Spotify se retrouve à nouveau sous le feu des projecteurs, pour des raisons dont l'entreprise se serait bien passée. Le géant suédois du streaming musical est accusé par Wixen Music Publishing de diffuser les œuvres des artistes qu'elle représente sans avoir obtenu d'autorisation préalable.
L'année 2018 commence sur les chapeaux de roues pour Spotify. Alors que le groupe suédois travaille d'arrache-pied pour préparer une introduction en bourse, potentiellement dès le premier trimestre, comme le rapporte Bloomberg, un caillou est venu se glisser dans sa chaussure.
Ce caillou, s'appelle Wixen Music Publishing, et ne pèse pas loin de 1,6 milliard de dollars, soit la somme que la société de production réclame à la plateforme de streaming, en compensation de violation « intentionnelles et répétées » de ses droits d'auteur.
Wixen et ses artistes sous contrat avaient déjà été représentés dans une action collective concernant plus de sept millions de titres pour ces mêmes faits. Mais la compensation qui a été proposée amiablement, environ 43 millions de dollars, soit 3,82 dollars par œuvre diffusée frauduleusement, ne lui convient pas. S'en suit donc une nouvelle procédure, avec de nouvelles requêtes.
Auteurs et compositeurs veulent leur juste rémunération
Wixen Music Publishing (WMP) édite des artistes tels que Tom Petty, Missy Eliot, ou encore Neil Young et Santana, excusez du peu. Selon l'entreprise, Spotify dispose bel et bien de droits pour diffuser les enregistrements de ces artistes, seulement, elle ne détiendrait aucun droit lui permettant de diffuser leurs compositions.
Ce sont ainsi très exactement 10 784 chansons qui seraient diffusées illégalement par Spotify. À raison de 150 000 dollars pour chacune d'elle, soit le dédommagement maximal autorisé par la loi californienne, WMP serait éligible à une compensation de 1,6 milliard de dollars, hors frais d'avocat.
Un montant que l'entreprise justifie par le fait que « Spotify a construit un entreprise milliardaire sur le dos des auteurs et des éditeurs de la musique que Spotify utilise, dans de nombreux cas sans obtenir ni payer les licences nécessaires ». Des auteurs qui par conséquent n'auraient pas touché la juste rémunération pour leur travail.
Pour une licence de plus
Dans le détail, Spotify a conclu des accords en 2011 avec les principaux labels musicaux aux États-Unis afin de lancer son service. Ces contrats accordent une licence pour l'utilisation d'enregistrements des morceaux. Seulement, selon le Copyright Act américain, pour chaque chanson, il y a deux licences distinctes, l'une pour l'utilisation des enregistrements, et l'autre pour la « composition musicale », c'est à dire les paroles et la mélodie (ainsi que les arrangements).
La première rémunère le propriétaire des enregistrements musicaux, en général le label avec lequel les artistes travaillent. La seconde doit quant à elle gratifier les propriétaires de la composition, souvent il s'agit des auteurs, des compositeurs, et leurs éditeurs.
Une situation connue de l'entreprise suédoise, qui avait justement déclaré devant l'United States Copyright Office en 2014, que de multiples licences lui sont nécessaires pour assurer le fonctionnement de son service, notamment une pour la composition musicale.
Un problème de prestataire et une question de timing
Selon WMP, si Spotify n'a pas acquis toutes les licences nécessaires à son activité, c'est au moins partiellement à cause d'un de ses prestataires, Harry Fox Agency. Cette société devait s'occuper des négociations avec les ayants droits « mais n'était pas assez bien équipé pour obtenir toutes les licences requises », estime WMP, qui ajoute que le géant suédois était parfaitement au fait de la situation et « savait qu'il lui manquait ces licences ».
Dans un article publié dans le Wall Street Journal en octobre 2015, un analyste estimait que pour 21 % des œuvres diffusées sur la plateforme, aucune compensation n'était versée aux auteurs pour la composition musicale. Souvent parce que les ayants-droits n'avaient pu être retrouvés. Sur un catalogue comptant plus de 30 millions de titres, cela représente plus de six millions de chansons. Si d'autres auteurs devaient eux aussi se manifester, la facture pourrait en théorie devenir très lourde.
Fort heureusement pour Spotify, cela ne devrait pas être le cas, tout du moins pas aux États-Unis. La question de ces droits étant complexe, le Music Modernization Act américain prévoit à partir du 1er janvier 2018 une amnistie sur ces royalties, sauf si une procédure juridique est en cours avant cette date. Coïncidence, la plainte de WMP est datée du 29 décembre 2017.