Véritable serpent de mer, la dématérialisation de la propagande électorale fait son retour dans le projet de loi de réforme constitutionnelle, présenté hier en Conseil des ministres. La mesure ne vise cependant que les futurs députés qui seront élus à la proportionnelle.
Après avoir renoncé fin 2017 à mettre un terme à l’envoi postal des traditionnelles professions de foi et bulletins de vote pour la plupart des scrutins (élections législatives, sénatoriales, européennes, municipales,...), le gouvernement revient à la charge.
L’exécutif opte cette fois-ci pour une méthode beaucoup plus douce, puisque cette dématérialisation de la propagande électorale ne concernerait que les circulaires des candidats se présentant dans le cadre du nouveau scrutin de liste national, en 2022.
Des circulaires mises en ligne et affichées en mairie
En complément au projet de loi constitutionnelle présenté il y a deux semaines, le gouvernement a dévoilé mercredi 23 mai les deux projets de loi (organique et ordinaire) qui constitueront le socle de la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron. Si ces textes étaient adoptés en l’état, 15 % des députés (soit 61 parlementaires) seraient à l’avenir élus à la proportionnelle. L’on passerait ainsi d’un scrutin majoritaire à un scrutin mixte.
« Les électeurs disposeront de deux bulletins (déposés dans deux urnes différentes), l’un pour le député de circonscription, l’autre pour une liste nationale », anticipe déjà le ministère de l’Intérieur.
Au programme également : une adaptation des modalités de la propagande électorale à ce nouveau mode de scrutin. « Les professions de foi des listes seront dématérialisées, mais resteront consultables en mairie par voie d’affichage », a ainsi annoncé l’exécutif à l’issue du Conseil des ministres.
Mise en œuvre prévue pour 2022
Si l’on se penche sur le projet de loi ordinaire, on apprend qu’une « commission chargée de vérifier la régularité des bulletins de vote » sera instituée, afin d’assurer notamment « la mise en ligne des circulaires des listes de candidats sur un site Internet désigné par arrêté du ministre de l’Intérieur ».
Les mairies se verront de leurs côtés chargées d’imprimer puis d’afficher en extérieur ces fameuses professions de foi « et, le cas échéant, [de mettre] une version électronique de ces documents à la disposition du public dans la mairie ».
Afin de pouvoir bénéficier d’une telle « exposition numérique » (de même que d’un temps d’antenne et de panneaux d’affichage), les listes devront être soutenues par des candidats dans au moins 44 circonscriptions différentes.
« Pas d’obstacle constitutionnel » à la réforme, selon le Conseil d’État
Sans surprise, le Conseil d’État a considéré – comme l’année dernière – qu’il n’existait « pas d’obstacle constitutionnel à ce que cette partie de la propagande soit dématérialisée ». L’institution estime qu’au regard « de l’état actuel des moyens de communication » et « du maintien d’une possibilité physique d’accéder à ces documents », la réforme proposée « ne porte atteinte ni à l’égalité entre électeurs, ni à la sincérité des scrutins ».
La juridiction insiste au passage sur le fait que les circulaires « devront être affichées à l’extérieur des mairies, ce qui assurera leur accessibilité indépendamment des horaires d’ouverture des services administratifs ».
Assez curieusement, l’étude d’impact du gouvernement ne chiffre pas les économies à attendre d’une telle réforme. Ce sont pourtant bien les motivations budgétaires qui ont poussé Bercy à pousser de manière récurrente ces dernières années pour une dématérialisation de la propagande électorale. Les économies attendues avaient dernièrement été estimées à 414,3 millions d’euros « sur la période 2018-2022 » (ce qui incluait visiblement toutes les élections, dont les présidentielles et législatives).
Restera maintenant à voir comment ces dispositions seront accueillies par les parlementaires. L'Assemblée comme le Sénat ont toujours catégoriquement rejeté cette dématérialisation lors de la précédente législature, notamment par crainte d'une montée de l'abstention. Il faudra toutefois attendre « l'automne » pour que les projets de loi ordinaire et organique soient examinés par les députés, a précisé hier la ministre de la Justice.