L'interdiction du service UberPop, qui ouvre le monde de la conduite rémunérée aux particuliers non qualifiés, est bien conforme au droit européen. Pour la Cour de justice de l'Union européenne, la mesure concerne bien les transports et non la société de l'information. Une carte qu'Uber avait tenté, sur le mode de l'oubli de notification à Bruxelles.
Le combat de la France contre UberPop prend un tour favorable pour la première. En octobre 2014, apparaissait l'article L3124-13 du code des transports, punissant de deux ans de prison et de 300 000 euros d'amende la mise en place d'un service de voiture avec chauffeur sans être une entreprise de transport routier ou de taxis.
L'article, abrogé en 2016, est un symbole du conflit entre l'État et le groupe Uber, qui réserve habituellement sa plateforme à des chauffeurs professionnels. Avec UberPop, même un particulier peut proposer ses services. De quoi fortement déplaire aux taxis et au gouvernement. Les services de voiture de transport avec chauffeur (VTC) devaient donc exclure les particuliers entre 2014 et 2016, UberPop ayant disparu de nos contrées.
Attaquée sur la base de cette disposition, Uber a souligné l'absence de notification. Le tribunal de grande instance de Lille a donc porté l'affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à la mi-2017, avant de prendre toute décision. Le groupe américain estime que sa régulation tient du droit du numérique, donc nécessite une notification à la Commission européenne. Sans cela, toute norme ou réglementation française serait caduque.
L'interdiction d'UberPop tient du droit des transports
Pour parler juridique, la directive 98/34 de 1998 impose aux États de notifier à la Commission européenne l'ensemble de leurs normes et réglementations techniques touchant la vénérable société de l'information. Le sujet est d'autant plus sensible que le marché unique numérique est l'un des grands axes de la stratégie de l'exécutif européen, et de sa régulation des acteurs étrangers.
La CJUE vient donc de trancher la question. Les sanctions de la France contre UberPop n'avaient aucun besoin d'être notifiées à l'Union européenne, l'État est dans son bon droit.
« Une réglementation nationale, qui sanctionne pénalement le fait d’organiser un système de mise en relation de clients et de personnes qui fournissent des prestations de transport routier de personnes [...], sans disposer d’une habilitation à cet effet, porte sur un "service dans le domaine des transports" », juge la cour européenne. La disposition attaquée concerne bien les transports, et non le numérique.
Dans la continuité d'une récente décision
Cet arrêt n'est pas véritablement une surprise puisqu'il s'agit surtout d'une suite logique à l'arrêt du 20 décembre 2017 dit Asociación Profesional Elite Taxi, qui était arrivée à la même conclusion.
Plus précisément, « le service d’intermédiation [par application mobile] en cause dans cette affaire devait être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal était un service de transport ». Dans cette première affaire, la plateforme numérique n'était donc qu'un média pour un service de transport.
En fait, il existe bien un précédent de sanction pour oubli de notification d'une règle liée à la société de l'information. Il date de 2013 et concerne l'Afnic, l'association responsable du « .fr ». Un particulier avait attaqué l'arrêté renouvelant l'attribution de cette responsabilité en 2010, au motif qu'il n'avait pas été notifié à Bruxelles. Un scrupule validé par le Conseil d’État, qui a déclaré l'arrêté invalide.
L'affaire n'avait pas eu de conséquences, l'arrêté en question n'étant plus en vigueur. L'Afnic avait bien conservé la charge du « .fr ». L'affaire intéressait à l'époque Free, dans sa bataille contre un décret l'obligeant à envoyer les identifications d'internautes par voie électronique. L'opérateur envoyait des liasses de papiers, pour protester contre cette obligation non rémunérée.