Si l'on parle souvent de la copie privée et ses milliards d'euros, surtout dans nos colonnes, on évoque plus rarement l'exception au droit d'auteur qui en justifie l'existence. Selon Copie France, organisme collecteur de la redevance, elle s'applique aussi aux sites de streaming. Voici donc notre petit guide détaillé, basé sur youtube-dl.
Entre 2008 et 2016, la redevance Copie privée a rapporté deux milliards d'euros aux sociétés de perception, qui doivent ensuite les répartir. Un sujet que nous suivons de près, depuis plus de 10 ans.
Pour rappel, ces montants sont collectés lors de l'achat de supports vierges mais aussi d'appareils contenant un dispositif de stockage (HDD/SSD, PC, smartphone, tablette, etc.), principalement en fonction de sa taille. L'objectif annoncé de cette redevance est de « compenser » les effets de l'exception au droit d'auteur pour copie privée qui permet à chacun de reproduire une œuvre pour son usage personnel dans un cadre privé.
Une législation favorable au consommateur, bien que maintes fois contestée, qui permet aux enregistreurs et à des outils comme Captvty d'exister. Mais pas seulement.
YouTube et le stream ripping
Le mois dernier nous évoquions la position de Marc Guez, directeur général de la SCPP et par ailleurs représentant de Copie France. Il indiquait lors d'une réunion au Ministère de la Culture organisée en décembre que « la capture d’un flux [...] relève de la copie privée, au même titre que la copie d’une émission de radio ou de télévision », prenant pour exemple l'enregistrement d’un fichier sonore à partir d’une vidéo diffusée sur YouTube.
Un cas sans appel puisque le site, propriété de Google, « diffuse des fichiers en flux, qui ne sont pas protégés et qui peuvent être copiés librement par les utilisateurs ». Une ouverture d'esprit qui n'est pas totalement désintéressée puisqu'elle pourrait justifier une perception plus forte.
Le 6 février, le sujet est revenu sur le devant de la scène en Commission copie privée. L’un des industriels présents autour de la table a en effet questionné les ayants droit sur le périmètre de l’exception. La réponse de David El Sayegh, représentant de Copie France et secrétaire général de la SACEM est limpide : « à partir du moment où il n’y a pas de contournement d’une mesure technique de protection efficace, l’exception pour copie privée a vocation à s’appliquer ».
Certes, les conditions générales de YouTube ou des autres plateformes peuvent interdire ces pratiques. Mais pour Copie France, « en matière de copie privée, ces conditions générales d’utilisation n’ont aucune valeur, car selon la jurisprudence européenne (Arrêts VG Vort et Copydan), les contrats ne peuvent supplanter les exceptions autorisées par la loi, comme l’exception pour copie privée en France ». Et celui-ci d’insister : les copies effectuées à partir des convertisseurs sont bien licites puisque la source est licite ».
Deux milliards d'euros perçus en huit ans, soit 250 millions d'euros en moyenne par an, et peut être plus à l'avenir, cela en fait du MP3 et de la vidéo récupérée à titre privé ! Pour que nos lecteurs ne se sentent pas trop lésés, nous avons de notre côté décidé de leur expliquer comment utiliser un petit outil gratuit, open source et très utile : youtube-dl.
Attention, notez que les fichiers récupérés ne doivent pas être diffusés hors du cadre privé, sous peine d'enfreindre la loi.
youtube-dl, couteau suisse du stream
Ici, il n'est pas question de sites aux pratiques contestées par les ayants droit. Comme Captvty, cette application disponible sur Linux, macOS et Windows vous permet de télécharger directement depuis votre ordinateur un flux vidéo ou audio qui vous est déjà accessible, publiquement. Une sorte de facilitateur dans l'exercice de l'exception copie privée.
Contrairement à ce que son nom laisse penser, il ne fonctionne pas qu'avec YouTube. La liste des sites sur lesquels des contenus peuvent être récupérés en contient près d'un millier.
Pour la France, les sources sont celles des grandes chaînes de TV, Dailymotion, etc. On voit ici toute la force d'un tel projet, open source, maintenu sur la durée. Le code source est d'ailleurs diffusé via GitHub, placé dans le domaine public. Cela en permet un usage totalement libre, notamment dans des applications tierces.
L'équipe prévient qu'elle n'ajoute que les sites qui peuvent l'être légalement, ce qui n'inclut bien entendu pas ceux qui diffusent du contenu piraté. Ceux qui veulent soutenir l'équipe peuvent le faire à travers des dons, les discussions étant opérées à travers un canal IRC.
Installation et téléchargement d'une vidéo
Sous Linux, youtube-dl peut souvent être installé assez facilement via les dépôts de la distribution. Mais cela pose parfois quelques problèmes, autant passer par la procédure classique qui est assez simple.
Pour notre test du jour, nous utiliserons la version Windows, qui se récupère sous la forme d'un simple fichier exécutable (.exe
). Notez qu'il vous faudra également installer ce package Visual Studio C++ 2010. Pour simplifier son utilisation, vous pouvez ajouter l'emplacement où ce fichier se trouve dans la variable PATH de Windows.
Pour cela, tapez « path » dans le menu Démarrer et sélectionnez Modifier les variables d'environnement système. Une petite fenêtre s'ouvrira dans laquelle vous cliquerez sur Variables d'environnement... pour modifier celle qui correspond à Path et enfin ajouter le répertoire où se trouve le fichier.
Vous pouvez aussi plus simplement vous placer dans ce répertoire au moment de taper vos commandes (ce que nous avons fait), ou même utiliser une interface de contrôle (GUI) comme youtube-dl-gui qui exploite Python mais dispose d'une d'installation simplifiée pour les utilisateurs sous Windows.
Pour notre premier essai nous allons simplement essayer de récupérer la dernière séance des questions au gouvernement depuis le site de LCP. L'URL de la page qui contient ce flux est la suivante. Pour récupérer la vidéo, il faut tout simplement lancer youtube-dl et lui passer cette URL comme premier paramètre :
Le logiciel récupère alors les informations de la page comme le ferait un navigateur, identifie la vidéo et la récupère. Mais au lieu de vous l'afficher sur l'écran, il la télécharge sous la forme d'un fichier mp4. Le débit dépend évidemment de la qualité de votre connexion et celle du site concerné.
Une documentation et des possibilités assez complètes
Ce fonctionnement assez simple cache une réalité intéressante : youtube-dl sait tout faire, ou presque. Sa longue liste d'options vous en donnera un aperçu assez complet. Voici quelques exemples.
Parfois plusieurs formats sont accessibles pour une vidéo. C'est notamment le cas sur YouTube. Pour savoir lesquels et effectuer un choix au moment du téléchargement, rien de plus simple, il suffit d'utiliser le paramètre -F
(pour format) qui vous livrera les détails. Vous pourrez ensuite choisir quel flux récupérer :
youtube-dl -F https://www.youtube.com/watch?v=i_k8ozkY2I4
Si on prend le cas de la vidéo des 40 ans de la CNIL diffusée sur le site, cela donne 22 possibilités, avec des définitions allant jusqu'au 1080p, du 3gp, webm ou mp4, mais aussi du m4a pour un flux audio. Le téléchargement se passera avec le paramètre -f
(en minuscule, donc) et le numéro du flux.
Vous pouvez aussi opter pour un indicateur simplifié en demandant une extension particulière (mp3, mp4, ogg) ou un niveau de qualité (best, worst). La requête peut aller bien plus loin avec des indications sur la taille du fichier, son débit, le tout pouvant être croisé si vous le jugez nécessaire.
Autres possibilités : effectuer une compression à la volée, adapter le nom du fichier aux métadonnées, récupérer une liste de lecture ou le contenu d'une chaîne entière, filtrer les éléments à récupérer selon différents critères, gérer les sous-titres, une identification, etc.
Si l'on veut récupérer la meilleure version de la vidéo de la CNIL et donner au fichier le nom de la vidéo, cela donne la ligne de commande suivante :
youtube-dl -f best -o "%(title)s.%(ext)s" https://www.youtube.com/watch?v=i_k8ozkY2I4
Parfois la meilleure version n'est pas renvoyée, il faut donc disposer d'un outil comme FFmpeg afin de fusionner la meilleure piste audio/vidéo récupérées de manière indépendantes avec une commande commençant par :
youtube-dl -f bestvideo+bestaudio
Utiliser plusieurs instances de youtube-dl depuis un serveur distant
Notez que si vous voulez récupérer vos fichiers depuis un petit serveur à distance comme un Raspberry Pi ou un Compute stick par exemple, il existe un moyen simple de lancer plusieurs téléchargements en simultanée sous Linux : screen.
Cet outil vous permet de lancer différents terminaux dans une même fenêtre, de les laisser fonctionner en tâche de fond, d'y revenir, etc. Un petit guide d'utilisation est disponible chez Ubuntu FR pour ceux qui voudraient s'y essayer.