Charte sur le prix unique du livre : les résistances d'Amazon et de la Fnac

Henrard enrage
Droit 4 min
Charte sur le prix unique du livre : les résistances d'Amazon et de la Fnac
Crédits : SFR

Le 27 juin 2017, le ministère de la Culture applaudissait la signature par les acteurs de la filière d’une Charte relative au prix unique du livre sur Internet. L’objectif des engagements ? Redonner ses lettres de noblesse à cette disposition phare de la loi Lang. Cependant, basculer de la promesse à la réalité est tout sauf simple.

Selon la charte, résumée par le ministère, « il revient aux places de marché elles-mêmes de veiller au respect du prix unique sur leur site, par la mise en place de différentes mesures : contrôle automatisé des prix, procédure de signalement des infractions ou encore suspension de compte. Le second volet de la charte est consacré à la distinction, sur les sites de vente et dans les commerces physiques, entre les livres neufs et les livres d’occasion ». 

Seulement, cette belle envolée a du plomb dans l’aile. L’engagement n°4 prévoit en effet que les places de marché s’engagent à distinguer clairement ces offres « dans les pages autres que les pages de détails », et donc dans les résultats de recherche.

L’idée consiste à ne pas susciter de confusion dans l’esprit du lecteur prêt à cliquer sur le bouton « acheter », mais à rendre hermétique le neuf et l’occasion. La charte explique en ce sens que « l’affichage du prix des livres neufs et du prix des livres d’occasion ne doit permettre aucune confusion quant à l’existence de ces deux types d’offres ». L'affichage « ne doit pas laisser penser qu’un livre neuf peut être vendu à un prix différent du prix fixé par l’éditeur ».

Dit autrement, on ne mélange pas les serviettes et les torchons.. Ce qui, accessoirement, génèrerait une déperdition pour les éditeurs et les auteurs qui ne touchent pas un centime sur ces seconds marchés.

Pas de terrain d'entente après six mois de discussion

Le document signé par le secteur de l’édition, mais aussi Amazon, Cdiscount, PriceMinister ou encore Chapitre.com leur laissait six mois pour fixer le principe et les modalités de mise en œuvre de cette distinction.

Seul hic, selon nos informations, aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé mi-janvier sur ce point spécifique, seul restant en souffrance. « Je dois (…) constater qu'à l'issue du délai de six mois stipulé par la Charte, les signataires ne sont pas encore parvenus à un accord sur ce point » a regretté dans un courrier l'actuel Médiateur du Livre, Olivier Henrard, qui fut par ailleurs architecte de la loi Hadopi.  

Quel est le point d’achoppement ? Dans les résultats de recherche de livres neufs, sur les places de marché, les partisans d’une lecture dynamique de la loi Lang voudraient prohiber des phrases telles que « plus d’offres à partir de… ». Ces liens pointent en effet vers les mêmes titres, mais vendus d’occasion à prix moindre. Or, de telles manœuvres videraient de sa substance la règle selon laquelle on ne joue sur le sacro-saint prix du livre.

Les résistances d'Amazon et de la Fnac

Toujours selon nos sources, c’est sans surprise du côté du géant Amazon que les résistances sont les plus importantes. D’une part, la plateforme souhaite limiter ces obligations à la seule version de son site accessible sur ordinateur. Elle aimerait ainsi exclure l’application mobile, très populaire et dont elle tient à ne pas dégrader la lisibilité.

D’autre part, même sur ces grands écrans, elle considère que les obligations de mentionner « livre d’occasion » et de distinguer clairement le prix du neuf ne peuvent s’appliquer dans les résultats des moteurs en raison des contraintes technologiques et financières d'une telle mise à jour.

L’entreprise est quelque peu refroidie à l’idée de déployer une déclinaison franco-française de son univers développé et harmonisé depuis les États-Unis. 

Du côté de la Fnac, les résistances sont similaires, quoique moindres. L’enseigne considère que ces obligations de distinction ne doivent pas concerner les résultats des recherches de son application mobile.

Quelles étapes en cas d’échec de la conciliation ?

Comme prévu par la charte, l’échec des discussions sur ce point ouvre désormais la voie à une démarche plus verticale par le biais d’une « procédure de conciliation » prise directement en main par le Médiateur.

Selon le décret du 19 août 2014 qui encadre l’institution, les parties ont jusqu’à mi-avril pour lui adresser leurs observations. À ce terme, elle pourra proposer une solution de conciliation (une « recommandation ») qui, si elle n’est pas toujours retenue par les signataires, pourra être rendue publique pourquoi pas sur le site officiel. Un moyen de faire pression dans une logique de « name and shame ».

Selon la loi sur la consommation du 17 mars 2014, en cas d'échec de la conciliation, Olivier Henrard pourra suggérer à la ministre de la Culture une mise à jour des textes afin d’imposer par le haut ce qui n’a pu être négocié par la base.

Dernière voie, la saisine des juridictions pour « demander d'ordonner la cessation des pratiques contraires » à la législation sur le prix unique. En somme, une vraie riposte graduée.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !