Un rapport remis au CSPLA suggère l'utilisation de la blockchain pour gérer les droits culturels

Un rapport remis au CSPLA suggère l’utilisation de la blockchain pour gérer les droits culturels

Il côte à combien le SacemCoin ?

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Kevin Hottot

Publié dans

Droit

01/02/2018 6 minutes
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Un rapport remis au CSPLA suggère l'utilisation de la blockchain pour gérer les droits culturels

Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) s'est vu remettre un rapport consacré aux usages potentiels des blockchains pour la propriété intellectuelle. Il préconise deux pistes, où l'État doit jouer un rôle important de régulation, voire s'investir dans une blockchain publique 

On ne le répètera jamais assez. La blockchain n'est pas seulement un outil dédié aux crypto-monnaies et aux échanges financiers, mais agit avant toute chose comme un registre ouvert, décentralisé, et réputé infalsifiable (voir notre analyse). Ces propriétés ne se prêtent pas seulement à une utilisation comme livre de compte (ce que font les crypto-monnaies), mais également comme cadastre numérique, pour l'exécution automatique de contrats, ou encore pour assurer la traçabilité d'échanges, numériques comme physiques. 

Ces avancées pourraient être mises à profit par l'industrie culturelle, estime un rapport remis au CSPLA, corédigé par Charles-Pierre Astolfi, chef de bureau au centre opérationnel de l'ANSSI, et Cyrille Beaufils, conseiller au Conseil d'État. Dans ce document, signalé également par nos confrères de Contexte hier, ils ont dressé une liste des scénarios envisageables, dans un rapport faisant « l'état des lieux de la blockchain et ses effets potentiels pour la propriété littéraire et artistique ».  

Blockchain et traçabilité des œuvres

Selon les deux auteurs, la blockchain pourrait rendre de nombreux services dans le domaine culturel, notamment pour la revente des œuvres dématérialisées. L'idée ici consiste à se servir de la blockchain comme d'un registre archivant les transactions entre consommateurs. Ainsi, on pourrait facilement vendre un livre numérique d'occasion, en garantissant aux ayants droit que le même ouvrage n'est pas à la fois vendu et conservé par son premier propriétaire.

Une solution similaire, sans blockchain, avait été esquissée par Microsoft en 2013 avant le lancement de la Xbox One, où les boutiques de jeux vidéo faisaient office de tiers de confiance pour révoquer et redistribuer les licences aux joueurs. L'idée avait alors été abandonnée, les joueurs refusant catégoriquement que leur console nécessite une connexion à Internet régulière pour fonctionner.

Autre option envisagée, celle d'une blockchain chargée « d'assurer la traçabilité et l'authenticité de biens, numériques ou non ». Un concept qui consiste à inscrire dans la chaine de blocs une empreinte représentant l'œuvre, afin de l'authentifier ultérieurement. Plusieurs jeunes pousses en France planchent d'ailleurs sur ce type d'applications. Le rapport cite entre autres Seezart, qui permet d'inscrire des certificats d'authenticité dans une blockchain, et d'enregistrer ses changements de propriétaire. La Sacem poursuit le même genre d'expérimentation avec l'Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique), tout comme Spotify depuis son acquisition de Mediachain Lab

La blockchain comme caisse enregistreuse des ayants droit ?

Si une blockchain peut être une solution pour répertorier de façon fiable la liste des ayants droits d'une œuvre donnée, l'étape suivante pourrait consister à se servir de ce registre pour automatiser le versement de redevances ou de droits d'auteur à ces derniers, par le biais de smart contracts

Imaginez un micro placé dans un lieu public tel qu'un bar ou une discothèque. Relié à une base de données, il reconnait en temps réel quels morceaux sont joués et cherche leurs ayants droit afin de déclencher automatiquement le paiement de la somme due. Voilà le genre de scénario que les rapporteurs imaginent pour l'avenir, tout en reconnaissant que sa mise en place serait très loin d'être aisée. 

La solution fonctionnerait parfaitement dans des cas très simples où un seul ayant droit dispose d'un accord avec un client unique, à un tarif fixe. Dès lors que l'on fait intervenir des paramètres supplémentaires, comme la répartition des revenus entre auteurs, compositeurs, interprètes, producteurs, arrangeurs etc. ou une rémunération variable, les smart contracts se complexifient, et amènent un risque d'erreur plus important.

Or, que faire en cas d'erreur dans un tel contrat ? Faut-il considérer que le code fait foi, ce qui reviendrait à dire qu'un incident comme celui survenu avec The DAO ne peut pas être considéré comme un vol, ou bien faut-il amener l'affaire devant un juge ? Et ce juge, aura-t-il le pouvoir d'imposer des modifications au contenu d'une blockchain ? Si oui, comment réécrire la blockchain et à quel moment ? Faut-il attendre un éventuel verdict en appel ? Ces questions restent entières. 

Quel rôle pour la puissance publique dans la blockchain culturelle ?

Devant ces incertitudes, il apparait évident pour les rapporteurs que l'État doive intervenir à un moment donné au minimum pour dresser un cadre légal permettant à ces activités d'évoluer tout en leur assurant une certaine sécurité sur le plan juridique. Ils esquissent ici deux pistes. 

Dans la première, l'État n'intervient qu'en qualité de « régulateur des usages de la blockchain ». Concrètement, la puissance publique se chargerait dans ce cas de « reconnaitre la valeur de preuve de la blockchain, potentiellement jurisprudentielle ». Il faudrait également définir des responsables en cas de défaillance d'un smart contract, ou encore « fixer les règles de qualité qu’une blockchain doit respecter pour être regardée comme fiable au regard d’un usage ».

L'État devrait également trouver un moyen de garantir l'exécution des décisions de justice dans la blockchain, ainsi que les règles liées au respect de la vie privée des citoyens, comme le droit à l'oubli. Autre dossier épineux à réguler, celui de la territorialité des opérations réalisées sur des blockchains...

Selon la deuxième piste, l'État est un acteur à part entière des blockchains, en jouant le rôle, directement ou indirectement, de tiers de confiance garantissant la fiabilité des données qui y sont enregistrées, ou en certifiant la robustesse des diverses chaines en activité.  

Pour assurer cette sécurité, il pourrait être envisagé « de développer des capacités de minage nationales ou européennes, afin d'éviter qu'un seul État ne concentre sur son territoire la puissance de calcul nécessaire à l'altération de blockchains d'importance stratégique ».

Avant de pousser la puissance publique à s'armer de milliers de cartes graphiques, il convient de rappeler que la preuve de travail n'est pas la seule méthode pour sécuriser une blockchain, la preuve d'enjeu étant une solution moins couteuse et plus écologique à mettre en place (voir notre analyse).

Il suffirait alors de distribuer des jetons de vote aux administrations concernées et de laisser la preuve d'enjeu travailler. La seule solution pour qu'un acteur malveillant puisse prendre le contrôle du réseau consisterait à voler plus de la moitié des jetons en circulation, ce qui ne devrait normalement pas être une partie de plaisir. 

Écrit par Kevin Hottot

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Sommaire de l'article

Introduction

Blockchain et traçabilité des œuvres

La blockchain comme caisse enregistreuse des ayants droit ?

Quel rôle pour la puissance publique dans la blockchain culturelle ?

Commentaires (16)


Point intéressant au niveau de l’utilisation de cette techno.

J’avais aussi pensé à une utilisation plus local pour remplacer les DRM.

Un ami à également pensé à une application utilisant la blockchain dans le domaine pharmaceutique qui apparemment utilisent encore des moyens rustiques pour tracer leurs échanges.



J’espère en tous cas que l’utilisation de la blockchain va se développer dans le bon sens sur des application de ce genre.



Merci pour l’article !


Huh, l’idée m’a parue capilotractée au premier abord, mais finalement elle est intéressante. Aujourd’hui la cession finale de biens numériques est juste impossible sans un registre comme présenté ici.



Maintenant, ça reste un DRM bien lourd.


Le rapport est bien et donne de belles perspectives.<img data-src=" />



J’ai cependant du mal, dans les cas cités à voir ce que ça apporte : le prêt de livre pourrait être dupliqué avant d’être envoyé, sans compter que des DRM existent déjà. Le micro partout serait une atteinte à la vie privée, et si on a toujours besoin de l’État pour assurer le bazar, quel intérêt à la blockchain par rapport à un contract classique ?


ça existe déjà le projet s’appel po.et&nbsphttps://po.et ils sont vraiment à la masse tout les débiles payés une fortune pour pondre des rapports bidon, le monde n’a pas attendu ces gens


Ce mémoire de fin d’études, il n’y a pas d’autres mots, s’achève en demandant à l’Etat de soutenir financièrement les PME qui gravitent autour de l’éco-système de la blockchain :



&nbsp;“Enfin, et peut-être surtout, la puissance publique pourra accompagner des acteurs privés dans leurs réalisations d’applications incluant la blockchain,&nbsp; par&nbsp; exemple&nbsp; en&nbsp; favorisant&nbsp; voire&nbsp; en&nbsp; suscitant&nbsp; le&nbsp; regroupement&nbsp; des&nbsp; parties prenantes et en soutenant les projets qu’elles portent.”&nbsp;







Question : Le développement des usages liés à des technologies non-mature relève-t-il de l’intérêt général ou bien de la figure prométhéenne de l’entrepreneur, au sens de Schumpeter ?




Dit autrement, le recours à la puissance publique ne risque-t-il pas d'entraîner une socialisation des coûts de développement, puis une privatisation des bénéficies, lorsque les usages de cette technologie à des fins privées et publiques seront massifs?       



&nbsp;

Bref, comme le déplore&nbsp; Joseph Stiglitz, dans son ouvrage “Le prix de l’inégalité” (LLL, 2012) la demande d’aides sociales à destination des entreprises se porte bien.


Surtout que ça existe déjà comme mentionné dans mon précédent post, il n’y a donc rien à créer aux sociétés d’investir dans ce superbe projet qu’est po.et.








jurinord a écrit :



Question : Le développement des usages liés à des technologies non-mature relève-t-il de l’intérêt général ou bien de la figure prométhéenne de l’entrepreneur, au sens de Schumpeter ?




 Dit autrement, le recours à la puissance publique ne risque-t-il pas d'entraîner une socialisation des coûts de développement, puis une privatisation des bénéficies, lorsque les usages de cette technologie à des fins privées et publiques seront massifs?        

&nbsp;

Bref, comme le déplore&nbsp; Joseph Stiglitz, dans son ouvrage "Le prix de l'inégalité" (LLL, 2012) la demande d'aides sociales à destination des entreprises se porte bien.







&nbsp;On est bien d’accord…



…comme souvent, mon cher ami-)


Si le versement des redevances est automatisé, j’achète immédiatement les droits pour les 4’33 de John Cage. Fortune assurée.


L’État n’est pas aussi efficace que des investisseurs pour identifier les Google et Facebook de demain.

Ça risque de créer un phénomène où des boites peu compétitives et peu innovantes seront aidées par l’état et réussiront à survivre de subvention en subvention au lieu de laisser les meilleurs solutions émerger.

&nbsp;

La blockchain n’a pas d’intérêt que pour l’État. Les applications dans le secteur privé sont énormes (banques, assurances…). Il n’y a aucun besoin d’aide de l’État&nbsp;pour que ce secteur se développe, d’ailleurs personne n’a attendu l’État pour se lancer dans la blockchain.



L’État pourrai se contenter de faire dans un premier temps de nombreux petits appels d’offres exploratoires pour des besoins réels mais circonscrits, et élargir progressivement le périmètre.


La Blockchain garde vos enfants en soirée, repasse votre linge et soigne le cancer.<img data-src=" />


On n’a pas fini de bouffer du DRM et de l’usine à gaz…


Aucune «blockchain» ne peut garantir que vous ne garder pas une copie d’un fichier que vous avez revendu. Ça c’est le rôle d’un DRM. C’est comme le fameux bit «no-copy» dans le format mp3&nbsp; <img data-src=" />


Ce que tu évoques, au sein de ton dernier paragrapheexiste déjà dans les textes français, à défaut d’exister dansla pratique, sauf en matière de marchés publics militaires. Ce futmême mon sujet de mémoire en M2.

1° Dans le sillage desprogrammes américains Small Business Innovation Research (SBIR) etSmall Business Technology Transfer (STTR), l’OCDE encourage lamobilisation de la commande publique afin de soutenir les entreprisesinnovantes.



Dès 2007, uneCommunication de la Commission européenne promeut le conceptd’Achat Public Avant Commercialisation (APAC). Selon ce texte, lesAPAC « sont un exercice préparatoire permettant aux acheteursd’éliminer les risques de R&D technologique de différentessolutions potentielles avant de s’engager à acquérir un produitcommercial diffusé à grande échelle&nbsp;». Par conséquent ils«&nbsp;diffèrent des autres instruments en faveur de l’innovation –comme les subventions, les incitations fiscales, l’accès aufinancement, les initiatives technologiques conjointes&nbsp;».



Selon la Commission,ces marchés comportent autant de «&nbsp;phases&nbsp;» qu’il y ad’étapes de R&D (Recherche fondamentale, appliquée, quidéveloppement expérimental), afin de sélectionner progressivementles meilleures solutions. Ce qui suppose que la première phasecomporte de nombreux opérateurs. En outre, ils sont exclus desdirectives marchés publics de 200418 et de 201424&nbsp;: soit,lorsque les fruits de la R&D (les résultats) sont partagésentre l’acheteur public et l’opérateur privé, soit lorsque leurfinancement est partagé, même de façon inégalitaire entre cesdeux structures (cf. article 14, Directive 201424).



À l’issue desphases de R&D, la ou les personnes publiques peuvent acquérir enmasse la solution commerciale, incorporant ces résultats, par lapublication d’un appel d’offres, ouvert ou restreint, aux fins deréaliser une mise en concurrence avec des opérateurs privésn’ayant pas participé à l’APAC.



En droit français,les APAC furent transposées, par les conventions de R&D del’article (codifiées désormais, à l’article 14, 3° del’ordonnance 2015-899) .



2° Toutefois, au regarddu faible nombre de conventions de R&D mise en œuvre, lelégislateur français décida la création d’une nouvelleprocédure&nbsp;: le partenariat d’innovation (cf. désormais, lesarticles 93 et suiv du décret N°2016-360, 25/03/2016). Ce contrat “ a pour a pour objet la recherche et le développement deproduits, services ou travaux innovants […] ainsi que l’acquisitiondes produits, services ou travaux en résultant et qui répondent àun besoin ne pouvant être satisfait par l’acquisition de produits,services ou travaux déjà disponibles sur le marché”.



Le principalchangement fut la mise en place d’une publicité préalable(publication d’un avis de marché ou de documents de laconsultation, en fonction du coût global des phases), dès le choixdes opérateurs pour la réalisation des phases concurrentielle deR&D. Aussi, cette formalité permet de contourner la remise enconcurrence, lors de l’acquisition en masse des produits innovants. Avec les PI, comme il y a eu une mise en concurrence initiale, il n’est plus nécessaire de l’effectuer lors de l’achat des solutions commerciales résultatn de cette R&D partenariale.



3° Encore une fois, lenombre de PI et APAC conclus ne furent pas significatif, pour plusieurs raisons :



-Il faut un besoinde la personne publique qui ne peut être satisfait par lestechnologies existantes (par ex. la gestion de l’état civil despersonnes nées à l’étranger est déjà satisfaite par destechnologies existantes).





  • Le coût humain dela gestion des différentes phases des PI ou des APAC, par la puissance publique&nbsp;:À chaque phase, il faut évaluer les résultats produits par chaqueéquipe concurrente, et le cas échéant les réaménager.



  • Il est nécessairede rémunérer l’ensemble des participants, même ceux éliminés àl’issue de la première étape. Cet effort supplémentaire vients’ajouter aux 5 Milliards annuel de Crédit d’impôt Recherche etles incitations fiscales et sociales liées à la R&D (FondsCommun de Placement dans l’innovation, le statut fiscal des JeunesEntreprises Innovantes, incitation pour l’embauche de titulaired’un doctorat…), ainsi que les financements et subventionsémanant de la BPI. &nbsp;Pour développer ces types de marchés publics,il serait nécessaire de réduire les financements et exonérationsfiscales existantes.



    -Enfin, il existed’autres types de marchés publics permettant de susciter lesefforts de R&D du privé, tels que les concours, les variantesproposées par un soumissionnaire. À ce titre, le MINEF apublié en 2014, un guide pratique de l’achat public innovant,qui détaille ces autres possibilités.