Dans le cadre de sa participation au Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO, ou OGP, en anglais), la France a présenté hier son « plan d’action national » 2018-2020. Une vingtaine d’engagements sont ainsi pris en matière de transparence, d’innovation publique, de participation citoyenne, etc.
Le précédent plan, qui couvrait la période 2015-2017, n’avait pas toujours été bien accueilli dans la mesure où de nombreuses promesses étaient formulées dans des termes flous, ce qui rendait leur respect d’autant plus facile... L’association Regards Citoyens y avait ainsi vu un « plan de communication », davantage qu’une liste de mesures concrètes et mesurables dans le temps.
La feuille de route dévoilée hier par l’exécutif (PDF) continue parfois de tomber dans le même écueil, mais dans une moindre mesure. L’ensemble s’avère globalement plus précis que par le passé – notamment en termes de calendrier.
En jetant un coup d’œil au projet de plan d’action présenté en novembre dernier (pour appel à commentaires sur Internet), on constate par ailleurs que de nombreux engagements ont été intégrés en dernière ligne droite : création d’un réseau ministériel d’administrateurs des données, tableau de bord « contributif » des services publics numériques, laboratoire d’intelligence artificielle, « Forums Open d’État », généralisation des start-ups d’État au sein des ministères, etc.
Des administrateurs des données pour veiller à la mise en œuvre de la loi Numérique
En matière d’ouverture des données publiques, de nombreuses mesures ont été introduites lors du vote de la loi Numérique de 2016 (bien qu’elles demeurent jusqu’ici guère appliquées). Le gouvernement s’engage ainsi à ce que la mise en œuvre de ces dispositions soit « suivie et accompagnée ».
L’exécutif promet notamment de « faciliter et faire appliquer le principe d’ouverture des données par défaut ». Pour cela, chaque ministère désignera dès 2018 un « administrateur » de ses données, lequel travaillera avec l’Administrateur général des données, Henri Verdier. Les pouvoirs publics espèrent ainsi « faciliter le partage d’expérience et la mise en commun de ressources interministérielles (mise en place d’API, de plateformes de partage de données, anonymisation,...) ».
D’autres mesures sont également évoquées, telles la publication d’un « guide pratique pédagogique », rappelant notamment le nouveau cadre légal résultant de la loi Numérique et du RGPD, l’élaboration d’outils destinés à mesurer l’impact des ouvertures de données (sur le plan économique, démocratique...), la création d’un groupe de travail international visant à échanger des retours d’expérience, etc.
Le plan d’action prévoit également :
- L’entrée de nouveaux jeux de données dans le « service public de la donnée », comme l’a annoncé Emmanuel Macron la semaine dernière. « Deux à trois jeux de données à fort impact » devraient ainsi être identifiés, par ministère, à horizon 2019. Un calendrier d’ouverture sera ensuite défini.
- L’introduction, au cours du second semestre 2018, de nouvelles fonctionnalités sur « data.gouv.fr ». L’exécutif souhaite notamment « permettre aux citoyens ou aux entreprises de demander des ouvertures de données » depuis la plateforme nationale d’Open Data.
- La prolongation de l’expérimentation pour un Open Data « par défaut » dans les collectivités territoriales. Un « observatoire » des territoires impliqués dans ce mouvement sera par ailleurs créé au cours du second semestre 2018.
Accompagner l'ouverture des données de marchés publics, des codes sources, etc.
Autre pilier du plan d’action : la transparence de la commande publique. Les dispositions législatives et réglementaires ayant pour la plupart déjà été prises à cet effet, le défi consiste désormais à s’assurer de la publication, sur le plan technique, des « données essentielles » des marchés publics (à partir d’octobre 2018).
La feuille de route dévoilée hier fait notamment référence – notamment – à la mise en œuvre d’une « politique d’accompagnement et de formation des acteurs à la transformation numérique de la commande publique ».
Afin d’accompagner plus spécifiquement l’ouverture des algorithmes et des codes sources publics, également prévue par la loi Numérique, les pouvoirs publics devraient publier des « recommandations » et un « guide pratique » à l’intention des administrations.
En association avec la société civile, cinq « monographies d’algorithmes publics » seront d’autre part réalisées en 2019, afin de mieux identifier les enjeux de ces programmes « en termes techniques, juridiques et organisationnels » (à l’image de ce qui avait été réalisé pour Admission Post-Bac par la mission Etalab). L’organisation de différents hackathons « autour de l’ouverture des algorithmes publics » est également annoncée pour les prochains mois.
Autre engagement notable : l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) va ouvrir le code source de « CLIP OS », son système d’exploitation sécurisé (pour en savoir plus).
Le gouvernement veut « aller plus loin » en matière de participation citoyenne
En matière de participation citoyenne, le gouvernement promet vouloir « aller plus loin ». La plateforme « consultation.etalab.gouv.fr », qui référence différents outils destinés aux administrations qui souhaitent se lancer dans une consultation en ligne, a en ce sens vocation à être améliorée et enrichie. L’objectif reste le même : accompagner les acteurs publics, tant pour « accroître l’impact de ces consultations » que d’en « assurer la loyauté et la transparence ».
Une « plateforme unique » d’accès aux différentes consultations publiques sera par ailleurs développée d’ici à la fin 2019.
Sont également prévues :
- L’expérimentation d’un nouveau « format de forum » entre État et société civile. Des « Forums Open d’État » devraient ainsi voir le jour à compter du second semestre 2018, afin de permettre aux citoyens volontaires d’échanger de manière informelle avec les agents publics impliqués dans des projets en lien avec le plan d’action de l’OGP.
- L’organisation, « dès 2018 », d’un « sommet international sur le gouvernement ouvert et le soutien aux gov tech ».
Favoriser l’innovation au sein de l’administration
Dans l’objectif de « valoriser l’engagement professionnel des agents publics » et de mieux « cibler », au contraire, les services pour lesquels il existe des voies « d’amélioration », toutes les administrations en relation avec des usagers « publieront, à horizon 2020, des indicateurs de résultats et de qualité de service, notamment de satisfaction usagers, actualisés au moins chaque année ».
Certains acteurs devront sauter le pas dès la fin 2018 : services des impôts aux particuliers, tribunaux, consulats et caisses de sécurité sociale.
Alors que l’exécutif ambitionne de dématérialiser l’ensemble des démarches administratives d’ici 2022 (hors délivrance de titres d’identité), le plan d’action prévoit qu’un « tableau de bord contributif » permette de connaître l’état d’avancement des basculements vers le numérique, comme cela avait été annoncé il y a quelques semaines.
Avec cet outil, les internautes pourront surtout « rétroagir sur ces démarches afin de les améliorer : expression d’irritants sur la démarche, demandes de modification, signalement de dysfonctionnements ou de manques »... D’ici la fin 2018, un « dispositif » complémentaire permettra de « veiller à ce que les avis des usagers soient réellement pris en compte ».
Autres mesures notables :
- Chaque ministère devrait se doter d’un « incubateur de services publics numériques » à horizon 2019 (voir à ce sujet notre reportage sur les start-ups d’État)
- En 2022, l’ensemble des acteurs publics, « que ce soit au niveau national ou territorial », devra utiliser les « composants et services » du service d’authentification FranceConnect « pour offrir des services numériques simples, personnalisés, dématérialisés de bout en bout, sécurisés, assurant la traçabilité des démarches tout en respectant les libertés fondamentales ».
- Le programme des Entrepreneurs d’intérêt général a vocation à être pérennisé
Dans la droite lignée du rapport Villani, la France entend préparer au fil des prochains mois un « laboratoire d’intelligence artificielle ouvert pour l’État ». Ce dernier sera composé d’une équipe cœur de « spécialistes en data sciences et de transformateurs publics ». Des appels à projets à destination des administrations doivent être lancés entre juillet et décembre, sur le modèle des Entrepreneurs d’intérêt général.
La constitution du « lab » à proprement parler ne se ferait qu’au cours du premier semestre 2019.
Open source pour les codes sources de l’Assemblée
L’Assemblée nationale a elle aussi dévoilé un plan d’action (PDF), au titre du Parlement ouvert. La quasi-totalité des engagements présentés par l’institution a toutefois un parfum de réchauffé, de nombreuses mesures ayant déjà été annoncées ces derniers mois dans le cadre des « réformes 2017-2022 » : liste des entrées des lobbyistes, transparence sur les délégations de vote, refonte du site Internet de l’Assemblée, etc. (voir notre article)
Parmi les rares nouveautés, figure néanmoins la publication – en open source – des codes sources des « développements informatiques » lancés « à compter de mars 2018 » par les services de l’Assemblée nationale.
« Cet engagement ne concernera que les nouveaux développements informatiques, les anciens développements n’ayant pas été écrits avec l’ambition d’être publiés. Le coût de leur publication serait alors trop important », se justifie le Palais Bourbon. L’institution souligne par ailleurs que cet engagement sera respecté « sous réserve du respect des impératifs de sécurité », vraisemblablement pour éviter des attaques informatiques.
Si les administrations sont en principe tenues de communiquer sur demande leurs codes sources, le Parlement bénéfice juridiquement d’une dérogation à la « loi CADA », au nom de la séparation des pouvoirs. L’engagement pris par l’Assemblée nationale a ainsi été salué par l’Association de promotion du logiciel libre (April) :
C'est un engagement positif et à saluer. En espérant que « l'exception de sécurité » ne soit pas utilisée par les services informatiques pour limiter cet engagement. Il aurait bien aussi d'utiliser le terme logiciel libre :)
— April (@aprilorg) 3 avril 2018
Autre mesure à souligner : la publication en Open Data d’informations « plus précises sur le budget de l’Assemblée nationale », dans le courant du premier semestre 2018. François De Rugy avait promis l’été dernier que l’on pourrait savoir « qu'est-ce qui coûte quoi » au Palais Bourbon.