La loi anti-fake news rejetée au Sénat, le gouvernement déterminé à aller « jusqu'au bout »

Ou jusqu'au fond ?
Droit 3 min
La loi anti-fake news rejetée au Sénat, le gouvernement déterminé à aller « jusqu'au bout »
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-SA 3.0)

 «  Ces deux propositions de loi sont d'une importance cruciale pour notre démocratie. Face aux manipulations croissantes de l'information, l'attentisme n'est pas une option ». Les convictions de Françoise Nyssen n’auront rien changé. Le Sénat a rejeté la proposition de loi contre les « Fake News » et son équivalent organique relatif à l’élection présidentielle.

La proposition de loi contre la manipulation d’information n’aura pas eu le même succès au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Malgré un texte « absolument nécessaire », dixit la locataire de la rue de Valois, le texte a été sans surprise fusillé à la Haute chambre. Il a provoqué  dès son article premier « une réaction presque épidermique » de Catherine Morin-Desailly (UDI), présidente de la commission de la Culture et rapporteure. « Les autres dispositions sont mal calibrées, irréfléchies, insuffisantes ».

Même analyse de Christophe-André Frassa : « pourquoi légiférer, alors qu'il n'y a pas eu d'évaluation préalable des dispositifs existants ? L'article L. 97 du code électoral réprime déjà la diffusion d'informations diffamatoires. Pourquoi légiférer, alors que la loi du 29 juillet 1881, dans son article 27, réprime la diffusion de nouvelles fausses ou mensongères ? »

Juger l'influence de faits incertains sur un scrutin encore non advenu

Après bien des hésitations à l’Assemblée nationale, la fausse information est définie par « toute allégation ou imputation d'un fait inexacte ou trompeuse ». La proposition organise alors un référé où le juge doit se prononcer en 24 heures. Outre la démonstration d’informations manipulées, il faut que celles-ci soient « diffusées de manière délibérée, de manière artificielle ou automatisée et massive » et surtout « de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir ». En effet, cette régulation s’applique uniquement lors des grands rendez-vous électoraux, très exactement dans les trois mois précédents.

« Quelle légitimité pour le juge des référés, juge de l'évidence, à se prononcer sur le caractère inexact ou trompeur d'une information ? a rétorqué le sénateur LR Frassa. Comment, dans ce cadre juridique, protéger la satire ou la parodie ? Plus inquiétant encore, le texte vise toutes les allégations inexactes ou trompeuses, même si elles ne sont pas diffusées de manière malintentionnée. »

Et l'affaire Benalla ? 

Au PS, la sénatrice Sylvie Robert craint même que ce véhicule puisse emboutir les satires du Canard enchaîné ou de Charlie Hebdo. De plus, comment le même juge « pourrait-il se prononcer valablement quant à l'influence de faits incertains sur un scrutin non encore advenu ? »

David Assouline (PS) a dépeint l’effet pernicieux d’une telle lutte avec un « effet inverse à celui recherché » puisque « cette loi aboutira à rendre juridiquement vraies les informations qui n'auront pas été condamnées. »

«  Vous avez mis en doute, Madame la Ministre, le discernement de nos concitoyens, mais rien n'est pire qu'une vérité officielle, une vérité d'État », a enfoncé Bruno Retaillleau (LR). Et le centriste Michel Laugier, d’évoquer à peine en creux la bruyante affaire Benalla : « Ce texte est aussi dangereux pour la liberté d'expression : certaines affaires, comme celle qui s'est déclenchée ces derniers jours, ne seraient-elles pas étouffées ? »

Le gouvernement ira jusqu'au bout 

Les deux textes, la proposition de loi et la proposition de loi organique, ont donc été rejetés massivement par les sénateurs ((288 voix contre 31 pour la proposition de loi ordinaire, 287 voix contre 31 pour celle organique).

Regrets de Françoise Nyssen : « la navette devait permettre d'enrichir le texte, mais vous préférez passer votre tour. Quel dommage ! ». Le Gouvernement ne va pas s’en émouvoir plus longtemps. « Nous irons jusqu'au bout [du] parcours législatif ». L’Assemblée nationale ayant le dernier mot, les deux PPL devraient donc être adoptées par les députés LREM sans difficulté.

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