Afin de lutter contre les « fake news » qui se propagent notamment via les réseaux sociaux, Emmanuel Macron a annoncé hier qu’un projet de loi serait « prochainement déposé » afin de « protéger la vie démocratique » en période électorale. Le chef de l’État a également promis un renforcement, courant 2018, des pouvoirs du CSA.
« Il n’a jamais été aussi facile de se prétendre journaliste » a regretté le président de la République, mercredi 3 janvier, à l’occasion de ses vœux à la presse.
« Des plateformes, des fils Twitter, des sites entiers inventent des rumeurs et des fausses nouvelles qui prennent rang aux côtés des vraies » a poursuivi Emmanuel Macron, pour qui ce phénomène relève d’une « stratégie – une stratégie financée – visant à entretenir le doute, à forger des vérités alternatives, à laisser penser que ce que disent les politiques et les médias est toujours plus ou moins mensonger ».
Pointant du doigt les « puissances qui s’amusent en quelque sorte des faiblesses de la démocratie », le chef de l’État a promis que de nouvelles mesures seraient prises « dans l’année qui s’ouvre ».
Nouvelles règles pour les périodes électorales
Le locataire de l’Élysée a annoncé qu’un « texte de loi » serait « prochainement déposé » afin de modifier les règles applicables « en période électorale ».
Premièrement, les « plateformes » se verront « imposer des obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisés afin de rendre publique l’identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent, mais aussi de limiter les montants consacrés à ces contenus ». Suite à l’enquête du Congrès américain sur l’ingérence russe dans l’élection de Donald Trump, Facebook et Twitter ont néanmoins pris les devants ces derniers mois en promettant davantage de transparence sur leurs publicités, notamment politiques.
Deuxièmement, « en cas de propagation d’une fausse nouvelle », il deviendra possible selon Emmanuel Macron de « saisir le juge à travers une nouvelle action en référé permettant le cas échéant de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l’accès au site Internet ».
Pour mémoire, l’article 27 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse sanctionne d’ores et déjà d’une amende de 45 000 euros « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses (...) lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ». On pourrait également citer l’article L97 du Code électoral, selon lequel « ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros ».
Certains responsables politiques jugent toutefois la législation inadaptée au Web 2.0, ce qui a par exemple conduit la sénatrice Nathalie Goulet à déposer il y a quelques mois une proposition de loi complétant les dispositions actuelles en matière de fake news (voir notre article).
La réforme envisagée par le président n’est en tout cas pas au goût de La Quadrature du Net, qui la juge « irréalisable, complètement excessive », sinon « sujet à un nombre d'abus infinis ». Arthur Messaud, juriste de l’association de défense des libertés, a ainsi déclaré à FranceInfo, qu'il était à ses yeux « tout à fait nouveau de voir qu'un juge doit distinguer le vrai du faux et qu'il pourra censurer sur cette seule base ».
Extension des pouvoirs du CSA
Dans le prolongement de ses précédentes annonces sur les sites pornographiques, Emmanuel Macron a promis que les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel seraient « profondément repensés durant l’année 2018 ». L’objectif affiché : « lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des États étrangers », l’ombre de la Russie planant encore au dessus des déclarations présidentielles.
« Cela permettra au « CSA repensé » notamment de refuser de conclure des conventions avec de tels services en prenant en compte tous les contenus édités par ces services, y compris sur Internet. Cela lui permettra aussi, en cas d’agissement de nature à influencer l’issue du scrutin, que cela soit en période pré-électorale ou électorale, de suspendre ou annuler la convention. »
Des propos plutôt surprenants dans la mesure où la convention nouée par exemple par RT France stipule que la chaîne doit se plier elle aussi aux délibérations du régulateur en matière de « pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale ».
« Si nous voulons protéger les démocraties libérales, nous devons savoir être forts et avoir des règles claires » a conclu le chef de l’État. Avant de préciser que le « contenu » de ce texte de loi serait « détaillé dans les semaines qui viennent » et soumis à consultation, notamment de la presse.