Afin de ne pas s’exposer à des pénalités contractuelles, le gouvernement a demandé à l’Assemblée nationale de reporter la fin des appels surtaxés vers les services publics (CAF, DGFiP...) à 2021. Les députés ont toutefois préféré laisser la possibilité à certaines administrations de sauter le pas avant cette date butoir.
Alors que les élus pestent depuis des années contre le coût des contacts téléphoniques vers de nombreuses administrations (6 centimes la minute pour les allocations familiales ou les impôts, par exemple), le gouvernement d’Édouard Phillipe a créé la surprise en soutenant, mardi 16 janvier, un amendement visant à mettre fin à ces pratiques (voir notre compte rendu).
En commission, dans le cadre du projet de loi « Darmanin » sur le droit à l’erreur, la majorité a ainsi souhaité que tous « les services de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics qui en dépendent » mettent dorénavant à la disposition du public « un numéro d’appel non géographique, fixe et non surtaxé ». Celui-ci ne sera donc pas totalement gratuit, mais facturé au prix d’une communication locale – bien souvent incluse dans de nombreux forfaits désormais.
Une réforme immédiate « susciterait des difficultés juridiques et économiques »
À l’approche des débats en séance publique, le gouvernement avait cependant déposé un amendement reportant l’entrée en vigueur de cette réforme au 1er janvier 2021. Motif invoqué : l’application immédiate de ces dispositions « susciterait des difficultés juridiques et économiques », en raison de différents contrats en cours entre l’administration et des centres d’appel. « Il est donc nécessaire de donner du temps aux services de l’État et à ses établissements publics pour mettre en œuvre cette exigence », clamait l’exécutif.
« On peut se dire que 2021, c'est tard » a admis, hier dans l’hémicycle, le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin. « Simplement, il serait un peu contre-intuitif et très dépensier de casser des contrats pour le plaisir si j'ose dire de voir une date rapide se mettre en place. » Le locataire de Bercy n’a néanmoins pas précisé le nombre de contrats en cours ni la moindre estimation des pénalités que pourrait avoir à payer l’État s’il devait modifier ceux-ci du jour au lendemain.
La députée Jeanine Dubié a alors pris la parole pour dénoncer un « retour en arrière », sous les applaudissements. « Il n'est pas normal que nos concitoyens doivent payer pour avoir accès à de l'information de service public » a-t-elle lancé.
« Je veux bien qu'on dise qu'on ne surtaxe plus le contribuable, mais la vérité, c'est qu'il faudra bien que quelqu'un paie [ces services] » a rétorqué Gérald Darmanin. « Tout ce qui est gratuit a quand même un coût ! » a-t-il poursuivi.
Une réforme de « quelques millions d’euros »
La fin de la surtaxe devrait d’ailleurs générer selon lui « quelques millions d'euros de recettes en moins (ou de dépenses en plus) pour l'État ». « Et à la fin, c'est bien le contribuable qui paie » s’est-il justifié, dans la mesure où la « gratuité » des appels conduira à faire peser leur coût sur d’autres recettes publiques.
Pour « éviter de casser des contrats, avec des clauses qui feraient payer plus cher le contribuable », le ministre a malgré tout accepté de s’en remettre à un amendement de compromis défendu par la députée Laure de La Raudière (UDI-Agir). Plutôt que de prévoir une entrée en vigueur au 1er janvier 2021, l’élue proposait que la mise en œuvre de cette réforme se fasse « au plus tard » à cette date.
Cela devrait « permettre aux administrations ayant des contrats achevés avant cette date de basculer vers le nouveau régime sans attendre », expliquait-elle en appui de sa proposition. De ce dispositif basé sur le volontariat, on déduit cependant que rien n’empêchera certains services de maintenir leur surtaxe jusqu’en 2021, contrat ou pas.
« Attention cependant aux appels réitérés d'un certain nombre de contribuables. Ils sont sans doute très minoritaires, mais on en connait quelques-uns » a enfin prévenu Gérald Darmanin, avant de retirer l’amendement du gouvernement au profit de celui de Laure de La Raudière, qui a donc été adopté.
En commission, les députés de la majorité avaient de leur côté fait valoir que cette réforme permettrait d'améliorer les relations entre usagers et administrations, et in fine le coût des services téléphoniques. « L’attente au bout d’une ligne téléphonique génère d’autant plus de stress et de conflictualité qu’elle a coût financier » soulignait à cet égard Laurent Saint-Martin.

L’exécutif a au passage fait voter un amendement excluant les collectivités territoriales (villes, départements, régions...) de cette réforme – et ce en raison « des conséquences encore incertaines que ce dispositif pourrait avoir sur leur situation financière ».
L’amendement des députés Nouvelle Gauche, qui souhaitaient préciser que les services de renseignements administratifs de type 39 39 et 34 00 étaient concernés par la fin de la surtaxe, a quant à lui été rejeté. Le rapporteur Stanislas Guérini a fait valoir que les dispositions votées par l’Assemblée couvraient ce cas de figure.
Les discussions sur le projet de loi « Darmanin » doivent se poursuivre toute la semaine, avant un vote solennel mardi prochain. Le texte sera alors transmis au Sénat, dans le cadre d’une procédure accélérée (avec donc une seule lecture, en principe, par assemblée).