En application des lois pour la confiance dans la vie politique, l’exécutif propose désormais un registre numérique de « prévention des conflits d’intérêts » s’appliquant aux membres du gouvernement. Pour l’instant, seules des informations (déjà publiques) relatives aux ministres Nicolas Hulot et Agnès Buzyn y figurent.
Afin d’éviter que les décideurs publics soient à la fois juge et partie, le législateur a souhaité cet été instaurer différents registres dits de déport. À partir du moment où un responsable politique (député, sénateur, ministre, secrétaire d’État...) estime ne pas devoir exercer ses attributions en raison d'un conflit d'intérêts, il peut refuser de participer à certaines prises de décision.
La véritable nouveauté réside dans la publicité entourant cette mise en retrait volontaire – qui était déjà possible pour les ministres par exemple. Les déports des parlementaires et membres du gouvernement ont dorénavant vocation à être consignés dans des registres mis en ligne « dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé », conformément aux principes de l’Open Data.
Si les assemblées définiront les contours de leurs registres respectifs, le gouvernement a quant à lui posé les pierres de son dispositif de « prévention des conflits d’intérêts » au travers d’un décret paru samedi 30 décembre au Journal officiel.
Un dispositif pourtant critiqué par le gouvernement lors des débats parlementaires
À compter du 1er janvier 2018, l’exécutif est tenu de diffuser sur le portail « gouvernement.fr » un registre recensant :
- Les « cas » dans lesquels un membre du gouvernement a estimé « ne pas pouvoir participer à une délibération en conseil des ministres en raison d'une situation de conflit d'intérêts relative à la question débattue ».
- Les décrets déterminant les transferts de compétences (au profit soit du Premier ministre, soit de ministres de tutelle) pour les membres du gouvernement ayant averti Matignon d’une situation de conflit d’intérêts sur certaines questions.
- Les délégations de pouvoirs du Premier ministre envers le numéro deux du gouvernement, toujours en lien avec un conflit d'intérêts.
Au regard de la loi, constitue un conflit d'intérêts « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ».

À ce jour, le registre ne contient que des mentions relatives à deux ministres. Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique, s’abstient depuis cet été de toute décision relative au « développement, à la fabrication et à la commercialisation de produits cosmétiques » – vraisemblablement à cause des produits dérivés de son émission Ushaïa. L’ancien présentateur est également en retrait des actes qui pourraient concerner sa fondation « pour la nature et l’homme ».
Quant à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, elle « ne connaît pas des actes de toute nature relatifs à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale » (Inserm). Et pour cause : l’institution est présidée par son mari.
Aucun cas de déport relatif à une délibération en Conseil des ministres n'est pour l'instant recensée. C'est pourtant cette catégorie d'information qui devrait être tout particulièrement surveillée par les ONG luttant contre la courruption, dans la mesure où les exclusions générales, à l'image de celles de Nicolas Hulot et Agnès Buzyn, étaient d'ores et déjà rendues publiques via des décrets.
Des informations qui ont vocation à être versées dans les archives
Le décret du gouvernement prévoit quoi qu'il en soit que toutes les mentions inscrites dans ce registre numérique resteront accessibles sur le site « gouvernement.fr » jusqu'à leur versement au service des archives. Et ce quand bien même les ministres auraient démissionné. À titre de comparaison, les déclarations d’intérêts et de patrimoine des membres du gouvernement disparaissent du site de la Haute Autorité pour la transparence (HATVP) peu après que les intéressés aient quitté leurs fonctions.
Les informations contenues dans le fameux registre sont d’autre part disponibles sur le portail national d’Open Data « data.gouv.fr », sous forme de fichiers XML et XSLX (voir ici).
Si les associations telles que Transparency International voient d’un bon œil l’instauration de ces registres de déport, rappelons que le gouvernement s’était vivement opposé à ce qu’un tel dispositif soit prévu pour les membres de l’exécutif. Les députés de la majorité avaient d’ailleurs suivi la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui réclamait sa suppression au nom de la séparation des pouvoirs et du secret des délibérations du Conseil des ministres – avant que les sénateurs ne réussissent finalement à imposer cette réforme en commission mixte paritaire.