La série parodique CDZAbridged revient sur YouTube, après mise en demeure de Google

Carte piège « exception de parodie »
Droit 5 min
La série parodique CDZAbridged revient sur YouTube, après mise en demeure de Google

Mise hors ligne à la mi-février, la série parodique sur Les Chevaliers du Zodiaque vient d'être rétablie par YouTube. Il aura fallu une mise en demeure « pédagogique » d'un avocat pour obtenir gain de cause. Pour lui, les vidéastes ne doivent pas compter que sur les recours automatisés de Google pour faire valoir leurs droits.

Il y a de ces petites victoires inattendues. Fin janvier, le vidéaste StateAlchemist appelait les internautes à sauvegarder les épisodes de sa série parodique « Les Chevaliers du Zodiaque Abrégé ». La chaine était menacée de suppression par YouTube, suite à des réclamations du propriétaire de la série originelle, Toei Animation. Lassé de près de dix ans de remises en ligne, StateAlchemist jette l'éponge.

À la mi-février, ses chaines disparaissent des écrans. Pourtant, hier, « CDZAbridged » est revenue en ligne. « C'est un avocat qui est venu vers moi après la vidéo d'appel à la sauvegarde, pour proposer son expertise "pro bono". Sans lui, j'aurais laissé couler » nous déclare le vidéaste.

Il s'agit de Jonathan Urbach, un spécialiste de la propriété intellectuelle et fan de la première heure de la série. « Ça m'avait crevé le cœur » justifie-t-il. Après de premiers contacts en décembre, ils ont travaillé ces dernières semaines au rétablissement de la parodie, en explicitant son contenu et le droit européen à la plateforme américaine, ainsi qu'à l'ayant droit japonais.

Une mise en demeure à vocation pédagogique

Les chaines ont été supprimées suite à un examen manuel de Toei Animation en janvier. La vidéo de StateAlchemist, invitant les internautes à remettre en ligne eux-mêmes les épisodes, a été retirée par la plateforme vidéo « pour atteinte aux règles de leur communauté ».

Le 6 mars, Jonathan Urbach a envoyé une mise en demeure à Google et à Toei Animation (en France, aux États-Unis et au Japon), pour leur demander le rétablissement des chaines de StateAlchemist. « Cela a pris la forme d'une mise en demeure parce que nous demandions quelque chose. Ce n'était pas virulent. Sa portée était bien plus informative que comminatoire » déclare l'avocat.

Selon lui, quand des vidéos ou des chaines sont supprimées, deux options s'offrent à l'internaute. Soit s'adresser à l'auteur des notifications pour copyright, en leur demandant le retrait. Soit utiliser une dernière voie de recours, une fois les vidéos supprimées, quand des vidéos pouvant se prévaloir d'une exception spécifique au droit d'auteur sont concernées. Les deux options ont été utilisées ici, avec la mise en demeure.

Il n'est pas certain que son action a directement mené au rétablissement de la chaine « CDZAbridged », en l'absence de réponse claire de Google. Tout juste StateAlchemist a-t-il reçu 13 notifications, lui signalant que les réclamations pour copyright portées sur chacun des 13 épisodes de la série ont été levées.


Le premier épisode de CDZAbridged

Un long dossier pour justifier la remise en ligne

L'élaboration du dossier, « prouvant point par point la légalité de CDZA, avec possibilité de limitation de diffusions à la France » selon StateAlchemist, est particulière en soi. L'opération dirigée par l'avocat est éloignée de la réaction habituelle des vidéastes visés par une suppression de leurs contenus sur YouTube.

« On a beaucoup travaillé pour démontrer le caractère parodique de son œuvre. On a fait une véritable explication de texte de CDZAbridged, dont une partie considérable par StateAlchemist » explique l'avocat. Après la lettre de mise en demeure, ce sont une dizaine de pages d'annexes qui détaillent « les transformations de l'histoire des Chevaliers du Zodiaque, le travestissement des personnages, de l'intrigue, les références extérieures, le quatrième mur... ». Autrement dit, les gags de la série ont été décortiqués et expliqués à Google et à l'ayant droit.

L'autre défi de la mise en demeure étant bien plus juridique. Urbach a entrepris d'expliciter les exceptions au droit d'auteur, en France et en Europe, qui incluent noir sur blanc la parodie. Dans l'absolu, « les conditions [pour une remise en ligne des vidéos] ne sont pas très claires parce que YouTube n'a peut-être pas envie de l'être ». La société s'appuie sur la notion de « fair use », issue du copyright américain, dont les exceptions sont sujettes à interprétation libre, rappelle l'avocat. Soit le contraire du droit d'auteur européen, qui délimite clairement les exceptions possibles.

En comptant la rédaction, les traductions et divers échanges, l'affaire aurait pris une vingtaine d'heures sur trois semaines. Jonathan Urbach assure avoir eu confiance en la Toei, qui connaît l'intérêt des Français pour l'animation japonaise. Il estime aussi avoir « proposé un travail sérieux pour les aider à comprendre les particularités du droit français ». La réponse en seulement 13 jours serait même une preuve de bonne foi, selon lui.

Sortir d'une exception pour parodie « incantatoire »

La seconde chaine de StateAlchemist, Marvel Comique, reste pour le moment hors ligne. Nos deux interlocuteurs espèrent qu'il s'agit seulement d'un délai technique.

Que se passera-t-il si CDZAbridged est remis hors ligne ? « Nous aurons un précédent et nous serons prêts. Si la Toei est à l'origine de ces notifications, ce précédent sera à l'évidence beaucoup plus avantageux » dans le cadre d'une nouvelle mise en demeure, estime le spécialiste... dont le but est bien de pérenniser le maintien en ligne du travail de StateAlchemist.

Il appelle d'ailleurs les youtubeurs à ne pas se contenter de brandir l'exception pour parodie, en passant par les canaux offerts de prime abord par YouTube. « Assez souvent, les youtubeurs utilisent les exceptions au droit de propriété intellectuelle de manière un peu incantatoire » pense-t-il.

Pour l'avocat, ils ont bien plus intérêt à passer par les canaux légaux, en offrant une lecture rationnelle de la loi, alimentée par le détail des œuvres ciblées, dont les auteurs connaissent eux-mêmes chaque recoin. « Il vaut mieux s'affranchir des formats imposés [par Google] pour avoir des chances de succès. Il faut essayer, dans la mesure du possible, de s'encadrer de professionnels du droit, avec des investissements parfois nécessaires », ajoute-t-il.

« Je suis vraiment un légaliste, je considère que le droit protège. Je pense que c'est d'abord le langage du droit qui permettra le lien entre l'ensemble des acteurs », peu importe leurs nationalités, lance-t-il. Contacté, Google n'a pas encore répondu à nos sollicitations.

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