Les sénateurs socialistes ont présenté avant-hier leurs propositions en vue de la réforme constitutionnelle à venir. Ceux-ci souhaitent notamment permettre aux internautes de soutenir des « amendements citoyens » et constitutionnaliser la neutralité des réseaux.
Si Édouard Philippe a dévoilé la semaine dernière les grandes lignes de la réforme constitutionnelle, le gouvernement ne présentera ses projets de loi que le 9 mai prochain en Conseil des ministres. Ce qui laisse manifestement du temps aux parlementaires pour préparer leurs amendements.
Mercredi 11 avril, au Sénat, le groupe PS a ainsi soumis à consultation en ligne, sur le site Parlement & Citoyens, les propositions qu’il s’apprête à défendre au fil des prochains mois. L’objectif est double : recueillir d’une part des avis sur ses pistes de travail, et pourquoi pas se voir d’autre part soumettre de nouvelles idées.
Une plateforme pour associer davantage les citoyens à la procédure législative
Afin d’associer davantage les citoyens à la procédure législative, les élus de la précédente majorité souhaitent introduire « un droit d’amendement citoyen et de proposition de loi citoyenne ». Une thématique chère à Olivier Faure, le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste (voir notre article).
« Par le biais d’une plateforme numérique dédiée, nous proposons de permettre à un citoyen de soumettre un amendement à un projet ou une proposition de loi, sous réserve que cet amendement, ou cette proposition de loi, recueille un nombre suffisant de signatures », expliquent les sénateurs.
Un « rapporteur spécial » serait désigné pour examiner les amendements citoyens. Lesquels n’auraient vocation à être examinés qu’en séance publique, « de sorte que les signataires de l’amendement puissent assister aux débats, soit physiquement, soit par les moyens numériques » (même si à l’Assemblée, un flux vidéo permet de suivre les débats en commission, en direct). « Dans une démocratie représentative comme la nôtre, s’il appartient aux représentants du peuple de décider, notamment en votant la loi, il n’y a pas de raison de priver les citoyens d’un droit d’initiative », se justifient les parlementaires PS.
Du référendum d'initiative partagée au référendum d'initiative citoyenne
Dans le même ordre d’idée, les sénateurs socialistes proposent de mettre en œuvre un « véritable » dispositif de « référendum d’initiative citoyenne ». À leurs yeux, il convient d’en finir avec le « système verrouillé », et « donc hypocrite », du référendum d’initiative partagée en vigueur depuis 2015 (mais jamais activé, car trop complexe à mobiliser).
À l’Assemblée nationale, le groupe de travail sur la « démocratie numérique » préconisait fin décembre de revoir le seuil de signatures nécessaires à l’examen d’un texte – qui dépasse à ce jour les 4 millions d’électeurs.
Au Sénat, le groupe PS plaide pour un « droit d’initiative propre » au profit des citoyens, sans s’avancer davantage sur ses modalités de mise en œuvre. « Le Parlement pourrait intervenir pour écarter le recours au référendum par l’adoption d’une motion adoptée à la majorité qualifiée des 3/5. Si le Parlement décide d’écarter le recours au référendum, le texte devra être examiné par lui », est-il simplement précisé.
Constitutionnalisation de la neutralité des réseaux et de la protection des données
Dans un tout autre registre, les parlementaires prônent une constitutionnalisation de la neutralité du Net et de la protection des données personnelles. Objectif affiché : offrir une « protection maximale » à ces principes, des retours en arrière étant selon eux possibles « à l’image de la décision de la Commission fédérale des communications des États-Unis [relative à] l’abrogation de la neutralité du Net ».
Serait ainsi inscrit à l’article 1er de la Constitution que « la loi garantit un accès libre, égal et universel aux réseaux numériques et la formation des citoyens à leur utilisation. Elle veille à la protection des données à caractère personnel et de la vie privée. »
Plus de transparence sur les dépenses de fonction du gouvernement
Le groupe PS regrette enfin qu’en raison de la séparation des pouvoirs, le Parlement n’ait « pu, par une loi ordinaire, étendre à l’exécutif certains dispositifs de transparence applicables aux parlementaires ». Il propose ainsi d'introduire dans la Constitution un « socle » par lequel le législateur pourrait « intervenir pour garantir l’éthique à tous les niveaux de la vie politique, notamment la transparence et le contrôle des frais liés à la fonction ».
Sans le dire explicitement, les sénateurs PS lorgnent visiblement sur les dépenses de fonction du président et des membres du gouvernement.

Édouard Philippe a précisé la semaine dernière que l’Assemblée nationale commencerait à examiner la réforme constitutionnelle « avant la pause estivale », l’objectif étant de la « parachever » d’ici l’année prochaine. Certains députés songent d’ailleurs à prendre l’initiative sur les thématiques de la participation citoyenne et de la constitutionnalisation de la neutralité des réseaux et du droit d’accès aux informations publiques (voir notre article).
La consultation en ligne des sénateurs socialistes est quant à elle ouverte jusqu’au 11 mai.