La Commission copie privée a publié son rapport annuel. Le document, après un long historique, fournit les chiffres actualisés des collectes. En tout, les sociétés de perception (SACEM, SPPF, SCPP, SACD, ADAMI, Spedidam, etc.) ont glané la bagatelle de deux milliards d’euros de redevance depuis 2008.
Après plusieurs années de silence pesant, la Commission copie privée a publié son rapport annuel 2015-2017. Cette instance, pour mémoire, est chargée d’établir les barèmes et assiettes de la redevance copie privée.
Une ponction qui frappe les supports vierges (CD, DVD, téléphones, box, tablettes, disques durs, etc.) en contrepartie de la possibilité pour les particuliers de réaliser des copies d’œuvres protégées en se passant de l’autorisation des ayants droit.
Le rapport dresse un bilan des collectes pour les années 2008 à 2016, retraitées des éléments exceptionnels qui ont ponctué ces huit années, en particulier des contentieux. Au total, 1,964 milliard d’euros, soit près de deux milliards, ont été collectés.
Les sommes ont été ensuite réparties, déductions faites des frais de gestion, mais également d’une quote-part de 25 % destinée à financer le spectacle vivant, les festivals outre les actions de défense (TMG, plaintes en contrefaçon...). Cette quote-part est, de l'aveu même du numéro un de la SACEM, une puissante arme de lobbying auprès des parlementaires.
Les smartphones qui valaient un milliard
Les smartphones représentent 50 % des collectes, soit un peu moins d’un milliard d’euros. Avec les box, les tablettes et les disques durs externes, ces quatre supports concentrent 80 % des flux.
Beau hasard, ces quatre segments font aujourd’hui l’objet d’une réactualisation. Un marché, financé par les ayants droit, a été lancé pour jauger les pratiques de copie d’un panel de 1 000 personnes, avec l’espoir pour les bénéficiaires d’une sacralisation des montants, voire d’une hausse des prélèvements.
Source : rapport 2015-2017 de la Commission copie privée
Pistes d’explications
Ces montants pharaoniques peuvent s’expliquer de plusieurs façons. D’abord, ils sont évidemment liés au succès commercial des supports assujettis.
Ensuite, la France est le pays qui pratique les plus hauts niveaux de prélèvements. Et pour cause, les ayants droit disposent de 12 sièges sur 24 au sein de la Commission copie privée, et ils ont pu régulièrement compter sur la voix du président lorsqu’ils y avaient intérêt. En face, les 6 sièges des consommateurs et les 6 autres réservés aux industriels ne font pas le poids, d’autant que ces deux catégories de redevables ne défendent pas les mêmes intérêts.
Dans un tel schéma, les bénéficiaires des deux milliards auraient évidemment tort de se priver, assurant à notre pays une traditionnelle première place internationale.
De faibles remboursements...
Autre piste d’explication : les acquéreurs professionnels peinent encore et toujours à lancer des procédures de remboursement de la redevance copie privée. Ils n’ont pas à payer ces sommes, mais la mécanique est plus subtile. Comme la redevance est payée en premier lieu par les importateurs et les fabricants en France, à ce stade, il est impossible de définir la destination de chaque support.
Conclusion, les pros doivent avancer la redevance, puis se faire rembourser. Cette procédure a été encadrée par une loi de 2011, qui n’est entrée en application que bien plus tard suite à la réactivité molle du gouvernement d’alors.
Ceci dit, entre le 31 décembre 2013 et le 31 décembre 2016, seules 1 480 demandes de remboursements ont été instruites par Copie France, la société civile qui a pour gérant actuel Pascal Rogard. Le montant total des sommes rétrocédées aux entreprises, associations, autoentrepreneurs, églises, hôpitaux, etc. représente 1,470 million d’euros.
C’est une goutte d’eau puisqu’entre ces deux dates, la même société a collecté 966 millions d’euros de RCP. Pour que Copie France puisse rembourser les pros, encore faut-il que ceux-ci soient informés de cette possibilité et qu’ils acceptent de mobiliser des forces vives pour entreprendre les démarches administratives. Or, ces étapes ont un coût de traitement qui peut être bien supérieur au montant de RCP à rembourser (quelques euros sur un disque dur externe par exemple).
... de faibles exonérations
Certes, la loi ouvre une autre voie. Les pros peuvent se faire exonérer. On change cette fois de logique puisque, fort d’une « convention d’exonération », ils sont en droit d’acheter des supports vierges « nus » de tout prélèvement RCP, si du moins ils parviennent à trouver un distributeur en capacité de procéder à de telles opérations.
Là encore la situation est peu glorieuse. Selon le rapport de la Commission copie privée, 2 540 conventions ont été accordées entre 2013 et 2016. Et seules 1 420 étaient encore actives fin 2016. « Le montant total des exonérations de RCP assurées par le biais de ces conventions est estimé par Copie France à près de 11 millions d'euros par an », précise-t-on.

Si on résume : entre 2013 et 2016, près d’un milliard d’euros ont été collectés (deux milliards depuis 2008), mais, alors que la France compte des millions de structures professionnelles, seuls 34,47 millions d’euros ont été remboursés (1,470 M€) ou conventionnés (33 millions d'euros).