Des spécialistes du noyau Linux changent de nom, sous pression de Free. Free Electrons se mue en Bootlin après une attaque de l'opérateur en juillet dernier. Il leur reproche d'utiliser sa marque, après 12 ans de coexistence.
Au revoir Free Electrons, bonjour Bootlin. Le 1er février, la société a annoncé son changement de nom, après le dépôt d'une plainte par Free SAS devant le tribunal de grande instance de Paris. L'opérateur clame que la société enfreint le droit des marques via le mot « Free », à la fois dans son nom et dans son nom de domaine.
L'attaque aurait été menée le 25 juillet 2017, selon Bootlin. Le groupe télécoms y réclame le versement de 107 000 euros, l'abandon de la marque ainsi que celui du nom de domaine free-electrons.com, « sous 15 jours » selon la société attaquée. Elle est aussi censée abandonner toute utilisation du mot « free », dans un domaine concernant l'activité de l'opérateur.
Un nom de domaine déposé en 2004
Bootlin regroupe des spécialistes du développement de pilotes pour le noyau Linux, dans l'électronique embarquée, s'adressant à une clientèle de niche, pour partie anglophone. Six des employés sont inscrits comme mainteneurs du fameux noyau. Se passer du terme « free » pourrait donc s'avérer difficile, le nom de l'entreprise lui-même faisant référence au logiciel libre.
Contactée pour cet article, l'entreprise refuse de s'exprimer au-delà du billet de blog qu'elle a publié. Son avocat n'a pas souhaité répondre.
Officiellement, « Michael Opdenacker et la direction de Free Electrons estiment que ces demandes sont infondées, les deux entreprises coexistant en paix depuis 2005 ». Le nom de domaine a été déposé en mars 2004. En 2016, Bootlin a engrangé 1,17 million d'euros de revenus. Elle déclare viser un secteur d'activité et une cible différents, ici une niche d'entreprises. Pour elle, il n'y aurait aucun risque de confusion avec l'opérateur.
Selon l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), Free Electrons a déposé la marque Bootlin le 13 janvier dernier, pour dix ans.
Un conflit toujours en cours
Malgré sa défense, Free Electrons ne prend pas de risque. Le changement de nom doit constituer une preuve de bonne foi dans l'affaire qui l'oppose toujours au groupe télécoms. « Vu les moyens nécessaires pour se défendre dans cette affaire, Free Electrons a décidé de changer de nom sans attendre de décision du TGI » écrit-il.
Pourquoi Bootlin ? Pour Booting Linux, soit « démarrer Linux » par tous les moyens nécessaires. L'ancien nom, lui, serait hérité de l'époque lointaine où le logiciel propriétaire dominait ces développements.
L'entreprise est censée être renommée Bootlin dans quelques mois. Les conséquences les plus importantes viendraient tout de même de la suppression du nom de domaine free-electrons.com. Il compte plus d'une décennie d'historique et de documentation, liée par-delà le web. En toute logique, la perte du nom de domaine pourrait simplement casser beaucoup de liens existants, si Bootlin ne peut plus rediriger son ancien nom vers le nouveau.
Contacté, Free n'a pas souhaité commenter ce contentieux.