Laure Baëté est en charge des affaires économiques et juridiques à la FEVAD, la fédération des entreprises de vente à distance. Elle revient au fil d’un échange sur le « New Deal » du droit de la consommation. De nouvelles règles européennes souhaitées par la Commission, avec en particulier une réforme du droit de rétractation.
Cette « nouvelle donne » ou « new deal » vise à mettre à jour de nouvelles garanties et obligations en la matière, à l’initiative par Bruxelles. Par exemple, « lors d'un achat effectué sur une place de marché en ligne, les consommateurs devront être clairement informés afin de savoir s'ils achètent des produits ou services à un commerçant professionnel ou à un particulier; ils sauront ainsi s'ils sont protégés par les droits des consommateurs en cas de problème » explique l’institution.
Laure Baëté, juriste à la FEVAD, accueille plutôt favorablement cette disposition. Alors qu’on retrouve cette notion de « plateforme » dans la loi Lemaire, il y a néanmois un risque d’entrechoquement pour les entreprises. « À la FEVAD, nous raisonnons au niveau européen, et il y a toujours des dispositions parfois franco-françaises qui arrivent soit en avance soit après. Nous serons très vigilants par rapport à l’implantation des nouvelles règles, d’un pour qu’elles ne soient pas redondantes et deux, puissent être dans la même mouvance ».
Droit de rétractation : dépréciation du bien, dépréciation du remboursement
Surtout, le droit de rétractation va connaitre une intense réforme. D’une part, il va être étendu aux services gratuits, d’autre part, il va intégrer une logique de dépréciation.
Depuis la directive Droit des consommateurs, transposée en France en 2014, « un professionnel est tenu de rembourser dès la notification du souhait par le consommateur de se rétracter, ou alors il peut prolonger le délai soit à la réception du bien soit à la réception de la preuve de l’expédition du produit. Ce qui compte est le premier des faits qui arrive » commente encore la juriste.
« Par exemple, si le professionnel reçoit la preuve de l’expédition avant de recevoir le bien effectivement, il doit rembourser ». La FEVAD n’a jamais été bien favorable à une telle obligation de remboursement à l’aveugle. Pas étonnant qu’elle soit satisfaite de la réforme en cours.
« Cette évolution nous semble normale et logique, poursuit l’intéressée. Avec la future directive, le professionnel pourra rembourser une fois qu’il aura vérifié effectivement l’état du bien. Et il pourra déprécier le bien s’il a été utilisé plus que nécessaire, puisque le droit de rétractation est un droit à l’essai ».
Un droit à l’essai ? « C’est expliqué dans les considérants, c’est une manipulation un peu comme dans un magasin. Évidemment, j’achète une robe, cela reste un droit à l’essai normal. Si je la mets pendant un mariage, cela devient plus que nécessaire. Cette notion de dépréciation ne pouvait jamais être mise en œuvre par le professionnel, il ne pouvait pas avoir les biens avant de rembourser ».
En cas de dépréciation du bien, le professionnel sera donc en droit de rembourser moins. « Le dispositif n’est pas laissé sans garde-fou, temporise Laure Baëté. Déjà, il faut que le professionnel l’ait indiqué dans les conditions générales de vente ».
Un droit de rétractation raboté, selon l'UFC Que Choisir
Pour imager une utilisation plus que nécessaire, la juriste nous cite deux exemples : « Certains de nos adhérents vendent des hachoirs à viande. Des consommateurs ont pu se rétracter en renvoyant un produit portant la trace de morceaux de viande. Autre cas, des appareils photo numériques retournés avec une carte mémoire remplie de photos de mariage du week-end. Là, clairement, il y a une preuve d’une utilisation plus que nécessaire du bien ».
Néanmoins, ce futur régime ne satisfait pas tous les acteurs. L’UFC Que Choisir évoque un droit de rétractation « raboté ». Et pour cause, « une entreprise pourra ne pas procéder au remboursement si le bien a été utilisé, l’appréciation de l’utilisation restant à la discrétion de ladite entreprise, et le paiement ne sera déclenché qu’à réception du produit par le vendeur ». Elle anticipe de possibles abus « qui risquent de rendre plus difficile la rétractation ».