Le programme pour enfants Les ZouZous de France Télévisions n’a plus de publicités. Sauf sur la chaîne éponyme hébergée par YouTube. Le sénateur André Gattolin dénonce cette situation inéquitable, peu en phase avec sa loi régissant le secteur.
En 2016, le sénateur André Gattolin avait fait adopter une loi pour interdire la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique. Après une menace de report, esquivé à la dernière minute, cette interdiction est désormais effective depuis le 1er janvier 2018.
Depuis, l’article 53 de la loi de 1986 sur la liberté de communication pose que les programmes de France Télévisions « destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires ». Seules exceptions, les messages génériques « pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants » ou les campagnes d'intérêt général.
Cette restriction est vaste. Elle vaut évidemment pendant le programme, mais également quinze minutes avant et après sa diffusion. Surtout, elle concerne également tous les messages diffusés sur les sites de France Télévisions.
Des pubs sur la chaîne les Zouzous mais uniquement sur YouTube
Dans une question écrite adressée à Françoise Nyssen, ministre de la Culture, le sénateur LREM s’agace quelque peu de la présence de publicités dans les programmes des « Zouzous ». Non sur les flux diffusés par les sites zouzous.fr et France.tv, qui en sont tous démunis, mais par la chaîne YouTube du même nom qui compte 108 069 abonnés. Une brique de la « stratégie d’hyperdistribution de programmes » de France Télévisions.
Promotion de film, de matériel informatique, publicités pour des timbres ou des services bancaires, l’élu cite différents exemples, captures à l’appui. Nous y ajoutons de la crème contre les érythèmes fessiers (voir capture).
« Ces programmes comportent en plusieurs endroits des messages publicitaires : sur un navigateur Internet sous forme de bandeaux affichant des publicités ciblées, sur une application mobile-tablette sous forme de coupures publicitaires en plein écran » regrette-t-il, non sans relever que « la monétisation de vidéos publiées sur le site youtube.com n’est en rien obligatoire pour une chaîne et relève d’une démarche volontaire de la part de celle-ci ».
Une réaction attendue de la ministre de la Culture
Alors que le sujet est aussi dans les cordes du CSA, le sénateur a interrogé la ministre pour savoir si ces publicités n’étaient pas contraires à la loi du 20 décembre 2016, « et dans l’affirmative quelles mesures elle compte prendre pour faire cesser la diffusion de ces messages publicitaires ».
Si une France Télévisions cherchent à remplir ses caisses par tous les moyens, les interrogations du père de la loi de 2016 sont légitimes. Le champ d’application du texte a été précisé juridiquement par un décret du 22 décembre 2017 venu modifier le cahier des charges de France Télévisions établi en 2009.
Ces restrictions concernent d’une part les services de médias audiovisuels à la demande qu’édite France Télévisions, directement ou à travers des filiales, ceux « qui permettent une nouvelle mise à disposition auprès du public de ses programmes télévisés » et d'une manière plus générale, proposent une offre de contenus de complément.
D’autre part, cela touche aux offres proposées sur les sites qui prolongent, complètent et enrichissent les programmes du groupe.
« Une guérilla d’interprétation » selon André Gattolin
Toute la question est de savoir si un flux YouTube, édité par France Télévision, relève par exemple des SMàD. La question tend vers l’affirmative lorsqu’on se souvient de la décision du CSA mettant en garde la chaîne Les Recettes Pompettes, sur le même service d’hébergement, qualifiée comme tel dans un bruyant communiqué.
Contacté, André Gattolin avoue qu’il se doutait dès l’origine « qu’il y aurait une guérilla d’interprétation » de la part de France Télévisions. Il se souvient très bien du « lobbying interne contre ma loi, notamment lorsque la directrice générale de France Télévisions Publicité s’est permis de critiquer ce texte. Mais depuis quand une telle personne peut-elle remettre en cause les décisions souveraines du Parlement ? ». Il révèle à cette occasion que ces critiques avaient suscité un courrier de la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly.
Au passage, le même sénateur épingle le CSA. L’article 1er de la loi de 2016 contraint l’autorité indépendante à remettre chaque année au parlement « un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque ».
Le conseil est chargé à cette occasion de formuler « des recommandations pour améliorer l'autorégulation du secteur de la publicité ». Or, le parlementaire n’a jamais eu vent de ce document qui aurait pourtant dû être remis en 2017.