Bientôt un droit de communication des données de connexion pour l'inspection du travail

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Droit 5 min
Bientôt un droit de communication des données de connexion pour l'inspection du travail
Crédits : Bastian Weltjen/iStock

Afin de lutter contre la fraude, le gouvernement souhaite que l’inspection du travail puisse se faire communiquer de nombreuses données informatiques lors de ses contrôles. Ses agents devraient également être en mesure d’obtenir des informations auprès des FAI et opérateurs téléphoniques.

« Si d’autres services de contrôle, des organismes sociaux (...) ou des services fiscaux ont bénéficié [ces dernières années] d’une modernisation et d’un renforcement conséquent de leurs pouvoirs d’enquête, il n’en pas été de même de l’inspection du travail », déplore l’exécutif au travers de son projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » – présenté vendredi 27 avril en Conseil des ministres.

Le ministère du Travail fait ainsi valoir que l’institution serait « pourtant le deuxième service verbalisateur en matière de travail illégal, juste après la gendarmerie, avec 25 % des procédures relevées ».

Présentées comme « obsolète[s] » et « pratiquement inopérante[s] », les dispositions qui permettent à ce jour aux inspecteurs du travail de procéder à différentes saisies de données s’apprêtent ainsi à être profondément aiguisées, sur le modèle des prérogatives octroyées notamment à certains agents de Bercy.

Des outils aiguisés contre le « travail au noir »

Le projet de loi déposé la semaine dernière devant l’Assemblée nationale introduit plus exactement deux réformes complémentaires :

  • Renforcer le pouvoir d’enquête de l’inspection du travail dans le cadre de ses contrôles sur place
  • Doter l’inspection du travail d’un « droit de communication », qui sera notamment opposable auprès des opérateurs téléphoniques et fournisseurs d’accès à Internet

Ces nouvelles prérogatives prévaudront uniquement dans le cadre de « la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal » (ce qui inclut notamment le prêt illicite de main-d’œuvre, le travail dissimulé, l’emploi d’étrangers sans titre de travail, le cumul irrégulier d’emplois, etc.).

« Au cours de leurs visites », les contrôleurs de l’inspection du travail pourront tout d’abord réclamer tout « élément d’information » propre à « faciliter l’accomplissement de leur mission ». Cela inclura les documents comptables et professionnels, mais aussi l’ensemble des « données informatisées » dont ils auraient besoin.

Ces agents seront libres de « prendre copie immédiate » de ces documents et données, « par tout moyen et sur tout support ».

Toujours dans le cadre des contrôles sur place, l’exécutif souhaite que les inspecteurs du travail aient « accès aux logiciels et aux données stockées ». Une « restitution en clair » de ces informations pourra au passage être exigée, de même qu’une « transcription par tout traitement approprié en des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle ».

Au tour de l'inspection du travail de bénéficier d'un « droit de communication »

Dans un second temps, le projet de loi porté par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, vient offrir un précieux « droit de communication » à l’inspection du travail. Dans son étude d’impact, le gouvernement rappelle que cet outil juridique permet à « un service de contrôle de demander communication et éventuellement d’obtenir copie d’un document ou d’un élément d’information utile à son enquête, auprès de la personne contrôlée mais aussi auprès de tiers (par exemple, un fournisseur de matériaux de construction, un opérateur de téléphonie ou d’internet, un loueur de véhicule, etc.) ».

Les agents de contrôle de l’inspection du travail seront ainsi en mesure d’exiger « tout document, renseignement ou élément d’information » qui serait « utile » à « la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal ». Le secret professionnel ne pourra alors leur être opposé. Et ce n'est pas tout. Les informations sollicitées devront être fournies sous trente jours aux autorités, gratuitement, sans passage devant un juge ou la moindre autorité indépendante.

La copie gouvernementale précise néanmoins que s’agissant des données conservées et traitées par les opérateurs et FAI, ce droit de communication ne s’appliquera « qu’aux seules données permettant l’identification des personnes proposant un travail, une prestation ou une activité pouvant relever des infractions constitutives de travail illégal ».

Un outil jugé « crucial » face à des fraudes de plus en plus complexes

Dans son étude d’impact, le gouvernement affirme que ce droit de communication sera un outil « crucial » pour la conduite des enquêtes, suite au « développement des fraudes complexes faisant intervenir de multiples acteurs (fausse sous-traitance, fraude au détachement, dérives de certaines plateformes Internet encourageant le travail dissimulé de particuliers) ».

Le ministère du Travail ajoute qu’actuellement, « l’absence de dispositions précises sur les supports informatiques rendent pratiquement inopérante la communication de données informatisées, qui sont pourtant indispensables à l’exploitation de données en grand nombre (registres d’entrée/sortie sur une longue période) ».

« À titre d’illustration, détaille l’exécutif, le droit de communication faciliterait considérablement l’action de l’inspection du travail contre la fraude à l’établissement qui consiste pour une entreprise à se prévaloir abusivement du régime du travail détaché pour ne pas payer de cotisations sociales ni la majeure partie des impôts en France alors qu’elle exerce sur notre territoire une activité stable, habituelle et continue. En recueillant un faisceau d’indices auprès de fournisseurs, clients ou partenaires, l’inspection du travail pourrait ainsi faire échec aux montages artificiels déployés par ces entités pour dissimuler leur activité en France. Aujourd’hui, l’inspection du travail est dépendante des informations qui leur sont fournies par l’entreprise ou par d’autres services lorsqu’ils en disposent. »

Un impact chiffré à plus de 800 000 euros par an pour les entreprises contrôlées

On apprend au passage que l’inspection du travail a procédé l’année dernière à 27 892 interventions relatives au travail illégal (fraudes au détachement incluses). Le ministère du Travail a ainsi sorti sa calculatrice :

« En prenant l’hypothèse que le nombre d’interventions pourrait augmenter jusqu’à 50 000 interventions par an grâce à une mobilisation accrue et au renforcement des pouvoirs d’enquête, que 25 % de ces interventions (fraudes complexes) pourrait justifier l’exercice d’un droit de communication, dont la moitié concernerait des entreprises de droit privé (l’autre moitié concernant d’autres administrations et services de contrôle), le nombre potentiel de droit de communication adressé à des entreprises du secteur privé est évalué à 6 250 par an soit une estimation de l’impact global pour l’ensemble des entreprises de 843 750 euros par an. »

En renforçant les outils de lutte contre la fraude, le gouvernement espère enclencher un « cercle vertueux ». D’un côté, le rétablissement des conditions d’une concurrence loyale encouragerait les employeurs « à investir et augmenter les salaires ». De l’autre, le Trésor public profiterait d’un « meilleur recouvrement des recettes fiscales et cotisations sociales ».

Son étude d’impact se veut toutefois extrêmement prudente : « Au même titre que l’estimation de la fraude est hasardeuse, l’impact macroéconomique de cette seule mesure est difficile à quantifier. »

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