Le Sénat examinera demain, en commission de la culture, la proposition de loi relative à l’interdiction du portable à l’école et au collège. Les parlementaires pourraient vider le texte d’une partie de sa substance en renvoyant au règlement intérieur de chaque établissement le soin de fixer de nombreuses règles, notamment sur la confiscation.
Après avoir été adopté début juin par l’Assemblée nationale, la proposition de loi portée par la majorité arrive désormais au Palais du Luxembourg. Le temps presse, puisque le ministre de l’Éducation nationale avait promis que les téléphones seraient effectivement prohibés au collège dès la rentrée 2018.
La Haute assemblée entend toutefois apporter son grain de sel, comme en attestent les amendements déposés par le rapporteur, Stéphane Piednoir (LR).
Vers une extension aux lycées ?
Pour mémoire, la proposition de loi renverse l’équilibre posé en 2010 par le législateur. À ce jour, l'utilisation du téléphone portable est interdite « durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur ».
L’idée est que désormais, l’usage des mobiles, tablettes et autres appareils connectés soit prohibé « par défaut » dans les établissements scolaires, hormis pour les « usages pédagogiques ». Il reviendra ainsi à chaque école maternelle, primaire et aux collèges de définir, au travers de leur règlement intérieur, d’éventuelles dérogations (utilisation uniquement dans la cour de récréation par exemple).
L’exception de principe pour l’utilisation en classe a toutefois fait sourciller Stéphane Piednoir. L’élu propose ainsi de faire disparaitre cette « précision inutile », afin qu’il revienne à chaque établissement d’autoriser – ou non – l’usage du portable (ou des tablettes, etc.) en classe.
Autre modification portée par le rapporteur : étendre la proposition de loi aux lycées. Ceux-ci resteraient toutefois sur un modèle d’autorisation de principe, contrairement aux écoles et collèges. Stéphane Piednoir souhaite simplement que chaque lycée puisse expressément choisir, au travers de son règlement intérieur, d’interdire les téléphones et autres appareils connectés. Ce qui reviendrait à graver dans le marbre les pratiques actuelles.
Le rapporteur privilégie les renvois au règlement intérieur
Concernant la possibilité de confiscation des appareils utilisés en violation de l’interdiction, principale nouveauté introduite lors des débats au Palais Bourbon, le rapporteur propose d’en revoir profondément les modalités de mise en œuvre.
Tel que voté par les députés, le texte prévoit que tout « membre de l’équipe de direction » ou « personnel enseignant » puisse saisir un téléphone. Celui-ci devra être restitué « au plus tard » lorsque l’élève « quitte[ra] l’établissement à la fin des activités d’enseignement de la journée », aux parents ou, à défaut, au jeune lui-même.
Stéphane Piednoir adhère visiblement au principe, mais estime qu’il convient – là aussi – de laisser le soin à chaque établissement de déterminer « les modalités de la confiscation de l’appareil et de sa restitution », toujours par le biais de son règlement intérieur.
Le parlementaire propose néanmoins d’inscrire dans la loi que toute personne « exerçant des fonctions de direction, d’enseignement » mais aussi « d’éducation ou de surveillance » puisse saisir un téléphone. Cela reviendrait notamment à élargir le dispositif « aux CPE, aux ATSEM et aux assistants d'éducation », explique Stéphane Piednoir.
Des amendements pour limiter l’exposition aux écrans
Parmi les rares amendements déposés par les sénateurs, on notera ceux de Colette Mélot (Les Indépendants) visant à limiter l’exposition des élèves aux écrans. La parlementaire souhaite d’une part qu’il n’y ait « aucune exposition » à des fins pédagogiques avant trois ans, trente minutes maximum entre trois et six ans, puis jusqu’à deux heures de six à douze ans.
« Les écrans sont devenus la première occupation des enfants et adolescents, se justifie l’élue. Scientifiques et professionnels ont alerté les parents et les pouvoirs publics sur les effets néfastes pour la santé et le développement de l'enfant de la surexposition aux écrans : retard de l'acquisition du langage, trouble de l'attention, désorientation du regard, troubles relationnels, troubles du sommeil et myopie. »
Afin d’éviter des atteintes de la rétine et « une perturbation de l'horloge biologique », Colette Mélot voudrait d’autre part que tous les appareils utilisés à l’école soient obligatoirement « équipés d'un filtre à lumière bleue », émise par « la plupart des écrans ».
Les débats auront lieu demain matin, à partir de 9h. Le texte sera ensuite examiné en séance publique le 16 juillet.
Le gouvernement ayant enclenché la procédure accélérée, députés et sénateurs se réuniront en vue d’un compromis (en commission mixte paritaire). Faute d’accord, l’adoption définitive de cette proposition de loi d’ici la rentrée pourrait être hautement compromise.