Au nom d’une harmonisation des règles encadrant l’usage des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, une soixantaine de sénateurs demande à ce que les sapeurs-pompiers puissent utiliser de tels appareils, dans le cadre d’une expérimentation. Les agents pénitentiaires bénéficieraient quant à eux d'une autorisation de long terme.
Bien que les différentes expérimentations menées en France depuis 2013 n’aient conduit à la publication de guère d’évaluations, les pouvoirs publics ne cessent de miser sur les « caméras piétons ». Le gouvernement a d’ailleurs annoncé il y a quelques mois que 10 000 appareils étaient sur le point d’être commandés, au profit des policiers.
L’exécutif met régulièrement en avant l’effet « modérateur » de ces appareils portés au niveau du torse par les forces de l’ordre. Se sachant filmés, les individus auraient tendance à éviter les mauvais comportements et divers écarts de langage (même si dans certains cas de figure, l’activation de l’enregistrement peut accentuer les tensions).
Un dispositif progressivement élargi aux policiers municipaux, aux agents SNCF...
Sur le plan juridique, l’usage de ces caméras mobiles est encadré, pour les policiers et gendarmes, par la loi de réforme pénale de 2016. Ce même texte permet par ailleurs aux agents de police municipale de recourir à de tels joujoux électroniques, mais uniquement à titre expérimental – jusqu’en juin 2018.
Les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ont eux aussi été autorisés à utiliser de tels appareils (depuis la loi « Savary » de 2016).
Les sapeurs-pompiers pourraient bien être les prochains à bénéficier d'un feu vert du législateur. Suite à différents incidents survenus dans le Nord, fin 2017, plusieurs députés ont interpelé le gouvernement le mois dernier, expliquant que « les SDIS proposent l'installation de caméras sur les véhicules ou sur les pompiers eux-mêmes, afin d'une part de dissuader d'éventuels agresseurs et d'obtenir aisément, d'autre part, des preuves valables pour faciliter les poursuites ».
Une expérimentation de deux ans pour les pompiers
Au travers d’une proposition de loi récemment mise en ligne sur le site du Sénat, différents élus centristes et Les Républicains demandent la mise en place d’une expérimentation de deux ans, au profit des sapeurs-pompiers (professionnels comme volontaires).
Après « demande préalable » du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), les hommes du feu pourraient utiliser des caméras mobiles dans les mêmes conditions que les policiers et gendarmes. À savoir :
- Possibilité de filmer « en tous lieux » (y compris privés, donc)
- L’enregistrement ne serait pas permanent, mais soumis à l’activation de la caméra par le pompier, « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées »
- Un « signal visuel spécifique » indiquerait si la caméra enregistre
- L'activation de la caméra devrait faire l'objet d'une information des personnes filmées, « sauf si les circonstances l'interdisent »
- Les pompiers ne pourraient pas avoir d’accès direct aux enregistrements auxquels ils auraient procédé
- Effacement des images au bout de six mois (hors utilisation dans un cadre judiciaire, notamment)
Cette expérimentation pourrait d'autre part bénéficier des aides distribuées dans le cadre du fonds interministériel pour la prévention de la délinquance.
Des caméras pour les transferts de prisonniers
« Les personnels pénitentiaires ne sont pas indifférents à ces mécanismes », poursuivent les auteurs de la proposition de loi. Ces derniers expliquent que « certaines de leurs missions sont dénuées de protection [vidéo, ndlr], notamment les escortes des prisonniers ».
Les sénateurs souhaitent ainsi modifier la loi pénitentiaire de 2009, afin que l’administration puisse autoriser des agents « affectés aux missions d'extractions judiciaires ou de transfèrements administratifs » à filmer leurs interventions « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou en cas de risque d'atteinte à l'ordre public ».
Hormis ce dernier point (ajout de la mention de risque d’atteinte à l’ordre public), les conditions d’utilisation des caméras mobiles seraient les mêmes que celles listées précédemment pour les sapeurs-pompiers.
Pour justifier leurs propositions, les élus de la Haute assemblée font valoir que celles-ci visent « à harmoniser et à aligner le régime juridique applicable à l'utilisation des caméras mobiles individuelles tout en étendant son champ d'application sous forme expérimentale ou non ».
« Il n'existe pas de vide juridique en tant que tel mais un flou juridique pour les professions non réglementées, à savoir les pompiers et les personnels pénitentiaires », insistent-ils.
Leur texte ne revient cependant pas sur les conditions d’activation obligatoire des caméras mobiles, qui a été durement critiqué par la CNIL, notamment, en ce qu’il offre une très grande latitude aux agents. En décembre 2016, l’autorité administrative indépendante disait ainsi craindre une « collecte disproportionnée de données à caractère personnel », en particulier lors des interventions dans des domiciles privés.