Aux États-Unis, les autorités financières continuent de sévir contre les fonds d'investissement illicites proposant des produits dérivés sur les crypto-monnaies. La Commodity Futures Trading Commission (CFTC) vient ainsi saisir la justice contre deux fonds qui promettaient des retours sur investissement invraisemblables.
Depuis quelques mois, le gendarme boursier américain, la SEC, s'attaque aux organisateurs de levées de fonds en crypto-monnaie (ou ICO) et se demande comment assurer la sécurité de fonds d'investissements en monnaies virtuelles. Pendant ce temps, la CFTC, l'organe fédéral régulant les bourses de commerce aux États-Unis, se penche sur le cas des fonds d'investissement consacrés à Bitcoin, Ethereum, Litecoin et tous les autres.
Il y a d'ailleurs fort à faire dans ce domaine, l'actuel flou juridique permettant à des escrocs en col blanc de promettre monts et merveilles à ceux qui accepteront de leur confier leurs économies pour aller spéculer sur le cours des crypto-monnaies.
Deux fonds ont justement été épinglés ces derniers jours par l'autorité, qui a porté plainte contre chacun d'eux. Il leur est reproché d'avoir tenté de disparaître avec l'argent confié par leurs clients. Le tout pour un préjudice dépassant le million de dollars.
Coin Drop Markets, ou la promesse d'une expertise en trading
Premier cas, celui d'une entreprise nommée Cabbagetech, qui a bâti un fonds nommé Coin Drop Markets (CDM). Sur un site web, l'entreprise proposait des conseils payants pour spéculer sur les crypto-monnaies, ou au public de lui confier de l'argent afin que ses équipes le fassent fructifier.
Moyennant un abonnement annuel (payable d'avance) CDM proposait à ses clients d'être « informés en temps réel des points d'entrée et de sortie critique » sur plusieurs crypto-monnaies, ce y compris durant la nuit, les week-ends, et les jours fériés. Dans ses publicités, l'entreprise affirmait également disposer d'une « équipe dédiée de spécialistes du trading de crypto-monnaies ».
Le service a été ouvert en avril 2017. CDM a alors créé plusieurs salons de discussions privés pour ses abonnés, afin qu'ils puissent échanger avec les traders et obtenir les tuyaux qu'ils avaient chèrement payés. Problème, les clients n'ont jamais reçu les conseils à la fréquence promise. Pire encore, après avoir collecté suffisamment d'abonnements, l'ensemble des canaux de conversation ont été brutalement fermés, tout comme le site vitrine de l'entreprise en juillet 2017.
Un fonds fantôme
Les agissements de CDM ne se sont pas limités à la vente d'abonnements. L'entreprise proposait également à ses clients d'investir dans un fonds en crypto-monnaie, dont le rendement pouvait atteindre plus de 300 % par semaine. Un niveau de rentabilité invraisemblable auquel plusieurs clients semblent tout de même avoir cru.
L'un de ces clients a répondu aux avances de la société et lui a effectué plusieurs versements entre janvier et juin 2017. Ces fonds, CDM indiquait les investir en bitcoin. Seulement, lorsque le client a souhaité récupérer son argent avant l'été, l'entreprise a d'abord invoqué différentes excuses pour justifier le délai du transfert de fonds, avant de purement et simplement cesser toute communication avec l'investisseur.
Un autre client qui avait investi pour « jouer sur la volatilité de Litecoin » a été victime du même procédé. La CFTC ne précise toutefois pas dans sa plainte quel est le montant du préjudice subi par ces deux investisseurs.
Pour ces faits, la CFTC souhaite que les contrevenants ne puissent plus jamais fonder de service proposant de spéculer sur des commodités, ni de collecter des fonds tiers à cette fin. Sont également réclamés des dommages pour les clients lésés, ainsi que le remboursement des sommes dérobées.
TEH, un Ponzi à 1,1 million de dollars
Le second cas montre quant à lui l'étendue des dérives dans le petit monde des investissements, aussi bien en crypto-monnaie qu'ailleurs. The Entrepreneur Headquarters, ou TEH, est une société dont le fondateur se vantait de son expertise dans le domaine du trading, forte de sept années de pratique.
TEH promettait à ses clients un rendement hebdomadaire compris entre 11 et 17,5 %. Autrement dit, 100 euros déposés pouvaient se transformer en 190 euros quatre semaines plus tard, et en 692 euros après trois mois. Une offre plus qu'alléchante sur le papier. Trop alléchante même.
En outre, les investisseurs étaient encouragés à amener d'autres personnes sur la plateforme, grâce à un système de commissions pyramidales. Si un client parraine quelqu'un, il reçoit automatiquement 6 % de chacun de ses dépôts sur la plateforme. Si le parrainé parvient à convaincre une autre personne, 3 % des dépôts reviennent au premier parrain, et ainsi de suite jusqu'à un taux de 1 % pour le troisième degré de descendance.
Au total, plus de 600 personnes cèderont aux sirènes du fonds, en y déposant plus de 1,1 million de dollars (hors intérêts). L'un deux déposera même à lui seul 50 000 dollars. Entre avril et août 2017, le service fonctionne normalement, et les clients parviennent même à récupérer leurs fonds lorsqu'ils le souhaitent.
Un faux piratage pour retarder les retraits
Dans ce type de schéma pyramidal, il arrive toujours un moment où les montants retirés par les clients excèdent ceux déposés par les nouveaux arrivants, causant un effondrement du système. Pour TEH, il est survenu en août. Pour détourner l'attention des clients, les dirigeants du fonds ont décidé de communiquer sur une fausse tentative de piratage.
Le 9 août, la société publie sur Facebook un message informant ses clients d'un possible piratage, en les incitant à vérifier l'adresse à laquelle les fonds qu'ils souhaitent retirer seront reversés. Deux jours plus tard, une prétendue campagne de phishing par e-mail est évoquée.
Le même jour, le fondateur assure que son site web est retenu en otage contre une rançon. Il redirige alors ses clients vers un site miroir qui était déjà en ligne depuis le mois de mai. Seulement, il assure que ce nouveau site n'est pas encore prêt, les développeurs n'ayant soi-disant pas finalisé les fonctionnalités de la plateforme de remplacement.
Le 17 août, il publie le message suivant : « Toutes les bases de données sont perdues à cause du pirate ». Il donne alors comme consigne aux clients de lui fournir des captures d'écran de l'ensemble de leurs échanges afin de pouvoir reconstruire cette dernière. Les communications visant à retarder les retraits des utilisateurs s'enchainent ainsi jusqu'en décembre, où elles cessent définitivement. Pendant ce temps, les fondateurs remontent un autre site basé sur le même principe, baptisé Real Trade Profits, promettant cette fois-ci entre 1 et 10 % d'intérêts quotidiens. De quoi attirer 65 membres en quelques jours.
Là encore, la CFTC réclame une interdiction définitive de collecter des fonds dans le but de spéculer sur des commodités, et de toute activité s'en approchant. Un remboursement intégral des sommes volées, accompagné de dommages, est également attendu.