Le Sénat examinera aujourd’hui un amendement en vertu duquel les avis du Conseil d’État et les rapports de la Cour des comptes deviendraient des « documents administratifs », dès lors communicables à toute personne qui en ferait la demande.
Si la loi « CADA » de 1978 (désormais intégrée au sein du Code des relations entre le public et l’administration) s’applique à toutes les administrations – des petites mairies aux plus grands ministères, en passant par les autorités indépendantes et les acteurs para-publics de type SNCF – de nombreux documents publics peuvent malgré tout être conservés loin des regards du public.
Outre les pièces administratives (statistiques, études, codes sources...) dont la consultation pourrait porter atteinte au secret défense ou à « la sécurité des systèmes d'information des administrations », sont notamment exclus du droit d’accès aux informations publiques :
- Les avis du Conseil d'État et des juridictions administratives
- Les mesures d'instruction, rapports et diverses communications de la Cour des comptes
- Les documents élaborés ou détenus par l'Autorité de la concurrence (dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs d'enquête, d'instruction et de décision)
- Les documents relatifs aux accréditation et audits des établissements de santé
Limitation des exceptions au droit d’accès aux documents administratifs
« La relation de confiance entre l'administration et les usagers passe aussi par une exigence de transparence », relève toutefois le sénateur Jérôme Durain, suivi par l’ensemble du groupe PS, en écho à l’intitulé du projet de loi « pour un État au service d'une société de confiance » (en débat depuis hier au Palais du Luxembourg).
Au travers d’un amendement au texte porté par Gérald Darmanin, les élus socialistes demandent à ce que les « rapports et diverses communications » de la Cour des comptes soient des documents administratifs comme les autres, de même que « les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives ».
Au cas où cette proposition serait rejetée par le Sénat, les parlementaires ont préparé un amendement de « repli » afin que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi, les propositions de loi et les ordonnances soient à tout le moins « publiés en ligne et communiqués aux personnes qui en font la demande ».
Depuis 2015, suite à une décision de François Hollande, l’institution rend publics ses avis sur les projets de loi (uniquement). Mais rien ne l’y contraint juridiquement.

Quant à la « dérogation » dont bénéficie la Cour des comptes, nous nous y sommes malheureusement confrontés il y a quelques mois. Nous avons en effet appris d’une source bien informée que les magistrats de la Rue Cambon avaient rédigé il y a quelques années un rapport sur la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). La juridiction financière a toutefois refusé de nous communiquer ce document, au motif que rien ne l’y obligeait.
Mais l’histoire, plutôt cocasse, ne s’arrête pas là. La CADA détenant elle aussi ce rapport, nous lui en avons demandé une copie... au nom du droit de communication prévu par la loi CADA ! L’autorité administrative indépendante ne nous ayant pas répondu dans un délai d’un mois, nous avons donc saisi la Commission de son propre refus de communication.
La suite dans un prochain épisode, la Commission n’ayant pas encore rendu son avis.
Vers une extension aux documents des assemblées ?
Un autre type de document fait enfin figure d’exception : les documents relevant de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette dérogation, introduite au nom de la séparation des pouvoirs, a récemment été remise en cause par la députée Delphine O (LREM). Afin de renforcer la « confiance des citoyens » dans le Parlement, l’élue a plaidé pour davantage d’ouverture de la part du Palais Bourbon (voir notre article).
En janvier 2016, lors des débats sur la loi Numérique, le député André Chassaigne avait tenté de faire entrer les documents des assemblées dans le giron de la loi CADA. Le rapporteur Luc Belot s’y était toutefois opposé, au motif notamment que la loi n’avait selon pas vocation selon lui « à imposer au Parlement ses règles de fonctionnement ».
L’élu PS craignait également qu’une telle réforme conduise une autorité administrative, la CADA, à « réguler et potentiellement contester le fonctionnement de l’Open Data » relevant du pouvoir législatif.