Face à la fronde et aux procès, Apple a décidé de réagir dans le cadre du #BatteryGate. Pendant 1 an, remplacer la batterie d'un iPhone 6 ou supérieur ne coûtera plus que 29 dollars et une mise à jour logicielle arrive. Des décisions qui ne cachent pas la mauvaise gestion de cette « affaire ».
Il y a quelques jours, on apprenait à travers une série de tests effectués par Geekbench que plusieurs modèles d'iPhone étaient concernés par une mesure assez drastique : une limitation de la fréquence de fonctionnement de leur SoC, qui doit accompagner la dégradation de la batterie lithium-ion selon Apple.
#BatteryGate : avant tout un problème de méthode
Une fonctionnalité mise en place avec iOS 11.2 dans le cas de l'iPhone 7, et qui va progressivement s'étendre à d'autres modèles comme l'a confirmé la marque. Problème : cela a toujours été fait sans aucune explication officielle, et surtout, sans possibilité de savoir simplement si un appareil est concerné.
iOS ne délivre en effet aucune information sur le niveau de dégradation de la batterie, la fréquence maximale pouvant être exploitée par le SoC et permet encore moins de désactiver ce qui est présenté comme une protection de l'appareil, et donc des intérêts de l'utilisateur.
De nombreuses voix se sont donc élevées pour critiquer le choix d'Apple et surtout sa méthode. Tant aux États-Unis qu'en France, des plaintes ont été déposées (voir notre interview) pour ce qui est désormais connu sous le nom de #BatteryGate. La société, accusée de programmer l'obsolescence de ses appareils ne pouvait pas rester sans réagir. Elle a donc publié une lettre hier soir.
Des excuses, pour commencer
« Nous savons que certains d'entre vous ont ressenti qu'Apple les avait laissé tomber. Nous nous en excusons. » commence par préciser le message qui évoque un « malentendu » qui doit être clarifié. La marque à la pomme se défend ainsi d'avoir cherché à réduire intentionnellement la durée de vie de ses produits, ou à dégrader l'expérience utilisateur.
De fait, avec la baisse de la fréquence du SoC, l'utilisateur peut penser que son appareil n'est plus aussi performant et nécessite une mise à jour. Surtout si cela fait suite à l'arrivée d'une nouvelle version d'iOS. Certains y voient la volonté d'Apple de pousser vers le renouvellement, surtout en l'absence d'information du consommateur que ce ralentissement est causé principalement par une mesure prise suite à la dégradation de la batterie.
« Notre objectif a toujours été de créer des produits que nos clients apprécient, et faire des iPhones aussi durables que possible est un élément essentiel de cette stratégie » se défend la marque.
Quelques détails pour tenter de se justifier
Elle revient d'ailleurs sur un élément essentiel dans cette affaire : le fait que toutes les batteries se dégradent avec le temps, un point que les constructeurs doivent prendre en compte. Une manière subtile de poser la question des mesures prises par ses concurrents en la matière.
De son côté, Apple a mis en ligne une nouvelle page de support, existant en français, où ce point est détaillé de manière un peu plus précise afin de renforcer son argumentaire :
« Toutes les batteries rechargeables sont des composants consommables dont l’efficacité s’amenuise lorsque leur âge chimique augmente. Le vieillissement chimique des batteries lithium-ion entraîne une diminution de leur capacité à tenir la charge. Ceci peut se traduire par une réduction du temps écoulé avant qu’il soit nécessaire de recharger un appareil. De plus, la capacité d’une batterie à fournir rapidement de l’énergie peut diminuer. Pour qu’un téléphone fonctionne correctement, les composants électroniques doivent pouvoir obtenir instantanément de l’énergie de la batterie.
[...] Ce sont des caractéristiques de la chimie des batteries qui sont communes à toutes les batteries lithium-ion dans l’industrie. [...] Lorsque le fonctionnement ne peut plus être assuré avec toutes les capacités du système de gestion de l’alimentation, le système procède à un arrêt pour préserver ces composants électroniques. Bien que cet arrêt soit intentionnel du point de vue de l’appareil, il peut être inattendu pour l’utilisateur. »
L'historique de la mise en place des restrictions au niveau du SoC sont également détaillées :
« Avec un faible niveau de charge, un âge chimique élevé ou de basses températures, la probabilité d’arrêts inattendus augmente. Dans les cas extrêmes, des arrêts peuvent se produire plus fréquemment, rendant l’appareil imprévisible ou inutilisable.
iOS 10.2.1 (sorti en janvier 2017) comprend des mises à jour pour les modèles antérieurs d’iPhone, afin de les empêcher de s’éteindre de façon inattendue. Cela comprend une fonction pour l’iPhone 6, l’iPhone 6 Plus, l’iPhone 6s, l’iPhone 6s Plus et l’iPhone SE, qui gère de façon dynamique les pics de performances instantanés, uniquement lorsque cela est nécessaire, pour empêcher l’appareil de s’éteindre de façon inattendue.
Cette capacité a également été étendue à l’iPhone 7 et à l’iPhone 7 Plus avec iOS 11.2, et nous continuerons à l’avenir à améliorer notre fonction de gestion de l’alimentation. Le seul objectif de cette fonction est de prévenir les arrêts inattendus afin qu’il soit toujours possible d’utiliser l’iPhone. »
Nous n'aurons par contre pas plus d'information sur la gestion exacte des fréquences selon les différents cas. Tout juste Apple précise qu'il y a plusieurs niveaux d'intervention plus ou moins extrêmes qui peuvent ne pas être remarqués par l'utilisateur ou impacter réellement son expérience :
« Cette gestion de l’alimentation fonctionne en examinant conjointement la température de l’appareil, le niveau de charge de la batterie et l’impédance de la batterie. Uniquement si ces variables l’exigent, iOS gérera de façon dynamique les performances maximales de certains composants du système, tels que le processeur (CPU) et le processeur graphique (GPU) afin de prévenir des arrêts inattendus.
Par suite, les charges de travail de l’appareil s’auto-équilibreront, permettant une distribution plus uniforme des tâches du système au lieu de pics de performances élevés et pointus survenant d’un coup. Dans certains cas, l’utilisateur pourra ne remarquer aucune différence au niveau des performances quotidiennes de l’appareil. Le niveau de changement perçu dépend du degré de gestion de l’alimentation qui est requis pour un appareil particulier. »
Certains éléments ne seront jamais affectés par ce processus comme la qualité des appels mobiles et les performances de débit de réseau, la qualité des photos et vidéos capturées, les performances du GPS, la précision de la localisation, les capteurs tels que le gyroscope, l’accéléromètre, le baromètre et Apple Pay.
D'autres points peuvent être directement touchés :
- Lancements d’applications plus lents
- Fréquences d’images plus faibles lors d’un défilement
- Atténuation du rétroéclairage (qui peut être rejetée dans le centre de contrôle)
- Volume du haut-parleur réduit jusqu’à -3 dB
- Réduction progressive de la fréquence d’images dans certaines apps
La société précise également que « dans les cas les plus extrêmes, le flash de l’appareil photo sera désactivé, et cela sera indiqué dans l’interface utilisateur de l’appareil photo. De plus, les apps qui s’actualisent en arrière-plan pourront nécessiter un rechargement au moment de leur lancement ». Un remplacement par une nouvelle batterie permet un retour à la normale.
Pour tenter de se rassurer dans son rôle et ces choix dans cette affaire, Apple indique que suite à la mise en place des limitations dans iOS 10.2.1 pour limiter l'extinction des appareils, les retours des utilisateurs ont été globalement positifs. Peut-être que s'ils avaient été clairement informés de la méthode mise en place, et que les détails que nous venons d'évoquer leur avait été donnés, il en aurait été tout autrement.
Des actions pour contenir la colère des clients
Car c'est bien de cela dont il est questions désormais : face à la fronde et aux menaces de procès, il faut agir. Ainsi, outre la communication, différentes décisions ont été prises.
La première est de baisser le tarif du remplacement de la batterie. En effet, si ces dernières ne sont pas amovibles, Apple propose depuis longtemps un tel service pour les appareils hors garantie à 79 dollars ou 89 euros en France. Ce que ne font en général pas les autres marques, qui n'ont pas de boutiques. Elles se reposent alors sur des prestataires tiers.
Ce service passera chez Apple à 29 dollars, pour les iPhone 6 ou supérieurs à compter de fin janvier (soit le prix d'un câble USB / Lightning de deux mètres). Une offre qui sera maintenue seulement jusqu'à décembre 2018. Il faudra alors voir quelle sera la stratégie d'Apple. Des détails doivent être communiqués plus tard sur le site de la marque, on devrait alors découvrir les tarifs en euros.
Début 2018, une mise à jour d'iOS permettra en outre à l'utilisateur d'avoir une meilleure visibilité concernant le statut de sa batterie, « ce qui leur permettra de voir par eux même si cela affecte les performances ». Ici, il ne semble toujours pas question de pouvoir désactiver la protection mise en place par Apple. Le client saura juste s'il doit ou non faire le choix d'un remplacement de sa batterie.
Un cas typique d'enchaînement de mauvaises décisions
Si les efforts d'Apple sont louables, tant au niveau des détails donnés que du rabais proposé (temporairement) sur le remplacement des batteries des iPhones, cela ne doit pas cacher le fond du problème.
Car publier deux pages sur le site officiel et réduire de 50 dollars le coût d'une opération de maintenance sont peu de choses pour une société de cette envergure. Surtout si cela permet d'éviter une fronde massive des clients et de nombreux procès qui risquaient de s'enchaîner dans les mois à venir.
Les faits sont pourtant là : quelle que soit la légitimité de la décision initiale d'Apple de limiter les performances de certains de ses appareils, cela a été fait sans information claire du consommateur. Aucune mention précise n'a été donnée dans les notes de version, aucune page de son assistance ne venait détailler le phénomène et la réponse mise en place comme c'est aujourd'hui le cas.
Apple a également choisi de limiter les performances de l'appareil en se basant sur des éléments dont l'utilisateur n'a pas connaissance : le niveau d'usure de la batterie, le niveau de charge de l'appareil et la fréquence du SoC. Enfin, cela s'est fait sans laisser la possibilité au client de choisir s'il voulait ou non profiter de cette « protection », ce qui ne semble toujours pas d'actualité.
Si l'on peut féliciter Apple pour sa réponse rapide et presque totalement complète, on ne peut que blâmer une société de cette taille pour avoir géré un point aussi délicat avec un ensemble de décisions qui ne peuvent apparaître que comme mauvaises. Si les actions annoncées aujourd'hui sont de nature à apaiser les choses, il y a fort à parier que cela ne suffise pas à excuser une telle gestion, pour laquelle certains auront sans doute des comptes à rendre dans les prochains mois.