La prochaine réforme de l’audiovisuel public est la source de toutes les revendications. La SCAM, une société de perception et de répartition des droits, milite une nouvelle fois pour une hausse de la redevance TV. Elle souhaite la porter à 150 euros, tout en voyant son périmètre étendu à tous les écrans.
En décembre et janvier dernier, Emmanuel Macron a annoncé une grande réforme de l’audiovisuel public avant la fin de l’année 2018. Le projet de loi sera précédé dès la fin du premier trimestre par un grand débat avec « l’ensemble des professionnels ».
« Je ne veux ici ni fermer aucun sujet, ni égrener ce que la mission et la ministre dans les prochaines semaines auront à établir » exposait le chef de l’État lors de ses vœux à la presse. Un peu plus tôt, au Sénat, en octobre 2017, la ministre de la Culture dévoilait clairement l’un des chantiers en vue, celui de la réforme du financement de l’audiovisuel, et spécialement de la redevance TV (ou CAP, pour « contribution à l’audiovisuel public »).
Ces appels du pied ont été entendus par les sociétés de gestion collective, et en particulier la SCAM, une société civile des auteurs du multimédia qui gère les intérêts de 43 000 auteurs, réalisateurs de télévision et radio, écrivains, journalistes, photographes, dessinateurs, vidéastes et 112 millions d’euros de droits d’auteur.
150 euros de redevance, même chez les foyers sans TV mais avec PC
Au travers d'une liste de recommandations à l'attention de l'exécutif, elle plaide pour une augmentation à 150 euros de la CAP. « La hausse de la contribution à l’audiovisuel public est un sujet tabou. Tous les politiques ont refusé de s’y attaquer au prétexte que le sujet est impopulaire. L’est-elle davantage que la hausse des impôts ou des contributions sociales ? » écrit-elle.
En comparant les niveaux en vigueur en Europe, elle regarde avec jalousie les 385 euros en vigueur en Suisse, les 335 euros en Autriche ou au Danemark, voire les 210 en Allemagne et 170 au Royaume-Uni. À 138 euros, la France est finalement entre la Slovénie (153 euros) et la Croatie (137 euros), loin devant les 36 euros portugais ou grecs. Pour la société de collecte et répartition, la CAP est « la ressource la plus sûre et la plus légitime pour financer un service public et garantir son indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et des régies publicitaires. C’est donc sur cette ressource qu’il convient d’agir pour construire l’avenir ».
Sur son chemin, elle soutient aussi une réforme d’ampleur de l’assiette, considérant que le système actuel est « archaïque » en ce qu’il ne repose que sur la détention d’un poste de télévision. « Il est temps de prendre acte de la diversité des usages et des terminaux qui permettent de regarder des programmes de l’audiovisuel français. Il en va de la modernisation de la contribution mais aussi de sa cohérence au regard des engagements du groupe à qui la tutelle demande à juste titre d’investir dans le numérique pour élargir sa diffusion ». En guise de carotte, la SCAM demande une disparition « de la publicité de marques sur toutes les antennes publiques ».
En 2013, elle demandait une hausse de 9 euros voire de 17 euros, là aussi étendues à tous les écrans, dès lors qu’un foyer aurait disposé d'un moyen quelconque de réceptionner les chaînes publiques.

Les pouvoirs du CSA étendus à Internet
Dans sa besace, la société civile a d’autres propositions à souffler à l’exécutif. Elle juge plus judicieux que le président de chaque chaîne soit nommé par le conseil d’administration, et non plus par l’actionnaire public. De même, ces conseils d’administration doivent être repensés et ouvrir un chapitre à « un collège professionnel des représentants des auteurs, des autrices, des producteurs, des productrices et des artistes oeuvrant pour le service public » qui aurait un tiers des sièges. Autre piste : augmenter les pouvoirs du CSA à Internet « puisque les publics et en particulier les plus jeunes se tournent davantage vers la toile ».
Toujours dans le périmètre des contenus, elle voudrait que le service public de l’audiovisuel s’approprie « certains des codes des jeunes pour s’adresser à eux » avec une présence accentuée sur les plateformes. Afin de mieux concurrencer les bulldozers américains, les services publics francophones devraient s’unir et être « en capacité de proposer une offre légale francophone à toute la planète ».
Prendre le risque d'audiences faibles
Enfin, le COM, le contrat d’objectifs et de moyens des acteurs publics, devrait d'après l'organisation être repensé pour placer les documentaires, reportages et autres magazines au cœur des préoccupations. Dans la même veine, les budgets alloués à ces contenus pourraient être sanctuarisés, et les équipes de France Télévisions et Radio France « doivent intégrer le risque d’audiences faibles ».
« Pour marquer sa différence [avec les chaînes privées], le service public doit être un lieu d’expression démocratique, de création et d’innovation, implore la SCAM. Il doit trouver un juste équilibre dans sa programmation entre l’offre et la demande. Il doit éviter la tendance aux formatages systématiques et aux codifications outrancières dans la manière d’écrire et/ou de réaliser des œuvres ».