Le syndicat fustige l'attitude de TF1, après le retrait de ses chaines des offres d'Orange. Le groupe audiovisuel devrait financer la diffusion de ses chaines par le FAI, estime l'organisation. Pour elle, les géants du Net seraient à l'origine des maux du secteur, en déséquilibrant le marché de la publicité en ligne.
La bataille entre TF1 et les opérateurs télécom autour de MyTF1 Premium se poursuit. Cette fois, le syndicat CFE-CGC d'Orange entre dans le « grave litige » qui oppose les deux groupes. Depuis l'été dernier, TF1 réclame des dizaines de millions d'euros aux opérateurs pour des services « premium », comprenant une nouvelle offre de replay.
Le groupe audiovisuel compte tirer une nouvelle ligne de revenus d'accords avec les groupes télécom, quitte à leur couper le replay existant, voire les chaines en direct, s'ils n'acceptent pas le nouveau contrat. Fin janvier, TF1 a coupé son replay pour les abonnés de l'opérateur historique, qui juge « déplorable » l'attitude du groupe audiovisuel, avec « pour seule justification la volonté d’augmenter ses profits ». Heureusement, des alternatives existent.
Cette stratégie a déjà donné quelques résultats. Altice (SFR) a signé début novembre, après des menaces importantes de TF1 à l'été. Fin janvier, la filiale audiovisuelle du groupe Bouygues signait un accord de distribution avec Bouygues Telecom. Face à ces manoeuvres, le syndicat d'Orange réclame des mesures concrètes de l'État, en demandant des mesures de fond contre TF1 et les géants américains de la publicité en ligne, Facebook et Google.
Assurer la diffusion des chaines par les opérateurs
L'ordre donné à Orange de couper la diffusion des chaines du groupe TF1 pose tout un tas de questions au syndicat. Selon son décompte, cela priverait 6,4 millions de foyers de TF1 via Orange. Il demande donc que le gouvernement impose à tout titulaire d'une licence TNT de fournir gratuitement son signal à tout diffuseur national, « dès lors qu’il n’est pas porté atteinte à la qualité du signal ».
Car, selon l'organisation, TF1 ne s'acquitterait pas de ses obligations, en bénéficiant « à titre gracieux de fréquences hertziennes terrestres, ressource rare et bien commun du domaine public ». En outre, il paie sa diffusion via les voies hertziennes (à TDF) et par satellite, alors qu'un fournisseur d'accès a l'obligation de relayer gratuitement les chaines de la TNT.
« L’opérateur télécom y consacre plusieurs millions d’euros, en capacités réseaux et en équipements, pour accroître l’audience nationale de TF1 », donc ses importants revenus publicitaires, juge le syndicat CFE-CGC d'Orange. Fonder ses revenus sur cette diffusion (via MyTF1 Premium), à l'empreinte dite grandissante, garantirait donc des revenus en croissance sans effort.
La gratuité de la diffusion de ces chaines doit aussi être réaffirmée par le gouvernement, selon la lettre. « À défaut, les sommes demandées par TF1 à Orange (près de 20 millions d’euros) sous la menace de couper le flux gratuit sur les box Orange, seront tôt ou tard inévitablement répercutées sur les consommateurs » menace l'organisation. Il s'agit de l'argument massue des entreprises auxquelles s'ajoute une charge commerciale ou fiscale : elle retombera sur le consommateur.
Enfin, « la position de la chaîne TF1 en tant que 1er canal des plans de service a été obtenue du CSA sans appel d’offre ni tirage au sort » tance encore la CFE-CGC d'Orange. Il demande des enchères publiques pour la numérotation, ou des contreparties à « ce cadeau fait à TF1 ». Rien de moins.
L'accord entre Altice et TF1 mis en cause
Le syndicat de l'opérateur historique s'inquiète aussi de l'accord entre Altice (SFR) et TF1 signé début novembre. Selon lui, les deux groupes sont similaires : ils possèdent tous deux un opérateur télécom (SFR et Bouygues Telecom) ainsi que des chaines TNT (celles de TF1 et BFM).
Il craint donc que leur accord soit artificiel, pour faire accepter aux autres opérateurs de payer la diffusion de leurs chaines, à un prix défini arbitrairement.
« L’accord croisé entre SFR et TF1 pourrait-il suggérer que les groupes détenant à la fois un réseau téléphonique et des chaînes de télévision s’entendent sur des pratiques anti-concurrentielles afin de définir artificiellement un tarif de prestation pour l'imposer ensuite aux autres acteurs ? » relève ainsi l'organisation. Elle pointe par ailleurs les publicités télévisées de Bouygues Telecom vantant l'accès aux chaines de TF1, appuyant ses craintes.
Les géants du Net encore mis en cause
Pour aller plus loin, la lettre propose de rétablir un équilibre sur le marché de la publicité, en revoyant la fiscalité et les obligations des GAFAM. De quoi remettre TF1 en selle commercialement face à eux. Rien de moins.
« En échappant à toute fiscalité sur le territoire français, les GAFA déstabilisent les modèles économiques des éditeurs de contenus comme des opérateurs télécom » estime le syndicat. Facebook et Google seraient en position dominante sur la publicité numérique, qui a détrôné la publicité télévisuelle.
Conséquence : « cela aboutit à une assignation d’Orange par le groupe TF1, sous la menace de coupure d’un flux de diffusion non seulement réputé gratuit, mais encore obligatoirement installé par Orange sur ses box ».
Le syndicat de l'opérateur historique se lance aussi dans une tirade sur la bande passante consommée par les géants du Net, accusés de ne pas contribuer à l'économie des réseaux. Un argument régulièrement entendu à la direction de l'opérateur, qui oublie les lourds investissements de ces acteurs dans la distribution de leurs contenus et les accords d'interconnexion existant déjà avec les fournisseurs d'accès.
« Comment admettre que les premiers bénéficiaires de l’économie numérique s’exonèrent des obligations de financement d’un accès égal aux contenus, comme aux infrastructures d’accès, pour chaque citoyen ? » lance la lettre, sur un air connu.
Des demandes plus ou moins précises
La CFE-CGC d'Orange demande donc de rappeler TF1 à ce qu'il considère être ses obligations : permettre aux opérateurs de diffuser ses chaines, sans chantage lié aux services de replay. Il réclame aussi une révision urgente de la fiscalité des géants étrangers du numérique.
Enfin, il propose de « réfléchir à une régulation unifiée des télécoms et de l’audiovisuel, actuellement répartie entre l’ARCEP, qui prétend ne pas pouvoir réguler Google, et le CSA, qui pour sa part remet en question la neutralité du Net » pour un ensemble cohérent.
Le rapprochement entre l'Arcep et le CSA est un serpent de mer, voire un running gag dans le secteur, depuis l'époque où Arnaud Montebourg fustigeait le régulateur des télécoms, en le menaçant d'une fusion avec le cerbère de l'audiovisuel.