De plus en plus de dossiers transmis aux Parquets. Voilà confirmée l’orientation actuelle de la Hadopi, celle qui fut si souvent autrefois accusée d’une efficacité molle. L’autorité, que Françoise Nyssen voudrait surarmer contre les sites de direct download et de streaming, souhaite aussi bénéficier d’une meilleure information quant aux suites judiciaires.
La Hadopi a diffusé voilà peu les derniers chiffres clés de la riposte graduée. Elle dépasse désormais les 10,7 millions d’avertissements. Au dernier étage, l'institution s’approche des 2 500 transmissions aux Parquets. Témoignage de son activité croissante, 922 dossiers ont pris ce chemin vers le ministère public pour la seule année 2017.
C’est bien simple, ces 922 dossiers « représentent plus d’un tiers de l’ensemble des dossiers transmis par la Haute Autorité depuis la mise en place de la procédure de réponse graduée (2 420 au total au 31 janvier 2018) ». Tous n’ont pas été jugés puisqu’en raison des délais de procédure, « leur traitement par l’autorité judiciaire est actuellement en cours. »
Ce regain de croissance, déjà mis en évidence lors de son dernier rapport annuel consacrant les sept années de la riposte graduée, est expliqué par une optimisation des traitements et une stratégie plus affinée au sein de la Commission de protection des droits. La tourelle pré-pénale de l’autorité assure en tout cas porter une attention encore plus soutenue aux dossiers importants, ceux mettant le plus d’œuvres en partage. En coulisse, c'est aussi la volonté de gonfler le torse d'une institution si souvent mise en cause, même au Sénat.
211 transmissions mixtes en 2017, contre 2 en 2016
Autre caractéristique d’une Hadopi revigorée, le chiffre des transmissions dites mixtes. Derrière l’expression, la CPD vise les dossiers qui présentent à la fois les caractéristiques d’une contravention de négligence caractérisée, mais également d’un délit de contrefaçon. S’il n’y a eu que 7 transmissions de ce type en 2016, le chiffre a été de 211 en 2017. Dans 10 autres cas, seul le délit a été retenu, contre 2 en 2016.
Ces qualifications peuvent être retenues lorsque l’abonné pris dans les doigts du défaut de sécurisation avoue plus ou moins directement avoir été à l’origine de la mise à disposition des fichiers sur les réseaux P2P.
Dans ce document, plusieurs décisions sont citées, notamment 36 amendes infligées par un tribunal de police d’un montant de 200 à 1 000 €, assorties parfois d’un sursis. En tout, il n’y a cependant eu que 93 jugements de condamnation au titre de la riposte graduée, sachant que les alternatives aux poursuites atteignent le chiffre record de 469.
La Hadopi plaide une meilleure information avec le Parquet
On apprend au passage que la CPD a initié « des échanges avec le ministère de la Justice pour améliorer son information sur les suites judiciaires, dans le cadre du chantier « Transformation numérique » lancé en octobre dernier par ce ministère ».
Contactée, Dominique Guirimand, présidente de la Commission de protection des droits, nous en dessine l’enjeu : il s’agit d’améliorer « l’information donnée à l’Hadopi en ce qui concerne les suites judiciaires relatives aux procédures transmises par la CPD aux Parquets aux fins de poursuites pénales ».
Certes, l’article R.331-44 du Code de la propriété intellectuelle oblige le procureur de la République à informer la Commission de protection des droits « des suites données à la procédure transmise », cependant, regrette l'institution, « aucun délai n’étant fixé par le texte ». En conséquence, « il arrive que cette information ne soit pas rapide, ou… n’intervienne pas, si bien que la CPD est souvent obligée de la réclamer ».
La commission voudrait donc que la disposition soit mise à jour, histoire de pouvoir « présenter en temps utile les résultats les plus précis possible » de son activité, idéalement en dématérialisant ces échanges. Aujourd’hui, ses bilans sont délicats « compte tenu du décalage existant entre le nombre de dossiers transmis aux Parquets et le nombre de réponses connues ».