Dans une proposition de loi enregistrée la semaine dernière à l’Assemblée nationale, les élus FI veulent insérer dans notre droit une disposition qui permettrait, si elle était adoptée, de refuser l’installation des compteurs dits intelligents. Non ceux dédiés à la consommation de gaz, mais ceux reliés au réseau électrique.
Les députés de la France Insoumise ont déposé une proposition de loi pour permettre aux consommateurs et aux maires de s’opposer à l’installation de Linky, les compteurs électriques communicants. De la même façon, les foyers déjà équipés auraient la possibilité de revenir à un dispositif classique.
« Refuser Linky est théoriquement possible, mais juridiquement particulièrement ardu pour le consommateur » avancent-ils. Concrètement, leur PPL vise à faciliter ce refus. Elle veut insérer plusieurs alinéas à l’article L. 341-4 du code de l’énergie selon lesquels « il ne peut être procédé à une installation des dispositifs prévus à l’alinéa précédent sans le consentement exprès et écrit du consommateur ».
Une disposition donne également pouvoir aux municipalités, par délibération du conseil municipal, de refuser l’installation de Linky. Toute installation réalisée sans le consentement des foyers serait alors « constitutive d’un délit d’atteinte à la vie privée », soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
Protéger les personnes électrosensibles
Comment ces députés justifient-ils cette mise à jour législative ? D’abord, ces compteurs « peuvent affecter considérablement la vie des personnes électrosensibles », considèrent-ils. Pour nourrir cet argument de santé public, ils s’appuient sur une ordonnance de référé de 2016 rendue par le tribunal de grande instance de Grenoble. En attendant une décision au fond, la justice a imposé le retrait du compteur d'eau à radiofréquences installé au domicile d’une personne (outre l'interdiction d’installer Linky et Gazpar, son équivalent gaz)
Ensuite, ces appareils susciteraient des risques pour la vie privée. « Le fonctionnement intrinsèque de ces compteurs implique le traitement de données à caractère personnel ». Or, ils seraient en indélicatesse avec le règlement européen sur la protection des données personnelles puisque « ce texte communautaire consacre le principe selon lequel le consentement des personnes au traitement de leurs données personnelles doit être donné de façon libre, manifeste, spécifique, éclairée et univoque ».
L'argument (fragile) issu du RGPD
À y regarder de plus près, le RGPD met en effet aux premières loges le consentement, mais l’article 6 considère aussi licites les traitements qui répondent « au respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ». Or, la CNIL elle-même a rappelé que « la généralisation des compteurs résulte d’une obligation légale de modernisation des réseaux qui répond à des directives européennes ».
Un dernier argument est avancé par le groupe. Linky va rendre plus aisée la coupure d’électricité à distance. « Légalement et pour l’instant, les cas autorisant le gestionnaire du réseau à couper l’électricité à distance sont limités : appartement inoccupé en cas de départ d’un consommateur sans remplacement, pour délester le réseau suite à des problèmes d’approvisionnement sur une zone localisée et enfin à la demande de l’occupant ». Cependant, avec la généralisation du compteur communicant, Enedis pourrait étendre ces mesures aux cas d'impayé, sans avoir recours comme aujourd'hui à un technicien sur place.
Autant le dire, le texte de la France Insoumise a peu, voire pas de chance d’être adopté. Il aura néanmoins l’avantage de rouvrir un débat sur les avantages et les risques de ces dispositifs. Rappelons enfin que la CNIL n’est pas démunie, non pour remettre en cause le principe de ces compteurs, mais pour épingler les travers de son déploiement. Elle a ainsi mis en demeure la société Direct Energie pour défaut du recueil du consentement lors des transferts de données personnelles avec le gestionnaire du réseau, Enedis.