Doctrine.fr, qui ambitionne toujours de devenir le Google du droit, annonce ce matin la levée de 10 millions d’euros. Otium Venture et Xavier Niel sont à nouveau de la partie, après avoir participé à un premier tour de table en octobre dernier.
Le moteur de recherche juridique spécialisé dans l’indexation et la fouille des décisions de justice veut franchir une nouvelle étape. Lancé en février 2016, la jeune pousse française réalisait six mois plus tard une première levée de fonds de deux millions d'euros auprès d’Otium Venture, Kima Ventures (Xavier Niel), TheFamily (Save, CaptainTrain, Algolia), Oleg Tscheltzoff (Fotolia), Florian Douetteau (Dataiku) et Thibault Viort (Wipolo, Cityvox).
Elle récidive aujourd'hui en multipliant cette somme par cinq auprès d’Otium Venture et Xavier Niel, soit un total de 12 millions d’euros en dix-huit mois. Le site affiche désormais une croissance de 20 % et assure compter plus de 1 000 organisations dans son sillage, essentiellement des cabinets d’avocats et des entreprises .
« Cartographier le génome juridique »
Pourquoi cet argent frais ? D’une part pour attirer des profils, en particulier des data scientists. « Nous essayons de cartographier le génome juridique, c’est une opération complexe » concède Nicolas Bustamante, cofondateur de l’entreprise.
D’autre part, pour investir massivement dans la relation clients. « Nous avons plus de 1 000 organisations clients, nous souhaitons de multiplier ce chiffre par 10 d’ici la fin 2019, en nous renforçant sur nos segments, les avocats individuels et les directions juridiques. »
Deux grosses contraintes dans cette envolée. L’une organisationnelle : « Nous allons recruter six personnes par mois. En 2019, nous comptons doubler nos effectifs avec une centaine de recrutements, des juristes et mathématiciens. Tout l’enjeu est de reproduire à l’échelle ce que nous avons fait jusqu’alors, à savoir enseigner aux uns les technologies, aux autres le droit. »
L'autre, externe cette fois, à savoir « l’attente de la publication des décrets sur l’open data des décisions de justice sur lesquels l’industrie est un peu dans le flou ». Un chantier qui prendra plusieurs années, pour aboutir autour de 2025.
La bouée de l'intelligence artificielle
Doctrine.fr se retrouve néanmoins face à des mastodontes, comme Dalloz et LexisNexis. « L’émulation par la technologie bouscule les idées préconçues et pousse à se moderniser. Nous avons développé un secteur où des acteurs n’étaient pas présents. De plus, nous ne faisons pas le même métier face aux spécialistes de l’édition. Notre spécialité est l’information juridique, l’intelligence artificielle et l’indexation des décisions. Les angles ne sont pas tout à fait comparables. »
Sur l'intelligence artificielle, assure Nicolas Bustamante, « il faut aujourd'hui des algorithmes puissants pour trier les normes. Il est impossible de lire le Journal officiel de A à Z. Nous scannons en conséquence ce document en permanence, afin de pouvoir ensuite recommander des décrets ou des lois en lien avec la recherche. »
L’étape d’après est déjà tracée : un travail d’analyse sur les amendements français ou européens. « En 2019, nous envisageons en effet de remonter la chaîne pour nous situer au niveau des travaux parlementaires (…) Notre ambition est que le droit soit plus compréhensible. Sans ces outils, sans intelligence artificielle, on est noyé. »
Autre idée dans les cartons, l’export de cette solution à l’étranger. « Cela fait partie de nos projets, mais il reste tellement de choses à faire sur le droit français pour le moment avant de répliquer le modèle en Allemagne, Italie ou au Royaume-Uni ».