Blue Origin : New Shepard décolle pour la huitième fois, les vols habités en vue

Blue Origin : New Shepard décolle pour la huitième fois, les vols habités en vue

Bezos a trouvé comment dépenser ses milliards

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Sébastien Gavois

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Sciences et espace

30/04/2018 8 minutes
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Blue Origin : New Shepard décolle pour la huitième fois, les vols habités en vue

Blue Origin continue d'enchainer les succès avec sa fusée réutilisable New Shepard. Hier, la troisième génération du lanceur propulsait sa capsule 2.0 dans l'espace, à 107 km d'altitude. L'occasion de faire une rétrospective sur les lancements et les ambitions de Blue Origin.

Ce week-end, la société de Jeff Bezos (également patron d'Amazon) a effectué son huitième essai, sans la moindre anicroche. Après un retard de quelques heures sur le plan initial, la fusée et sa capsule sont montées au-delà de la ligne imaginaire de Kármán (100 km d'altitude), la limite entre notre atmosphère et l'espace, afin de profiter de quelques minutes en microgravité.

Ce nouvel essai rapproche un peu plus Blue Origin de son objectif : envoyer de riches touristes pour quelques minutes en apesanteur dans l'espace. En attendant, Jeff Bezos explique investir chaque année un milliard de dollars de sa fortune personnelle dans l'entreprise. 

Et de huit pour New Shepard... avec trois lanceurs différents

Il y a trois ans jours pour jour, Blue Origin faisait décoller sa première fusée New Shepard. Le lancement, le détachement et la récupération de la capsule se sont déroulés sans accrocs, mais le lanceur s'est crashé lors de son retour sur Terre, à cause d'une perte de pression dans le système hydraulique expliquait alors Jeff Bezos.

Une nouvelle fusée New Shepard 2 a donc été construite. Elle a effectué cinq décollages/atterrissages entre novembre 2015 et octobre 2016. Le rythme était soutenu avec un lancement tous les deux mois environ, sauf pour le dernier (5 octobre 2016), arrivé presque quatre mois après le précédent (16 juin 2016).

Des tests de sécurité sur la capsule... pour rassurer les clients ?

Ces deux derniers vols étaient l'occasion pour la société de mener des expérimentations sur la sécurité de la capsule, censée accueillir des passagers prochainement. Ainsi, lors du quatrième lancement de New Shepard 2, seuls deux parachutes sur les trois ont été ouverts pour le retour sur la terre ferme. La capsule est alors arrivée à environ 37 km/h sur le sol, contre 25 km/h en condition normale avec trois parachutes.

Le 19 juin 2016, lors de son dernier vol, New Shepard 2 testait le module d'éjection de sécurité de l'habitacle. En cas de danger lors du décollage, ce dernier dispose en effet d'un propulseur à poudre lui permettant de s'éloigner rapidement du premier étage de la fusée.

L’éjection s'est produite 45 secondes après le décollage, à près de 5 km d’altitude lorsque, les contraintes exercées sont à leur maximum (Max-Q). La capsule est ensuite montée à 7 km avant de revenir se poser en douceur à l'aide de ses parachutes. Jeff Bezos avait expliqué que la perte du lanceur était une possibilité suite à ce lancement, mais ce ne fut pas le cas : il a continué sa route jusqu'à 93,7 km avant de revenir se poser sur Terre.

Dans tous les cas, New Shepard 2 est désormais à la retraite.

New Shepard 3 prend la relève, avec licence de la FAA

S'en suit une longue traversée du désert de près de 18 mois avant un nouveau lancement le 12 décembre 2017, probablement le temps de construire et/ou valider la nouvelle fusée New Shepard 3. Une explosion au décollage ou à l'atterrissage serait en effet désastreuse pour l'image de Blue Origin... et surtout pour les potentiels clients.

Si New Shepard 3 ressemble beaucoup à son prédécesseur, des modifications ont été apportées, principalement dans le but d'améliorer la réutilisabilité du lanceur, le fonds de commerce de Blue Origin. La capsule est également revue et corrigée, et intègre notamment de vraies fenêtres donnant sur l'extérieur. Un mannequin « Skywalker » y prend place afin de profiter de la vue et d'apporter des données sur son état lors des différentes phases du vol, imitant ainsi ce que ressentirait un humain.

  • New Shepard
  • New Shepard
  • New Shepard

Avec ce lanceur, Blue Origin dispose d'une licence commerciale de la FAA lui permettant d'emporter des charges utiles pour le compte de tierces parties. Et la société de Jeff Bezos l'a fait dès le 12 décembre avec pas moins de douze expériences à bord, provenant aussi bien de sociétés privées que d'écoles. Le détail est disponible par ici.

Des charges utiles de partenaires commerciaux dans New Shepard 3

Hier, c'est donc le second vol pour New Shepard 3, mais la huitième mission pour New Shepard (M8). Là encore l'opération s'est déroulée sans encombre durant toutes les phases : décollage, largage de la capsule et retour sur Terre des deux éléments. La capsule est grimpée plus haut que lors des autres essais : 107 km, alors qu'elle était généralement entre 90 et 100 km auparavant. « C'est l'altitude que nous visons pour les opérations » explique la société.

Des charges utiles étaient aussi du voyage, certainement de quoi assurer une (petite) rentrée d'argent à Blue Origin, mais dont le montant n'est pas précisé. La société se vante au passage d'avoir ses « premiers clients européens, financés par l'agence spatiale allemande DLR », en plus de la NASA et d'une « petite entreprise de communications commerciales ». Les partenaires étaient par contre moins nombreux qu'en décembre dernier : cinq seulement.

Blue Origin propose pour rappel deux offres à ses clients : 52 litres avec un poids de 11,34 kg et des mensurations de 52,3 x 41,4 x 24,1 cm, ou respectivement 99 litres, 22,68 kg et 52,3 x 41,4 x 28,9 cm. Les clients peuvent, s'ils le souhaitent, coupler leur instrument avec la séquence de lancement pour ne lancer des mesures qu'une fois en microgravité par exemple.

New Shepard

Jeff Bezos annonce investir un milliard de dollars par an

L'entreprise spatiale ne peut pour le moment pas survivre uniquement grâce à ses partenaires. Jeff Bezos revient sur le financement de la société lors d'une interview accordée à Axel Springer, en marge de la remise d'un prix, comme le rapporte Business Insider. « La seule manière que je vois de déployer des ressources financières aussi importantes est de convertir les gains Amazon en voyages dans l'espace. Blue Origin coûte assez cher pour pouvoir utiliser cette fortune » explique-t-il.

La somme investie serait d'environ un milliard de dollars par an selon le dirigeant. Sa fortune personnelle est pour rappel estimée à 132 milliards de dollars selon le dernier décompte. Il aurait gagné plus de 10 milliards de dollars grâce à la hausse de l'action en bourse suite à la publication de bons résultats du revendeur.

Jeff Bezos n'est d'une certaine manière pas sans rappeler Elon Musk, qui investit dans SpaceX afin d'envoyer des hommes coloniser Mars. Les deux dirigeants sont d'ailleurs concurrents avec leurs sociétés respectives.

Des vols habités prévus pour la fin de l'année

Ariane Cornell, responsable des affaires et de la stratégie chez Blue Origin, affirme que la société est en capacité de « mettre le lanceur sur le pas de tir, de le lancer, de le récupérer et de le remettre sur le pas de tir » pour un autre lancement en l'espace de 14 heures, et avec seulement une trentaine de personnes, comme le rapporte l'AFP. Un délai extrêmement court.

Maintenant que New Shepard a fait ses preuves, la suite logique des événements serait un lancement habité, mais il faudra encore être patient. En décembre dernier, Jeff Ashby, ancien astronaute de la NASA et aussi directeur de la sécurité chez Blue Origin, expliquait en effet être « à peu près à un an de vols habités ». « Nous avons encore beaucoup de tests à faire, et nous allons faire quelques essais avec des humains, avant d'envoyer des clients qui payent dans notre fusée » ajoutait-il

Blue Origin reste depuis silencieux sur son calendrier. Lors de ce lancement, la société explique simplement être impatiente de partager des informations sur ses prochains essais, alors qu'elle poursuit sa « progression vers le vol spatial habité », sans plus de détail. Le tarif (même indicatif) du voyage n'est pas indiqué pour le moment.

Virgin Galactic veut aussi sa part du gâteau avec le VSS Unity

Virgin Galactic est également sur les rangs avec son avion suborbital VSS Unity. Lui aussi doit emmener de riches touristes dans l'espace, pour un vol de quelques minutes dans l'espace, au-delà de la limite des 100 km d'altitude. Le programme a néanmoins pris du retard suite à un crash mortel fin 2014.

Après avoir enchainé les essais en vols planés, le moteur du VSS Unity a été allumé pour la première fois au début du mois. Il n'est par contre monté « que » jusqu'à 25 km d'altitude après avoir été largué en l'air par son porteur WhiteKnightTwo (nom de code Eve). Le prix du billet pour les clients est de 250 000 dollars. 

Par la suite, Blue Origin compte venir jouer sur les plates-bandes de SpaceX avec son lanceur New Glenn. Il devrait décoller « avant la fin de la décennie » selon Jeff Bezos. Eutelsat a d'ailleurs signé avec la société pour un lancement « à l'horizon 2021-2022 ». Rappelons que son développement est important à plus d'un titre, car la fusée doit utiliser le moteur BE-4 de Blue Origin, devant également servir au prochain lanceur Vulcan d'United Launch Alliance (Boeing et Lockheed Martin).

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Et de huit pour New Shepard... avec trois lanceurs différents

Des tests de sécurité sur la capsule... pour rassurer les clients ?

New Shepard 3 prend la relève, avec licence de la FAA

Des charges utiles de partenaires commerciaux dans New Shepard 3

Jeff Bezos annonce investir un milliard de dollars par an

Des vols habités prévus pour la fin de l'année

Virgin Galactic veut aussi sa part du gâteau avec le VSS Unity

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Commentaires (16)




« Nous avons encore beaucoup de tests à faire, et nous allons faire quelques essais avec des humains, avant d’envoyer des clients qui payent dans notre fusée »





Mouais… A chaque atterrissage la fusée vacille comme une bouteille au bout d’une canne à pêche.



C’est pas très rassurant pour les futurs clients. <img data-src=" />


Pour les clients c’est accessoire, dans la mesure où ils sont dans le module, pas dans le lanceur.

Ce qui est plus ennuyeux, c’est le non déclenchement d’un parachute.

Reste à voir ce que donne un choc de 37km/h à l’intérieur de la capsule :-)


Au vu des risques a l’atterrissages, il y aura vraisemblablement un atterrissage capsule distinct de l’atterrissage fusée.


Bizarrement, j’aurais moins peur d’un atterrissage “brutal” dans la capsule+parachute que dans l’atterrissage “contrôlé” de la capsule+lanceur. <img data-src=" />



Au pire, en cas de crash de la capsule, on pourra me reconstruire. Nous en avons la possibilité technique. Nous sommes capables de donner naissance au premier homme bio-ionique…








127.0.0.1 a écrit :



Mouais… A chaque atterrissage la fusée vacille comme une bouteille au bout d’une canne à pêche.



C’est pas très rassurant pour les futurs clients. <img data-src=" />









Northernlights a écrit :



Au vu des risques a l’atterrissages, il y aura vraisemblablement un atterrissage capsule distinct de l’atterrissage fusée.







Comme dit plus haut le lanceur se décroche de la capsul, suit son bonhomme de chemin et chacun atterit de son coté.







Sylvounet a écrit :



….

Ce qui est plus ennuyeux, c’est le non déclenchement d’un parachute.







La capsule est muni de trois parachutes, un seul suffit pour atterir bien plus en “douceur” qu’une capsule Soyouz









Drozo a écrit :



La capsule est muni de trois parachutes, un seul suffit pour atterir bien plus en “douceur” qu’une capsule Soyouz







Soyouz n’atterris pas, c’est un crash contrôlé <img data-src=" />









Drozo a écrit :



La capsule est muni de trois parachutes, un seul suffit pour atterir bien plus en “douceur” qu’une capsule Soyouz







On m’a fait le coup de Kerbal Space Program… c’est du mensonge ! <img data-src=" />









127.0.0.1 a écrit :



Bizarrement, j’aurais moins peur d’un atterrissage “brutal” dans la capsule+parachute que dans l’atterrissage “contrôlé” de la capsule+lanceur. <img data-src=" />



Au pire, en cas de crash de la capsule, on pourra me reconstruire. Nous en avons la possibilité technique. Nous sommes capables de donner naissance au premier homme bio-ionique…





<img data-src=" /> pour la référence <img data-src=" />




“Prix du billet : 250 000 $”…

Deux questions :




  • On peut payer en 4 fois sans frais ?

  • Y’a t’il un tarif spécial pour les familles nombreuses ? <img data-src=" />


Ma compréhension: C’était justement un test de sécurité pour voir ce qui se passe si un des parachutes ne s’ouvre pas.

Autrement dit: Le nominal c’est 3 («confort»), mais vérifions qu’avec 2 ça marche aussi («survie»)


au moins, Musk et Bezos tentent de répondre à la question “comment peut-on dépenser son cash quand sa fortune dépasse la(dizaine de) dizaine de Mds$ ?”&nbsp;<img data-src=" />


Je pense plus que c’est volontaire de la faire partir sur 1 côté au départ pour mieux contrôler la suite, plutôt que de laisser partir dans un sens aléatoire et devoir corriger en conséquence.

D’ailleurs une fois la manœuvre de réalignement réalisée il est super stable, plus que sont concurrent je trouve.


Le gars a dit qu’il verse 1 milliard.

Il en faudrait 3 pour te mettre en bionique 😅



Bye Steve !



Bon, là, ça fonctionne, même si ça fait pas mieux que les premiers vols Mercury-Redstone du début des années 1960.



Reste l’étape que SpaceX a, jusqu’ici, été la seule boîte équivalente à réussir : passer en production. Mais bon, ça a l’air de ne pas tenir du pari impossible, au vu de ce qui a été fait lors des essais. À suivre…








Commentaire_supprime a écrit :



Bon, là, ça fonctionne, même si ça fait pas mieux que les premiers vols Mercury-Redstone du début des années 1960.



Reste l’étape que SpaceX a, jusqu’ici, été la seule boîte équivalente à réussir : passer en production. Mais bon, ça a l’air de ne pas tenir du pari impossible, au vu de ce qui a été fait lors des essais. À suivre…





Puisqu’on te dit que c’est exceptionnel !&nbsp; C’est comme la Falcon Heavy qui est la fusée la plus puissante jamais envoyé dans l’espace… abstraction faite de quelques autres !



Depuis le passage à l’euro, il suffit de 5 millions d’euros pour faire un “Six Million Dollar Man”. <img data-src=" />