Des députés veulent « taxer » Internet au profit des éditeurs de presse

Mon voisin trop d'euros
Droit 4 min
Des députés veulent « taxer » Internet au profit des éditeurs de presse
Crédits : choness/iStock

Une cohorte de députés Mouvement Démocrate et apparentés a déposé une proposition de loi visant à instaurer en France un droit voisin pour les éditeurs de presse en ligne. Derrière l’expression, les plateformes (dont les moteurs de recherche) auraient à leur payer une rémunération parce qu’ils mettent à disposition des titres du secteur.

Alors que les débats européens patinent sur l’opportunité, ou non, d’instituer un tel mécanisme en Europe (article 11 de la proposition de directive), les députés du groupe Modem veulent inverser charrue et bœufs. L'idée ? Anticiper cette réforme pourtant hasardeuse.

Tel est l’objet de leur proposition de loi visant à créer un droit voisin des éditeurs de presse en ligne.

Sous le capot, la tuyauterie est fin prête. L’article 1 pose un principe d’autorisation préalable avant « toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange, le louage, ou communication au public de tout ou partie de leurs productions. »

Cette demande d’autorisation concernerait les opérateurs de plateforme et les prestataires de services qui exploitent « à des fins directement ou indirectement commerciales tout ou partie des productions » des éditeurs et des agences de presse. En somme, la plupart des sites Internet.

Les premières pierres d'une juteuse gestion collective

Ce principe n’aurait qu’une vocation : non trainer tout Internet devant les tribunaux, mais mettre en route un système de gestion collective.

Ces titulaires de droits pourraient en effet confier leurs intérêts à une société de gestion collective. Celle-ci aurait alors pour mission de fixer un barème financier avec les sites par voie de convention, au besoin forfaitairement et pour une durée maximale de cinq ans.

Et pas question que les intermédiaires (sites, réseaux sociaux, moteurs…) passent entre les gouttes puisqu’il est prévu que  « les stipulations de ces accords peuvent être rendues obligatoires pour l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture ».

Vingt ans de protection pour chaque titre

En cas d’échec de cette phase d’accord dans les six mois, la PPL veut que le montant et les modalités de la rémunération soient établis « par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en nombre égal, de membres désignés par les organisations représentatives, d’une part, des créanciers et, d’autre part, des débiteurs de cette rémunération ».

Pour assurer de juteuses retombées, l’article 3 de la proposition de loi prévoit enfin que les droits des éditeurs expirent vingt ans après la publication de l’article.

Autant dire une manne pour le secteur, et aux premières loges, la société de gestion collective qui serait chargée d’engranger puis redistribuer ces flux, après ponction des inévitables et douloureux frais administratifs.

De la mission Lescure à la PPL, en passant par le CSPLA

Cela fait des années que des éditeurs de presse militent pour davantage profiter du pipeline Internet.

En 2012, devant la mission Lescure, les directeurs du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) et de l’Association de la presse d'information politique et générale (IPG) avaient par exemple plaidé pour un tel droit voisin. « Nous souhaitons faire acter que l’indexation de ces contenus améliore la pertinence des réponses des outils technologies en particulier les moteurs, (…) améliore la pertinence de l’adéquation des publicités sur leur page et la qualité ressentie des réponses aux requêtes » exposaient-ils, en quête de monétisation. 

Six ans plus tard, le sujet a resurgi au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, enceinte chargée de souffler la bonne parole créative aux oreilles de la ministre. Dans son rapport sur « l’objet et le champ d’application du droit voisin des éditeurs de publications de presse », la conseillère d’État Laurence Franceschini a identifié l’un des avantages d’un tel droit voisin, au-delà des strictes questions financières.

« Lorsqu’ils portent une affaire devant la justice, les éditeurs de presse doivent démontrer une chaîne de droits cohérente, c’est-à-dire que tous les auteurs ont cédé leur droit à l’éditeur en l’autorisant à le faire valoir en justice ». Or, avec un droit voisin, cette douloureuse étape s’évapore : « démontrer la reproduction dans le cadre du droit voisin qui est basé sur la fixation d’une œuvre est plus aisé puisqu’il suffit de prouver qu’une partie de cette œuvre fixée a été utilisée indépendamment de son originalité ».

Dans son esprit, ce droit devrait frapper également les « snippets », ces petits extraits accolés notamment par Google News, aux liens vers les articles de presse. Selon l’auteure, la lecture simple de ces quelques lignes suffit « souvent au lecteur qui ne va pas alors sur le site de l’éditeur de la publication de presse et ne contribue pas en conséquence à accroître son audience et ses ressources publicitaires ».  D’où l’idée de prévoir un droit voisin aussi large que possible afin de rétribuer les éditeurs, tout en leur évitant des actions devant les juridictions.

Oh, le taxi

Retour en 2012. Devant la même mission, l’un des représentants de Google France avait moqué ces justifications. « Exiger de Google une rémunération au motif que son moteur de recherche dirige des lecteurs vers les sites de presse n’a pas plus de sens que d’exiger d’un chauffeur de taxi qui conduirait un client à un restaurant de rémunérer le restaurant au motif qui lui amène un client. »

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