La proposition de loi sur les burn-out rejetée par l’Assemblée nationale

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Droit 5 min
La proposition de loi sur les burn-out rejetée par l’Assemblée nationale
Crédits : Xavier Berne

L’Assemblée a rejeté ce matin la proposition de loi des députés de La France Insoumise (LFI) visant à « reconnaître comme maladies professionnelles les pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel ». La majorité veut s'en remettre aux conclusions d’une mission sur la santé au travail, attendues pour fin avril.

Véritable serpent de mer depuis quelques années, notamment suite à l’immixtion croissante des mails et appels professionnels dans la vie privée de nombreux salariés, la reconnaissance des « burn-out » s’est une nouvelle fois invitée au Palais Bourbon, jeudi 1er février.

Refusant que la société supporte – via les Assedic et la sécurité sociale – « le coût des défaillances managériales » de certaines entreprises, le groupe présidé par Jean-Luc Mélenchon plaidait pour une réforme du processus conduisant à la prise en charge de certaines pathologies par la branche « Accident du Travail - Maladie Professionnelle » (financée en quasi-totalité par les cotisations des employeurs).

« Frappées aux portefeuilles, les entreprises seront très concrètement incitées à améliorer leur management, leurs conditions de travail, à protéger la santé de leurs salariés », faisaient valoir les parlementaires LFI à l’appui de leur texte.

Affirmant que « seuls 200 à 300 épuisements » seraient reconnus chaque année en France par des comités régionaux, au cas par cas (procédures dites « hors tableau »), François Ruffin et ses collègues proposaient qu’un « tableau spécial » soit mis en place par le gouvernement à partir du 1er janvier 2019. L’objectif : énumérer d’une part « les pathologies psychiques relevant de l’épuisement professionnel », et d’autre part les conditions dans lesquelles celles-ci « sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été exposées d’une façon habituelle à des facteurs limitativement énumérés par ce tableau ».

Une réponse inadaptée « à l’ampleur et à la complexité du problème » selon la majorité

Le gouvernement, représenté par Christophe Castaner, secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement, a fait part de ses nombreuses « réserves » à l’égard de cette proposition de loi – jugée inadaptée « à l’ampleur et à la complexité du problème ».

L’exécutif considère en effet que les travaux menés sur ce dossier « soulignent tous que les contours de ce syndrome d’épuisement professionnel sont mouvants, car ils résultent d’une pluralité de facteurs tous étroitement liés – tant professionnels que personnels, et qui de surcroît se manifestent de façon parfois différente d’une personne à une autre ». En creux, le gouvernement estime que l'origine « professionnelle » du burn-out serait trop difficile à établir.

« L’application de votre loi se heurterait à plusieurs obstacles », a ensuite prévenu le secrétaire d’État : principe de la présomption d’imputabilité à l’activité professionnelle « qui ne peut pas être systématique », « fixation des délais de prise en charge qui est également complexe à déterminer car il est extrêmement variable d’un individu à l’autre », etc.

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Crédits : Assemblée nationale

« Pire encore, a poursuivi Christophe Castaner : elle exclurait la possibilité de prendre en charge de manière spécifique l’ensemble des manifestations émotionnelles, physiques, cognitives ou comportementales de ce syndrome. »

Aux yeux de l’exécutif, le dispositif d’examen individuel qui prévaut aujourd’hui « apparaît comme le plus adapté et le plus efficient ». Celui qui occupe aussi le poste de délégué général de LREM a d’ailleurs indiqué que le nombre de « burn-out » ainsi reconnus en maladie professionnelle avait été « multiplié par sept en cinq ans, pour atteindre 596 cas en 2016 ».

Christophe Castaner a enfin regretté que les députés LFI n’aient prévu aucune mesure relative à la prévention des burn-out. Les ministres du Travail et de la Santé ayant lancé une « réflexion globale sur la santé au travail » dont les conclusions sont attendues pour le 30 avril prochain, la majorité a fait valoir qu’elle préférait attendre de connaître ses propositions avant d’engager toute réforme législative.

Guillaume Chiche (LREM) est ainsi monté à la tribune pour défendre une motion de rejet préalable de la proposition de loi portée par les députés LFI, qui s’avère selon lui « précipitée et inadaptée ». « La majorité est mobilisée et déterminée pour vaincre le fléau du burn-out » a-t-il néanmoins assuré.

Aucun amendement de débattu

« Je ne m’attendais pas à un miracle », a concédé François Ruffin, rapporteur à l’origine du texte. « On sait depuis Clémenceau que les missions sont le meilleur moyen d’enterrer les problèmes » a-t-il néanmoins pesté.

L’élu LFI s’est malgré tout employé à répondre aux arguments avancés par La République en Marche. « La lombalgie se trouve par exemple dans le tableau des maladies professionnelles. Elle peut être due aux charges trop lourdes que porte un salarié dans le cadre de son travail, mais elle peut très bien être due aussi au fait que le salarié joue au tennis, le dimanche par exemple » a-t-il relevé.

Avant de faire un parallèle avec l’intégration de différentes pathologies n’ayant pas toujours fait l’unanimité, telle la silicose : « Sur l’amiante, le patronat a freiné des quatre fers pendant des décennies et avec des appuis aussi dans les gouvernements et dans cette assemblée. »

François Ruffin a d'autre part jugé que sa proposition de loi était belle et bien « préventive », dans la mesure où elle incitera les entreprises et leurs actionnaires à soigner le bien-être de leurs salariés, pour ne pas trop être pénalisés via leurs cotisations... « La sanction est une prévention » a martelé le député.

Le parlementaire a enfin déploré la méthode employée par la majorité : une motion de rejet préalable, synonyme de l’absence de débat sur les articles (et les amendements associés). Différentes propositions avaient pourtant été mises sur la table par certains députés d’autres groupes, notamment PS et LR, afin par exemple de procéder à des expérimentations en matière d’examen « hors tableau » des maladies professionnelles ou à mieux évaluer le coût des pathologies psychiques liées au travail et actuellement supporté par l’Assurance maladie.

L’Assemblée a finalement adopté cette motion de rejet à 86 voix « pour » et 34 « contre ».

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