Il fallait s'y attendre, l'annonce est enfin officielle : la société Qarnot lance un chauffage qui fonctionne à base de GPU et mine de la crypto-monnaie. Les revenus sont au bénéfice de l'utilisateur, qui devra néanmoins consentir à un investissement conséquent.
Qarnot est une startup française qui s'est fait connaître sur une proposition simple : fournir des radiateurs qui sont en réalité des ordinateurs effectuant des calculs pour ses clients (banques, production 3D, etc.). De ce fait, le consommateur paie moins cher puisque la chaleur dissipée a été générée par un calcul « utile » et monétisé.
De quoi permettre une décentralisation de la charge de travail, plutôt que de la concentrer dans des datacenters où l'un des enjeux va être de... se débarrasser la chaleur produite. La solution est entre autres intéressante pour des promoteurs immobiliers et autres organismes HLM.
Nous avions d'ailleurs parlé de ce projet et de ses problématiques plus en détail, lorsqu'il a été décidé de passer pour sa 3e génération sur des processeurs Ryzen Pro 1700X d'AMD, dans le cadre d'une construction dans la région bordelaise.
- À lire : Qarnot utilise des Ryzen 7 Pro pour son « radiateur intelligent » Q.rad et nous explique pourquoi
Aujourd'hui, la société passe une nouvelle étape, tant dans son offre commerciale que dans son partenariat avec AMD. Après trois générations, elle annonce son premier modèle à base de GPU, le QC-1 : « un radiateur qui rémunère ses utilisateurs en crypto-monnaie ». Bonne idée ou flop à venir ? C'est ce que nous avons tenté de savoir.
Crypto Qarnot
On s'étonne d'ailleurs que la société n'ait pas opté pour une telle solution bien avant. En effet, son offre colle parfaitement à un tel usage. Elle le dit elle-même : la décentralisation et l'efficacité énergétique dans le domaine du calcul constituent son cœur d'activité. À une exception près : seuls des CPU étaient utilisés jusqu'à maintenant, et ils sont moins efficaces que les GPU ou de coûteux ASIC pour une activité de minage.
Miroslav Sviezeny, directeur général de la société, nous confie que le projet est né au retour du CES de Las Vegas où il y a eu une forte demande pour un tel système. Le tout a été développé en deux mois, avec la volonté de proposer un produit qui soit à la fois simple à installer mais aussi évolutif et ouvert.
Ainsi, l'utilisateur peut accéder librement à la machine, y installer ce qu'il souhaite, le tout devant être diffusé sur GitHub prochainement avec une solution d'installation/restauration. La plateforme utilisée repose sur une distribution Ubuntu Server personnalisée, qui s'interface avec différents pools de minage sélectionnés par Qarnot.
« L'utilisateur entre son adresse pour recevoir les revenus et c'est tout » nous assure la société. Une simplicité vantée comme un argument que l'on a hâte de vérifier dans la pratique. Il faudra néanmoins entrer une adresse par monnaie plutôt qu'une adresse bitcoin unique comme avec des solutions comme Nicehash (qui fonctionnent sous Windows).
Le QC-1 intègre deux Radeon RX 580 8 Go de mémoire signées Sapphire. Il s'agit de modèles Nitro+, légèrement overclockés. On notera que ce n'est pas la génération Vega qui a été choisie, notamment en raison de la difficulté à trouver de telles cartes sur le marché. Mais son tarif est aussi un élément qui ne joue pas forcément en sa faveur.
« Le QC-1 minera la monnaie la plus rentable parmi trois préconfigurées, et pourra être mis à jour pour suivre les évolutions du marché » précise la société qui indique que la puissance de calcul de son radiateur est de 60 MH/s sur Ethereum (Monero ou Zcash pouvant être utilisées), « ce qui lui permet de générer un revenu de 100 euros par mois au cours actuel ».
Si la puissance de calcul semble correcte, les calculateurs de profitabilité évoquent plutôt un revenu de 60 euros par mois. La différence vient en réalité de la méthode pour obtenir ce résultat, puisque Qarnot évoque les revenus sans prendre en charge le coût de l'électricité, qui en absorbera une partie non négligeable.
L'ensemble est annoncé comme parfaitement silencieux (0 dB), sans disque dur ou parties mobiles. Le processeur est un APU AMD série 9000 de précédente génération (avant Ryzen). Le radiateur reprend le design des Q.rad de 3e génération, à base de bois et d'aluminium anodisé. Ses dimensions sont de 65 x 62,5 x 15 cm pour un poids de 27 kg, il gère sa connexion au réseau via une prise RJ45. Sa consommation est annoncée à 500 watts.
Outre l'interface tactile, des applications web et mobile sont disponibles, permettant de suivre et de régler la puissance de calcul. Qarnot précise que son radiateur est pensé pour des pièces de 15 à 20 m² (avec une bonne isolation) via un mode « booster » (les deux diodes blanches) qui grimpe jusqu'à 650 watts, assuré par des résistances complémentaires.
Le réglage des cartes graphiques se fait par palier de 25 %, de 16 à 60 MH/s selon les cas. Bien entendu, il peut également être entièrement éteint. « Les possibilités ne sont pas limitées aux crypto-monnaies » confie l'équipe qui indique déjà imaginer des solutions où l'on pourrait utiliser ce radiateur comme unité de calcul locale pour d'autres besoins.
29 mois pour rentabiliser l'achat (en théorie)
En théorie, le produit est donc plutôt intéressant et adapté à l'offre de Qarnot. On aura par contre quelques interrogations sur le modèle économique choisi. Ici, la vente directe est favorisée, avec un tarif de 2900 euros TTC (payables en crypto-monnaies), tout de même.
On aurait pu imaginer plutôt un système de location, avec éventuellement un partage des revenus, mais cette solution a été écartée par la société, qui voulait proposer une première version rapidement, sans complications. Un tel modèle n'est ainsi pas écarté, mais pourrait venir plus tard. « Et pourquoi pas notre propre blockchain ? » s'amusera l'un de nos interlocuteurs.
En attendant, Qarnot assume ce côté « trop cher », visant une centaine de pièces écoulées dans l'année. « Nous avons déjà des clients, dont un hôtel en Suisse », déclare la société qui dit viser un public qui s'intéresse à la crypto-monnaie mais ne veut pas se lancer dans le montage d'un « rig » et exploiter la chaleur cumulée pour se chauffer.
Le QC-1 n'est qu'une première étape
Heureusement, car monter une machine avec deux Radeon RX 580 sera bien moins coûteux, et l'on aura plus de contrôle sur le client utilisé. Certes cela demandera plus de travail et ne fera pas directement office de chauffage, mais la chaleur produite étant de toute façon dissipée... « Notre produit se veut simple et facile à intégrer dans un intérieur » ajoute Miroslav Sviezeny conscient que ce n'est ici qu'un premier produit dont le modèle sert de ballon d'essai et va évoluer.
Qarnot semble en effet décidé à proposer une solution autour des questions de blockchain alors que le « smart building » commence à être une idée bien présente dans les têtes où de telles solutions pourront avoir un rôle à jouer. Tout n'est donc pas parfait, le QC-1 est un modèle un peu trop cher pour un public en recherche d'un peu de hype, mais c'est un tremplin pour la jeune société installée à Montrouge et soutenue par la mairie.
Une commande passée avant le 20 mars vous assurera une livraison avant le 20 juin. On s'amusera de ce timing malheureux qui consiste à lancer un radiateur alors que l'été commence. Les plus optimistes diront que c'est une manière pour être paré pour l'hiver qui vient. En espérant que miner via deux RX 580 sera toujours suffisamment rentable à cette période. Les entreprises peuvent commander des ensembles de plus de dix unités. L'avenir est en marche !