Deux députés proposent aux internautes de leur « souffler » des questions au gouvernement

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Deux députés proposent aux internautes de leur « souffler » des questions au gouvernement
Crédits : Digital Vision/Thinkstock

Paula Forteza et Matthieu Orphelin ont lancé la semaine dernière une plateforme à partir de laquelle chaque internaute peut proposer une idée de question écrite à transmettre au gouvernement. L’objectif : renouer le lien avec la société civile, mais aussi forcer l’exécutif à faire des efforts dans ses réponses.

Avec cette initiative, les deux élus LREM ambitionnent de dépoussiérer l’exercice des questions écrites. En plus des traditionnelles questions (orales) au gouvernement, qui ont en principe lieu le mardi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, chaque député peut interroger l’exécutif sur les sujets de son choix, dans la limite de 52 « missives » par an.

Si cet outil permet aux parlementaires de venir demander des comptes à l’exécutif sur des points très précis, il est en pratique avant tout utilisé pour montrer l’attachement du député à telle ou telle cause (dénoncer les problèmes persistants de démarchage téléphonique, soutenir les communes qui utilisent encore des machines à voter, etc.).

Afin de « renforcer les liens entre élus et citoyens », Paula Forteza et Matthieu Orphelin veulent dorénavant « co-construire » leurs questions écrites avec les internautes. Après inscription, chaque utilisateur de la plateforme « questions.parlement-ouvert.fr » peut en ce sens proposer un sujet, lequel a vocation à être débattu et soumis au vote des autres participants (qui peuvent l’approuver ou, au contraire, le désapprouver).

Chaque député retiendra une question par mois

Les premières idées poussées par les internautes montrent que les sujets préoccupant les citoyens sont extrêmement variés : statut de mère au foyer, problèmes de pollution lumineuse ou sonore, squatteurs, publicités aux abords des écoles, lutte contre la violence routière, reconnaissance des « burn-out » en maladie professionnelle, apprentissage de l’anglais, abattement d’impôt au profit des journalistes...

Et pour cause. Les règles de cet « exercice » de démocratie participative se veulent relativement larges, puisque n’importe quelle thématique peut être abordée (tant qu’elle ne concerne pas uniquement une situation individuelle). Pour ceux qui n’auraient pas Internet ou ne voudraient pas rendre publiques leurs suggestions, Paula Forteza et Matthieu Orphelin acceptent même les mails et courriers.

consultation mère question écrite

« On ne peut que se réjouir de cette ouverture du Parlement », réagi Henri Isaac, président du think tank Renaissance Numérique. Contacté par nos soins, ce maître de conférences en management des systèmes d'information se montre toutefois inquiet quant au mode de sélection des questions finalement posées au gouvernement : « Comment va-t-on trier parmi les centaines voire peut-être les milliers de questions qui vont surgir ? Et quelles personnes vont être chargées de cette sélection ? On peut craindre des manipulations, parce qu’il est visiblement possible de créer autant de comptes qu'on veut... »

Paula Forteza et Matthieu Orphelin expliquent qu’ils retiendront « chaque mois deux questions, notamment parmi celles les plus discutées sur la plateforme ». « Nous allons sélectionner les questions parmi les plus populaires, c'est-à-dire celles qui ont le plus de votes ou celles qui ont suscité le plus de débats », nous précise Paula Forteza. Mais pas question pour autant de se laisser enfermer dans une mécanique où la question la plus « approuvée » serait forcément celle déposée à l’attention du gouvernement.

Les deux députés entendent en ce sens garder personnellement le dernier mot sur les sujets qui seront évoqués par leur entremise. « L'idée c'est quand même qu'on se retrouve un peu dans la question, puisqu'elle sera posée en notre nom » se justifie Paula Forteza. « On veut faire de la collaboration entre les citoyens et le député. On veut qu'il y ait un dialogue, des échanges, etc. On ne veut pas remplacer les députés par une plateforme, ce n'est pas l'objectif ! »

D’ailleurs, les internautes peuvent proposer des sujets de question. Mais ce sera toujours le député qui rédigera l’interpellation à l’égard de l’exécutif. « Il s’agit de quelque chose de co-construit, de partagé », assume en ce sens la députée des Français d’Amérique du Sud.

Un outil qui pourrait améliorer les réponses fournies par l’exécutif

Si cette initiative repose avant tout sur la société civile, elle vise également à impliquer davantage le gouvernement – qui ne joue pas toujours très bien le jeu des questions écrites (réponses à côté des interrogations soulevées, délais de retour se comptant parfois en années...). Chaque question sera à cet égard suivie « par un courrier des deux députés au membre du gouvernement concerné, afin de le sensibiliser à cette nouvelle démarche citoyenne, ainsi qu’à l’intérêt d’y répondre avec célérité et précision ».

Il sera en outre proposé aux ministres de compléter leurs réponses écrites « par des interventions dans des moyens de communication alternatifs (courtes vidéos, messages sur les réseaux sociaux) ».

Une expérimentation destinée à alimenter les débats sur la réforme constitutionnelle

Alors que près de 200 questions avaient été proposées à l’heure où nous rédigions cet article, Paula Forteza se disait déjà « contente » du succès rencontré par son initiative : « Il y a beaucoup de questions de posées, et des questions très intéressantes. »

Afin de « répondre au maximum aux inquiétudes », l’élue songe déjà à faire monter le dispositif en puissance. « On se demande par exemple si on ne pourrait en prendre plus d'une par mois. » Autre option envisagée : essayer de convaincre d’autres députés pour qu'ils viennent eux aussi « piocher » des questions dans cette plateforme.

Si ce dispositif n’en est qu’à ses balbutiements, Paula Forteza confie qu’il est aussi destiné à alimenter les discussions autour de la réforme constitutionnelle que devrait présenter le gouvernement « dans les semaines qui viennent », dixit Emmanuel Macron :

« On veut multiplier ce genre d'initiative dans la mesure où l’on sera certainement amenés à voter de nouveaux mécanismes de référendum, de pétition, ou autre. Après, il faudra bien entendu construire les outils qui vont avec – probablement avec un niveau d'authentification plus important, avec une assurance que les algorithmes sont les plus neutres possibles, etc. C'est en expérimentant, en testant, en essayant différentes choses qu'on va arriver à trouver les bonnes pratiques » détaille la parlementaire.

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