Des communications sans fil « sans émettre une seule onde de plus » chez Orange

Ça fait aussi de la charge sans fil ?
Mobilité 6 min
Des communications sans fil « sans émettre une seule onde de plus » chez Orange
Crédits : SasinParaksa/iStock

Dans un monde où les ondes sont omniprésentes, Orange – qui en émet notamment avec ses antennes de téléphonie mobile – travaille sur une solution permettant de « connecter des objets sans fil ni batterie, et sans émettre une seule onde de plus ». Pour cela, il réutilise les ondes déjà existantes. Explications.

En 2013, l'université de Washington déclarait que ses ingénieurs avaient mis au point « un nouveau système de communication sans fil permettant aux appareils d'interagir entre eux sans avoir besoin de piles ou de fils électriques ». Baptisée « Rétro-diffuseurs ambiants » (ou Ambient Backscatter dans la langue de Shakespeare), cette technique permet « d'échanger des informations en reflétant ou en absorbant des ondes préexistantes ».

Orange a décidé de se lancer dans cette aventure et présentait au Salon de la Recherche (lire notre compte rendu) une démonstration. « Il n'y a pas deux endroits au monde on l'on peut voir ça » affirmait alors Nicolas Demassieux, directeur d'Orange Labs Recherche. Mais voir quoi exactement ? L'envoi de messages « sans batterie, et sans qu'une seule onde de plus ne soit émise sur Terre ».

Recycler les ondes existantes

Orange explique que cette technique est « inspirée » des tags RFID : « Dans un système RFID conventionnel, si le tag est déjà capable de transmettre un message à un lecteur RFID, sans batterie et sans émettre, le lecteur, lui en revanche, doit générer une onde RF pour scanner le tag. Ici, même le lecteur n’émet rien. Il exploite en effet les ondes RF ambiantes (Wi-Fi, diffusion TV ou FM, cellulaires, etc.), presque aussi disponibles que l’air que nous respirons ». Avec le Wi-Fi ou les réseaux mobiles, il n'est évidemment pas nécessaire de s'y connecter, simplement d'utiliser les ondes émises.

Dans le cadre de cette démonstration, l'opérateur présentait un tag le plus simple possible : deux brins métalliques, une antenne et un bouton poussoir sur un bout de PCB. Dinh Thuy Phan Huy, ingénieure R&D en communication sans fil chez Orange, détaille le fonctionnement : « Quand j'appuie sur le bouton poussoir, je connecte les deux brins et cette antenne réfléchit les ondes radio venant de la tour Eiffel. Quand je le relâche, elle les absorbe ». Cette manipulation permet ainsi d'avoir « deux niveaux de puissance, deux états différents ; et ainsi transmettre un message binaire de 0 et de 1 ».

La preuve par l'exemple, quid des perturbations ?

Une première démonstration exploitait le tag avec bouton poussoir actionné manuellement. Une seconde avec « un tag autonome faisant cette commutation de manière automatique pour envoyer un message de 0 et de 1 » permettait ensuite de transmettre une image (d'une centaine de pixels) sur une distance de quelques centimètres seulement :

Orange Ambient BackscatterOrange Ambient Backscatter
La première démonstration à gauche, la seconde à droite - Crédits : Sébastien Gavois (licence: CC by SA 4.0)

La société utilisait dans les deux cas les ondes radio (pour la TV) émises par la tour Eiffel pour faire transiter les données (nous étions dans ses labos à Châtillon, soit à 6 km environ à vol d'oiseau de la Dame de fer). Mais il est également possible d'utiliser celles du Wi-Fi, de la FM et des réseaux cellulaires ; c'est du moins « ce qui a été testé expérimentalement ».

Interrogé sur la distance et le débit que pourrait supporter une telle solution, Orange se contente de nous énoncer les résultats obtenus par les universitaires américains : « un appel voix à 10 mètres », sans plus de détail.  Seule certitude, la portée sera différente en fonction de la puissance de l'émetteur et de la longueur d'onde utilisée.

Questionné sur les perturbations engendrées par ce système pour la réception de la télévision, Dinh Thuy Phan Huy répond que « ces tags ont une portée limitée, il faut vraiment être à côté pour être gêné. Si on améliore et on contrôle la portée de ces tags, et là ça demande des innovations qui ne sont aujourd'hui pas publiées et sur lesquelles on travaille, on peut à la fois contrôler la qualité de service des récepteurs TV et des tags. Mais ce n'est pas en prenant ce qui a été fait par l'université de Washington en 2013 brut, il faut l'améliorer ».

En effet, les techniciens d'Orange nous expliquent avoir repris comme base les travaux de l'Université de Washington, mais avec quelques surprises à la clé : « Dans leur publication, ils n'ont pas raconté tous les défauts de leur système. Ils ont montré une mesure où ça marche. Nous, en refaisant ce travail, on a vu tous les défauts. [...] On est en train de l'améliorer pour les cas d'usages qui nous semblent les plus prometteurs ». Nous n'aurons pas plus de précision pour le moment.

Sans batterie, mais pas sans énergie

Sans batterie, ne veut pas dire sans énergie, comme nous le confirme Dinh Thuy Phan Huy : « Il faut un tout petit peu d'énergie [...] et on sait déjà le faire aujourd'hui. [...] Soit on les alimente avec une pile pendant très longtemps, soit ils s'autoalimentent avec de la récupération d'énergie RF, du solaire ou l'énergie mécanique. Ce sont des choses qui existent déjà. Ce qui est vraiment révolutionnaire ici, c'est qu'on n’émet aucune onde de plus pour créer des nouvelles communications ».

Un cas d'usage mis en avant par l'opérateur est celui de tags RF n'émettant aucune onde, et que l'on porte sur soi. Une ville équipée de lecteurs, n'émettant pas d'ondes eux non plus, serait alors capable de détecter une approche et ainsi s'adapter si besoin. 

Ennemie ou alliée de la 5G ?

Dans une offre d'emploi intitulée « technique de communication disruptive sans fil, sans émission d'ondes et sans consommation pour futurs réseaux 5G/internet des objets » et publiée en décembre 2016, Orange indiquait que « cette technique permet potentiellement le développement de futurs réseaux d'Internet des objets de très courte portée ».

Ajoutant même qu'elle « est donc potentiellement une menace pour les futurs réseaux 5G et 5G+ : en cannibalisant les marchés IoT et en impactant la performance des futurs réseaux 5G. Cette technique peut aussi être une opportunité pour les futurs réseaux 5G, si elle est intégrée dans la 5G, utilisée pour décharger le réseau cellulaire et réduire considérablement sa consommation d'énergie ».

Des utilisations possibles étaient également évoquées dans l'annonce : « les applications visées sont la communication entre petits objets voisins, dans le cadre de l‘internet des objets et la 5G (par ex des lunettes communicantes avec écrans, ou des tablettes, des montres ou des vêtements connectés, etc.) ».

La société nous précise enfin que des publications sur ses travaux autour de l'Ambient Backscatter seront mises en ligne et que des brevets seront déposés cette année. Nous en saurons alors peut-être davantage sur la portée, les débits et surtout la manière dont l'opérateur compte limiter les perturbations.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !