La commission copie privée a lancé le chantier du renouvellement des barèmes de perception de la redevance du même nom. Le représentant des majors de la musique au sein de Copie France estime que le stream ripping relève de cette exception. En creux, cela pourrait permettre de gonfler le niveau des barèmes.
L’Institut CSA a été chargé de réaliser les nouvelles études d’usages au sein de la Commission copie privée. Ces études, opérées en porte-à-porte, permettent de jauger les pratiques de copie sur tablettes, téléphones et autres box pour ensuite déterminer par de savants calculs un niveau de perception.
Le rendement l’an passé a été bon : 265 millions d’euros collectés par Copie France, l’organisme privé des ayants droit qui se charge ensuite de redistribuer les montants aux différentes sociétés de répartition (SACEM, SACD, SCPP, etc.). Seulement, avec l’explosion de la consommation de streaming, la crainte est que les rendements futurs s’effondrent.
Alors que la copie privée a traditionnellement été calculée à partir des copies de support, une solution brille à l’horizon. Le 19 décembre dernier, Marc Guez a expliqué lors d’une réunion au ministère de la Culture que « la capture d’un flux (…) relève de la copie privée, au même titre que la copie d’une émission de radio ou de télévision ». Il a pris exemple ici sur la capture d’un fichier sonore à partir d’une vidéo diffusée sur YouTube.
YouTube et le stream ripping
Interrogé sur la question du stream ripping par Jean-Marie le Guen, représentant de la Fédération Française des Télécoms, le numéro un de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) a été limpide.
D’un côté, « le stream ripping peut ne pas être de la copie privée si l’opérateur effectue une copie permanente ». Lorsqu’un intermédiaire effectue des copies à partir des flux streamées, pour permettre aux utilisateurs de les télécharger, alors c’est une contrefaçon puisqu’il n’a pas obtenu d’autorisation.
Par contre, ajoute le représentant des majors, « il existe aussi des sites de stream ripping qui ne réalisent aucune reproduction préalable des contenus rippés par l’utilisateur ». Dans ce cas, tout change. « La copie effectuée par l’utilisateur par l’intermédiaire de ces sites relève de l’exception de copie privée. »
En bref, « il existe donc des sites de stream ripping dont les pratiques sont légales, et d’autres dont les pratiques sont illégales », selon que la copie est directement réalisée sur l’appareil de l’utilisateur, ou stocké chez un intermédiaire, mise à sa disposition. Le cas de YouTube est sans appel : le site « diffuse des fichiers en flux, qui ne sont pas protégés et qui peuvent être copiés librement par les utilisateurs ».
En creux, les pratiques de stream ripping effectuées à partir de la plus puissante plateforme , si elles venaient à se révéler non neutres, pourraient à l’avenir justifier une perception plus forte sur les supports détenus par l’utilisateur.
L'avis plus mitigé de l'IFPI
En 2015, la Hadopi s’était penchée sur les sources d’approvisionnement de musique en téléchargement. Selon ses relevés, YouTube est considéré comme le principal site d’approvisionnement (35 % des sondés). 53 % des internautes interrogés « utilisent un convertisseur pour transformer de la musique ou des vidéos-clips diffusés en streaming en fichier audio ou vidéo ». Un chiffre presque identique dans le domaine des films ou des séries TV (52 %).
De l’autre côté de l’Atlantique, la position de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI) est diamétralement opposée à la position nuancée de la SCPP. En septembre 2017, sa directrice générale France Moore disait tout le mal qu’elle pensait de ces « rips » comme on peut le voir dans ce communiqué. Il est vrai que notre régime de copie privée n'existe pas là bas.
Néanmoins, si des accords sont passés avec YouTube pour autoriser la diffusion des œuvres, on les imagine mal non accompagnés de mesures de sécurisation. Certes avec le stream ripping, la mesure technique de protection dite « efficace » est contournée. Dans une logique très « DADVSI-enne », ce contournement est une contrefaçon qui entache néanmoins le flux pour rendre sa copie illicite. Fraus omnia corrumpit, disent les juristes.
S’agissant des œuvres mises en ligne sans l’ombre d’une autorisation sur la plateforme, là encore le caractère illicite de cette diffusion rejaillit pour interdire toute logique de copie privée et de rémunération.
Ce caractère illicite n'est pas imaginaire. Les ayants droit français militent bec et ongles pour sanctuariser le projet de directive sur le droit d’auteur, en cours de discussion à Bruxelles, afin notamment de généraliser le filtrage anticontrefaçon chez les hébergeurs. Considérer en somme que tout est susceptible d’être source de copie privée sur YouTube, en cas d'enregistrement direct, est donc quelque peu ambitieux... ou paradoxal.