Au CES, Oledcomm présente sa lampe MyLiFi exploitant la technologie LiFi, le pendant du Wi-Fi avec de la lumière. Sur le salon, nous avons discuté avec Benjamin Azoulay, son PDG, concernant le lancement de ce produit orienté grand public et... proposé à partir de 699 euros. Si la technologie est intéressante, le discours est parfois surprenant.
Depuis plusieurs années, la société Oledcomm travaille sur la technologie LiFi (alias la norme 802.15.7 de l'IEEE). Pour rappel, en juin de l'année dernière, nous nous étions entretenus avec Suat Topsu, son co-inventeur en 2005, fondateur d'Oledcomm et professeur d'Université à Paris-Saclay. Il nous avait alors présenté en détail cette technologie, qui ne visait alors pas à remplacer le Wi-Fi, mais à le compléter.
Lors du CES, nous avons pu discuter avec Benjamin Azoulay, arrivé chez Oledcomm en novembre 2016 et actuel PDG de la société. Cet ancien numéro 1 de Philips Lighting France a également été président du syndicat de l'éclairage. En six mois, le discours n'est plus vraiment le même : la lampe MyLiFi lancée au CES vise la famille.
Entre « dôme numérique » pour regrouper la famille et une « digital detox »
Ce surprenant positionnement est le résultat d'une enquête commandée par Oledcomm et réalisée dans des foyers. Il en ressort que le LiFi n'intéresserait pas spécialement les geeks et les joueurs, mais plutôt les parents souhaitant limiter l'accès à Internet de leurs enfants. Avec le LiFi, s'ils ne sont pas sous le cône de diffusion de la lampe, ils n'ont pas de réseau et donc pas d'Internet, alors que le Wi-Fi se diffuse plus largement dans la maison.
Le fabricant nous évoque également le concept de « digital detox » avec la possibilité de définir des règles concernant l'utilisation et la disponibilité du LiFi via une application mobile... que l'on retrouve dans la quasi-totalité des routeurs Wi-Fi du marché. Un argument étrange, mais qui ne sera pas le pire de notre rencontre.
« Le LiFi n'émet pas d'ondes »... mais en fait si
Benjamin Azoulay nous explique que « le LiFi n'émet pas d'ondes ». Face à cet argument, nous lui rappelons que la lumière est aussi une onde. Il se reprend alors en indiquant que nous avons évidemment raison avant de préciser que « le LiFi n'émet pas d'ondes radio ». Qui ne tente rien...
Oledcomm communique d'ailleurs largement sur ce point afin de tenter de se démarquer du Wi-Fi et espère certainement attirer ceux qui tentent de limiter au maximum leur exposition aux ondes, qui ont parfois mauvaise presse et perturberaient certains. Un discours marketing difficile à accepter puisqu'il ne repose sur rien de concret et se contente de jouer avec les peurs de personnes parfois en détresse sur ces questions.
13 Mb/s en téléchargement, jusqu'à 50 Mb/s avec une mise à jour logicielle
Quoi qu'il en soit, le prototype présenté au CES est composé d'une lampe dessinée par le designer Pierre Garner et d'un dongle USB. Il ne faudra pas en attendre des débits bien élevés pour le moment puisque le fabricant n'annonce que 13 Mb/s (1,6 Mo/s) en download et 10 Mb/s (1,25 Mo/s) en upload. Il nous précise néanmoins qu'une mise à jour logicielle permettra de grimper jusqu'à 50 Mb/s (6,25 Mo/s) dans les deux sens d'ici la fin de l'année.
Il n'y a par contre aucun chiffrement des données pour le moment, mais cela pourrait être implémenté si le besoin s'en fait sentir (d'autres produits LiFi d'Oledcomm le proposent). La société estime que pour une diffusion dans la maison sur une zone limitée, ce n'est pas une priorité. Contrairement au Wi-Fi, les ondes ne passent pas à travers les murs et ont une portée très limitée : un pirate dans la rue ne pourra par exemple pas récupérer le flux de données.
Pour fonctionner, la lampe et le dongle intègrent deux diodes : une pour l'émission, l'autre pour la réception. La longueur d'onde utilisée par le LiFi est de 900 nm, ce qui correspond à de l'infrarouge proche, en dehors du spectre visible. Interrogé sur la possibilité de ne passer que par une seule diode réalisant les deux opérations, Benjamin Azoulay nous précise que c'est en cours de développement, mais que cela n'arrivera certainement pas avant quelques années.
USB 2.0 Type-A ou Type-C et Power over Ethernet
Le dongle présenté au CES exploite une interface USB 2.0 avec un connecteur Type-A, mais il va être légèrement modifié avant le début de la production de MyLiFi. La version commerciale proposera ainsi un adaptateur permettant de brancher le dongle en USB Type-A ou Type-C.
De son côté, la lampe exploite du Power over Ethernet pour fonctionner. Elle est livrée avec un adaptateur secteur comprenant une prise d'alimentation et un port réseau Ethernet en entrée, ainsi qu'un unique port Ethernet en sortie.
La partie lampe à LED classique peut être allumée ou éteinte indépendamment de la technologie LiFi. Le fabricant annonce une luminosité maximum de 800 lumens (4 000 K) avec une plage de température allant de 2 200 à 6 500 K.
699 euros pour MyLiFi via la campagne Indiegogo, 899 euros ensuite
Oledcomm profite du CES pour lancer une campagne de financement participatif sur Kickstarter et Indiegogo. Surpris, nous demandons pourquoi les deux plateformes en simultanés. Benjamin Azoulay nous explique qu'il était d'abord sur Kickstarter, mais qu'il n'arrivait pas à valider une commande, avec quatre cartes bancaires différentes. Il a donc demandé au service marketing de lancer une campagne Indiegogo en parallèle.
Aujourd'hui, seule cette seconde est active, la première ayant été « annulé par son créateur » juste avant le CES. La campagne de financement dure deux mois et la société espère récolter 50 000 dollars. Notez qu'il s'agit d'un « objectif flexible », Oledcomm recevra donc les fonds même s'il n'est pas atteint. Pour le moment, seuls sept contributeurs ont déboursé 5 266 dollars. La livraison est annoncée pour juillet 2018.
Avec un tel tarif (peu importe les performances de la lampe en éclairage), l'entreprise risque d'avoir beaucoup de mal à convaincre et à toucher sa cible : la famille. En plus d'être chère, elle n'est pas franchement des plus rapides, nécessite un adaptateur pour fonctionner et ne peut donc connecter qu'une seule machine à la fois. De son côté, le Wi-Fi est moins cher, plus rapide et largement présent sur les terminaux mobiles.
Une ampoule LiFi en préparation, le marché des professionnels toujours dans le viseur
MyLiFi est le premier projet pour la maison de la société, et nous lui avons demandé si elle comptait aller plus loin et proposer une ampoule que l'on pourrait installer dans une maison en remplacement d'une autre.
Le fabricant nous précise qu'il travaille effectivement sur une solution du genre, mais qu'il faudra certainement attendre 2 ou 3 ans pour que le produit arrive. L'ampoule utilisera alors du CPL pour récupérer une connexion Internet, qu'elle diffusera ensuite sans fil aux récepteurs LiFi.
Oledcomm continue évidemment de s'adresser aux professionnels avec qui il a déjà signé des partenariats, notamment avec des hôpitaux et des supermarchés pour de la géolocalisation. La société vise également le monde du bâtiment et tente de pousser sa solution afin qu'elle soit intégrée dès la construction d'un immeuble par exemple.
De la LiFi Alliance à la 5G-PPP, Oledcomm sur tous les fronts
Afin de se donner de la visibilité, de fédérer différents acteurs et d'assurer une interopérabilité entre les produits, Oledcomm a mis sur pied la LiFi Alliance (sur le même principe de la Wi-Fi Alliance). Au cours des derniers mois, Orange l'a rejoint, ce qui n'est pas spécialement une surprise puisque l'opérateur était en discussion avec Oledcomm en juin dernier.
Membre de la 5G-PPP (un partenariat public-privé créé à l’initiative de la Commission européenne), Oledcomm milite pour intégrer le LiFi à la 5G, mais rien ne semble avoir changé sur ce point depuis notre entretien avec Suat Topsu en juin.