de son dernier ouvrage, « Si souvent éloignée de vous ».
Un livre où Marlène Schiappa s’adresse à sa fille, sans rapport direct avec ses activités au sein de l’exécutif puisque comme l’a repéré Anticor, l’ouvrage « n’est ni une communication gouvernementale ni un bilan d’action politique, mais un récit purement personnel, partiel et parfois romancé. Les propos tenus ici n’engagent que leur auteure. »
Pour l’association néanmoins, le cabinet serait en contrariété directe avec une circulaire du 24 mai 2017 qui exige de limiter l’usage des deniers publics « au strict accomplissement de la mission ministérielle en ne tirant pas profit de ses fonctions pour soi-même ou pour ses proches ».
Pire, l’article 226-21 du Code pénal sanctionne ceux qui détournent les finalités d’un fichier de données personnelles, ici un traitement presse devenu cible d’une campagne commerciale. Le quantum des peines n’est pas négligeable : les indélicats risquent jusqu’à cinq ans de prison et 300 000 euros d'amende.
La réponse du Premier ministre puis de la CNIL
Suite à cette curieuse campagne de promotion, Anticor avait questionné le Premier ministre, mais également saisi la CNIL.
Le 1er août, Édouard Philippe lui a expliqué laconiquement que cet envoi presse trouvait son origine dans « une erreur humaine » et que désormais, de telles campagnes faisaient l’objet d’une double validation hiérarchique.
Hier, la même association a diffusé cette fois la réponse de la CNIL. Dans ce courrier datant du 7 août, sa présidente, Isabelle Falque-Pierrotin, soutient elle aussi, sur la foi des affirmations de Marlène Schiappa, que « cet envoi résultait d’une erreur humaine, trouvant son origine dans la croyance de son expéditeur que cette séance de dédicace était liée à ses fonctions de secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes ». Elle prend note également de la double validation des envois presse.
La jurisprudence Schiappa et le RGPD
En tout cas, « l’incident résultant d’une erreur commise de bonne foi et étant isolé », la CNIL a décidé de classer la plainte d’Anticor. La commission assure que cet épisode lui a permis d’appeler l’attention de la secrétaire d’État sur les nouvelles obligations s’imposant à tout responsable de traitement depuis l’entrée en application, le 25 mai dernier, du règlement général sur la protection des données.
Précisons que les détournements de finalité étaient déjà sanctionnés avant cette date. L’argument pris en compte par la CNIL devrait en tout cas inspirer tous les responsables de traitements. Inquiétés, ils pourront toujours tenter de s’abriter derrière la jurisprudence Schiappa, à savoir l’erreur humaine isolée commise de bonne foi. D'ailleurs, dans le prononcé des sanctions, le RGPD lui-même demande à ce que les autorités tiennent compte des violations « commise délibérément ou par négligence ».