Le groupe Lactalis a ouvert hier un compte Twitter où des réponses ont été apportées à l’enquête de Cash Investigation. Dans son sillage sur le réseau social, de drôles de compte « têtes d’œufs » peuvent être remarqués, tous au chevet du groupe empêtré dans l’affaire du lait contaminé.
Il est toujours délicat de détecter l’existence d’un cas d’astroturfing, cette « technique de propagande pour les campagnes de relation publique formelles en politique et publicité qui cherchent à créer l'impression d'un comportement spontané ou d'une opinion populaire qui ne l'est pas », dixit Wikipédia.
Par contre, il est simple de constater l’existence de curieux comportements dans le bruissement du réseau social. C’est ce que quiconque pourra vérifier en scrutant les « j’aime » et retweets les messages du compte @Groupe_Lactalis, mis en ligne hier par la société, histoire d’apporter une réponse à l’enquête de Cash Investigation diffusée le soir même sur France 2.
On note en particulier l’arrivée de plusieurs nouveaux inscrits. De vrais fanatiques qui ont soit « aimé » bouche en cœur soit retweeté et écrémé les propos du géant du lait. Des comptes « têtes d’œuf », en référence à l’image attribuée par défaut par Twitter aux nouveaux venus, ceux qui n’ont pas encore personnalisé leur profil.
Vissés sur les mamelles de Lactalis
Le compte @GuillaumeLH1 s’est enregistré en janvier 2018. Pas un seul retweet. Mais un « j’aime », lorsque le groupe s’enchante d’employer « aujourd’hui 15 000 personnes en France, réparties sur 70 sites de production, en zone rurale ou de montagne. Nous sommes fermement attachés à cet ancrage territorial »
@Vbjoalia35 est dans la même situation. Inscrit hier, pas le moindre tweet ou retweet, mais cinq « j’aime » dont celui où Olivier Richefou, président du Département de la Mayenne, siège de l’entreprise, juge insupportable le #lactalisbashing. Selon lui, il faudrait au contraire encourager « nos entreprises françaises qui sont des leaders sur le marché mondial »
Le compte @roupette43 a le même profil génétique : inscrit en janvier 2018, un seul sujet de prédilection lorsqu'il like les tweets pro Lactalis. Dans un océan de lassitude laitière, le nouvel arrivant @CS39670877 n'a rien posté, mais son seul « j’aime » est réservé au premier tweet de @Groupe_Lactalis.
Le riant compte @joubert67874943 « n’a pas tweeté », nous apprend sèchement le réseau social, mais il a adoré 23 tweets : 22 du groupe et celui rédigé par l'inévitable Olivier Richefou.
Et @loli52142342 ? Derrière ce joli nom, miracle, un nouveau venu sur Twitter ! Et un retweet, celui où le groupe déclare que « nos comptes sont totalement connus des pouvoirs publics, en toute transparence. Le Groupe paie ses impôts en France ».
Le compte @rv53 s’est inscrit un peu plus tôt, très exactement en octobre 2017, un mois néanmoins après la révélation du scandale. La totalité de ses retweets a 15 h d'âge. Ils appuient tous l’activité sociale du @groupe_lactalis, dont évidemment le fameux message d’Olivier Richefou. Même photographie pour ses « like », tous vissés sur les mamelles de Lactalis...
Justine Bertrand (@JustineBertra11) nous permet de revenir à un profil plus classique : inscrit en janvier 2018, une tête d’œuf toujours et une activité sur le réseau magnétisée par la splendeur du Dieu Lactalis, comme en témoignent ses « j’aime ».
Lorsque le groupe assure dans un tweet que ses « premières pensées vont aux bébés et aux familles concernées », remarquons le retweet de @florent66785774. Au hasard, un nouveau venu, une tête d’œuf, et une rediffusion massive des messages du laitier (reweet, like)...
Des Schtroumpfs à Lactalis
D’autres cas sont plus curieux. @Zatti36406333 s’est enregistré en décembre 2017. 17 tweets. Un sur le Pancake Day, un autre sur le sujet de la phénylcétonurie. Mais 15 autres en l’honneur du groupe laitier. Même remarque pour @patriciaa168 : inscrite en juillet 2017, elle n’a rien tweeté, certes mais a aimé les 23 tweets du groupe. Une groupie !
@Alfrednisama (ou « alice deejay ») a été inscrit « en novembre 2012 ». Rien n’a été publié en 2012. En 2013, une pluie de tweets en l’honneur d’une app sur les Schtroumpfs s’abat sur les écrans jusqu’au 16 août 2013. Silence total depuis lors, brisé hier avec cinq tweets, tous à la gloire de Lactalis, notamment celui qui relègue le travail de Cash Investigation à du « journalisme poubelle ».
Des comptes très pro…Lactalis
Dans nos filets, remontons le cas @etiennetarot. Inscrit « en janvier 2018 », il n’a consacré ses clics qu’aux tweets provenant du tout récent @Groupe_Lactalis. C’est sans doute un hasard : le monsieur a un homonyme, un certain « Tarot Etienne » à la ville, responsable support chez « Lactalis Informatique ». C’est en tout cas ce que nous apprend une recherche sur un moteur, puisque cette mention est introuvable dans le profil Twitter de @etiennetarot.
Dans la même lignée, le compte @xtitix35 (aka Thierry Paillette) s’est inscrit en décembre 2013. Mais à son compteur, il n’enregistre que trois tweets, tous publiés hier et… pro-lactalis. Curieusement, la requête « Thierry Paillette Lactalis » sur Google nous permet de tomber maintenant sur la fiche LinkedIn du « responsable domaine bureautique et groupware chez Lactalis Informatique ».
Et @BeloeilLudovic ? Inscrit hier, 18 « j’aime » pro-Lactalis. Coïncidence troublante : un certain Ludovic Beloeil est « responsable Pôles Projets Plateforme et Infrastructure » (lien LinkedIn).
Le compte @AuChauvin est aussi ancien. Il date de janvier 2013. Pas de tweet, mais 6 « j’aime », déléstés hier. Devinez-quoi ? LinkedIn nous révèle l’existence d’une autre homonyme, au poste de « Responsable Ressources Humaines Division ».
Quant à ce Laurent Coutant, son compte @COUTANTTravel date de novembre 2013. Mais ses retweets suivent tous la même voie vers la bergerie Lactalis. Une recherche sur le réseau pro nous informe qu’un « Laurent Coutant » est embauché par Lactalis en tant que « responsable du marketing nutritionnel ». Plus de beurre que de mal ?