Le projet Gutenberg a été contraint de bloquer l’ensemble de ses pages suite à une décision de la justice allemande. Une situation née d’un conflit de lois sur la durée de protection du droit d’auteur entre l’outre-Rhin et les États-Unis.
Le projet Gutenberg offre depuis des dizaines d'années des milliers de livres électroniques élevés dans le domaine public. Les oeuvres sont disponibles en plusieurs langues, notamment en français où on peut télécharger gratuitement des titres de Beaumarchais, Molière, Blaise Pascal… et d’autres plus récents comme ceux de Paul Claudel ou de Colette.
Le site s’appuie sur la législation américaine, qui considère que les œuvres intègrent le domaine public, suite à l’écoulement d’un certain nombre d’années suivant la date de publication (voir les calculs complexes). On devine rapidement le souci posé en Allemagne où cette durée est calibrée comme en France sur 70 ans après le décès de l'auteur.
L’éditeur S. Fischer Verlag, qui prétend agir au nom des trois auteurs (Heinrich Mann, Thomas Mann et Alfred Döblin, décédés respectivement en 1950, 1955 et 1957) a trainé le Projet Gutenberg devant la cour régionale de Frankfurt am Main afin d’obtenir le retrait de 18 ebooks, sous la menace de 250 000 euros et jusqu’à six mois de prison.
« Un acte illégal (…) est réputé avoir été perpétré à la fois où l’infraction a été commise et où elle a produit ses effets » expliquent les juges allemands, qui se sont donc estimés compétents pour prendre une telle décision à l’encontre d’un site américain.
Risque de contagion
Après leur jugement du 9 février 2018 en faveur du demandeur, plutôt que retirer ces 18 œuvres, , le site américain a préféré bloquer l’accès à l’ensemble de ses pages aux lecteurs allemands. « Il existe des milliers de livres électroniques dans la collection Project Gutenberg qui pourraient faire l'objet d'actions similaires et illégitimes » explique-t-il sur une page dédiée.
Le Projet Gutenberg se dit aujourd’hui incapable de déterminer le nombre de fois où les dix-huit œuvres ont été téléchargées depuis l’Allemagne, puisqu’il n’enregistre pas les logs des lecteurs. Il ne pourra donc répondre à la décision qui réclame ces informations pour jauger le montant des éventuels dommages et intérêts.
Ce n’est pas la première fois que ce choc de législations se produit. En 2003 par exemple, dans les colonnes de Pirates Mag, nous relations le cas de Classiques des Sciences Sociales. Les éditions des Presses Universitaires de France (PUF) avaient alors peu apprécié que des œuvres de son catalogue soient proposées gratuitement sur le site québécois. Celui-ci s’abritait alors derrière la législation locale qui consacre le monopole de l’auteur 50 ans après sa mort, soit 20 ans de moins qu’en France.