Pour Alain Weill (SFR), la neutralité du Net est un problème face à Google et Netflix

Bouc émissaire - définition.
Internet 5 min
Pour Alain Weill (SFR), la neutralité du Net est un problème face à Google et Netflix

Pour le PDG de SFR, les géants du Net ne contribuent pas assez au financement du réseau. Un reproche connu, qui amène une nouvelle critique de la neutralité du Net. En parallèle, Xavier Bertrand plaide pour un démantèlement de Google.

Du 6 au 8 juillet, les Rencontres économiques d'Aix-en-Provence ont été l'occasion d'attaques en règles contre les géants américains du numérique, que la « naïveté » européenne aiderait à conquérir le Vieux Continent. Parmi les coupables, coincée entre la fiscalité et les lois audiovisuelles, figure la neutralité du Net. Selon Alain Weill, le président de SFR, elle empêcherait d'obtenir une juste rémunération des GAFAM pour financer les réseaux.

Il vise surtout Google et Netflix, les deux premiers pourvoyeurs de trafic et de contenus sortant de la chronologie des médias, deux sujets auquel le groupe Altice est particulièrement attaché. Pour autant, il reste encore à déterminer en quoi la neutralité du Net empêcherait les opérateurs d'obtenir un financement des services en ligne.

La neutralité du Net, « un vrai problème » pour SFR

Pour le patron de SFR, la neutralité du Net « est un sujet un peu tabou ». « Tout le monde doit avoir accès à Internet. Mais c'est quand même un vrai problème. Un vrai problème économique et de démocratie » estime-t-il.

Il prend l'exemple du câblo-opérateur newyorkais d'Altice : « À certaines heures de la journée, Netflix et Google représentent 80 % des flux qui circulent sur notre réseau. Est-il normal que les conditions d'accès au réseau soient les mêmes pour des acteurs qui pèsent aussi lourd que pour d'autres plus petits ? On peut se poser la question ».

Il lie ce poids sur le réseau au poids économique dans la vidéo à la demande, et dans la production audiovisuelle. Le succès de Netflix fragilise Canal+, donc le système du financement du cinéma français. De même, « en réunion avec les élus, qui demandent un déploiement rapide de la fibre, je leur dis que là, on travaille tous pour Google et Netflix, qui demandent que ça aille encore plus vite » sans payer.

« L'autoroute doit-elle est gratuite pour tout le monde ? Un 10 tonnes doit-il payer le même prix qu'une voiture électrique sur l'autoroute ? C'est du bon sens de se poser la question. Quand on parle de neutralité en France, on n'a parfois pas le droit de se la poser » ajoute le responsable de l'opérateur. Selon lui, donc, la neutralité empêcherait la contribution des services au maintien des réseaux. 

Une contrainte gonflée

Adoptée dans un règlement européen début 2015, la neutralité du Net est sanctuarisée dans le droit européen. La loi Numérique de 2016 a chargé l'Arcep de son contrôle dans l'Hexagone. Son président, Sébastien Soriano, a mené les travaux sur le sujet au sein du Berec, le groupement européen des autorités des télécoms. Le principe de non-discrimination des internautes et contenus avait, à l'époque, fait l'objet d'un intense lobbying, jusqu'à la rédaction des lignes directrices du Berec en août 2016.

Malgré ce qu'avance ici SFR, la neutralité du Net n'interdit pas aux opérateurs de demander un financement aux fournisseurs de services Internet. Les accords commerciaux sont même une pratique habituelle en matière d'interconnexion (peering) entre grands acteurs du Net.

C'est ce que relève le rapport sur l'état d'Internet en France, publié en juin par l'Arcep. Fin 2017, les interconnexions privées (avec un éventuel accord financier) représentaient 46 % du trafic entrant chez les opérateurs. À noter que, selon l'autorité, près d'un tiers du trafic entrant provient de Google et Netflix, suivis par Akamai et Facebook.

Contactée, l'Arcep n'a pas souhaité faire de commentaire, considérant que le débat a déjà eu lieu au moment du vote du règlement européen et de la loi française. Sur Twitter, son président Sébastien Soriano avait dénoncé une « formule à l'emporte-pièce », en réaction à une première sortie d'Alain Weill dans Les Échos sur le sujet.

Aligner les lois entre acteurs traditionnels et en ligne

La neutralité n'est qu'un des griefs du groupe Altice, qui demande à l'Union européenne d'agir. L'iniquité de la régulation entre ces géants numériques et les acteurs historiques est « ce dont les télécoms et mes médias souffrent le plus » pour Weill. Il demande donc un alignement, de préférence en allégeant les contraintes.

Les sujets sont nombreux : droit d'auteur (après le report du vote d'une future directive), fiscalité, production de films à sous-traiter pour les éditeurs français, publicité télévisuelle interdite pour les films au cinéma, interdiction de diffuser des films à la télévision le mercredi... « Chez Netflix, ça les fait rire ».

Il se plaint également de l'interdiction de la publicité adressée à la télévision, alors que la personnalisation des réclames est le fonds de commerce de Facebook et Google. Notons tout de même que plusieurs opérateurs, en premier lieu SFR, l'expérimentent dans l'Hexagone.

Il espère « en finir avec la naïveté européenne face aux Américains et aux Chinois », décrivant un continent aux démocraties et aux marchés conquis par des acteurs venus de pays bien plus fermés. « C'est là où les législateurs doivent travailler. Ils le font, ils doivent aller plus vite. Sinon on est victimes de discrimination et c'est un danger pour toute l'économie. »

Il estime par ailleurs qu'une loi fake news n'aurait qu'un intérêt limité, et que le Règlement général sur la protection des données (RGPD), appliqué depuis le 25 mai, « n'a pas vraiment réglé le problème » de la collecte d'informations. Quand bien même aucune plainte n'a encore été traitée par les CNIL européennes.

Xavier Bertrand veut démanteler Google

Dans la même table ronde, le président du conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a aussi des mots très durs contre les géants numériques venus d'outre-Atlantique. « Il est temps de se demander quand et comment démanteler Google, qui est un danger pour la démocratie. Il faut se réveiller » pense l'élu.

Il estime que ces grands acteurs décideront à terme de grands sujets comme l'accès à l'énergie ou à la santé, sans contrôle démocratique. Aujourd'hui, la concurrence avec les entreprises traditionnelles serait déloyale. « Envisager le démantèlement de Google est un enjeu de société » a-t-il répété dans un entretien en aparté.

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