Afin d’éviter l’impression des (volumineuses) liasses d’amendements, chaque député disposera, à partir du mois de janvier, d’une tablette. Cet effort de dématérialisation devra toutefois s’accompagner d’un dépoussiérage de l'application qui permet aux élus de suivre les débats.
« L’Assemblée nationale achète 52 000 ramettes de papier et en récupère [pour le recyclage, ndlr] 300 tonnes par an. » Le député Bruno Millienne a beau souligner que le Palais Bourbon a fait de nombreux efforts ces dernières années, en divisant notamment sa consommation de papier « par deux en huit ans », la situation actuelle demeure à ses yeux largement perfectible.
Le rapporteur du groupe de travail chargé de promouvoir « le développement durable dans la gestion et le fonctionnement de l’Assemblée nationale » ne manque d’ailleurs pas de raconter :
« Le tirage relativement banal de 80 liasses d’amendements en commission sur un texte faisant l’objet de 100 amendements suppose un tirage de 8 000 à 10 000 pages, c’est-à-dire autant de papier et d’énergie électrique qu’il est nécessaire. Le même texte venant en discussion dans l’hémicycle nécessitera un volume de tirage imprimé trois fois supérieur. »
Bruno Millienne a ainsi proposé, mercredi 13 décembre, au titre des réformes de l’Assemblée nationale, de « poursuivre et accompagner le processus de dématérialisation des travaux parlementaires » (notamment en matière d’amendements). L’élu Modem considère que ces économies de papier sont profitables à l’environnement, mais aussi aux finances du Palais Bourbon.
L'Assemblée acquiert des iPad mini 4 et des Galaxy Tab S2
Début octobre, les trois questeurs (les députés Florian Bachelier, Laurianne Rossi et Thierry Solère) ont annoncé qu’une tablette tactile serait intégrée à partir de 2018 dans le pupitre de chacun des 577 élus de l’Assemblée nationale. « L’achat de 577 tablettes devrait coûter environ 200 000 euros et la suppression des liasses d’amendements générer une économie annuelle de près de 40 000 euros, en papier et en impression », affirmait alors Le Monde.
Contactée, l’Assemblée nationale nous indique que les fameuses tablettes « ont été commandées dans le cadre d’un marché subséquent lancé en octobre dernier sur le fondement d’un accord-cadre pluri-attributaires ». Le choix des parlementaires s’est porté sur des iPad mini 4 et des Samsung Galaxy Tab S2 (dont le prix unitaire avoisine les 400 euros dans le commerce).
Ces appareils seront livrés « d’ici fin décembre », puis paramétrés et mis à la disposition des députés « début janvier, quelques jours avant la reprise des travaux parlementaires ». Soit d’ici au 15 janvier.
Des expérimentations menées depuis quelques semaines en commission
Concernant les débats en commission, Bruno Millienne explique que des expérimentations ont été menées ces dernières semaines en commissions des lois, des finances, des affaires sociales et des affaires culturelles. L’objectif : tester « la consultation et la discussion des amendements sur la seule base des documents numérisés ».
#directAN ce matin en commission des Lois, on teste la dématérialisation des amendements. Plus de papier mais un grand écran pic.twitter.com/TrRRPHjb0o
— Samuel Le Goff (@S_LeGoff) 29 novembre 2017
« Aucune difficulté n’est apparue à cette occasion », note le rapport du parlementaire. Néanmoins, poursuit-il, « il reste à traiter la question de l’annotation et du commentaire de ces mêmes amendements sous format numérique ». Et pour cause, de nombreux députés apprécient d’écrire quelques mots sur les amendements, par exemple pour savoir quand ils doivent prendre la parole...
Les outils d’examen des amendements se révèlent inadaptés en l'état
Or il est actuellement impossible de procéder à la moindre annotation avec les outils fournis par le Palais Bourbon. Un problème qui concerne aussi bien les débats dans l’hémicycle qu’en commission. Pour Bruno Millienne, « la suppression complète des formats imprimés » ne pourra donc se faire qu’à condition de « perfectionner les outils informatiques, de façon à proposer aux députés, à leurs collaborateurs et aux services de l’Assemblée, des solutions répondant à leurs besoins dans le déroulé du travail parlementaire ».
L’élu en appelle plus précisément à un enrichissement de l’application ELOI, qui permet aux députés de déposer leurs amendements, et de son dérivé ELIASSE, à partir duquel il est possible de suivre l’examen des textes débattus au Palais Bourbon :
« Il conviendra d’insérer dans l’application ELOI un cadre de saisie des argumentaires ou des interventions des députés. Ce cadre sera à la disposition des députés de façon à associer cet argumentaire à l’amendement dont il est l’auteur ou aux amendements sur lesquels il compte intervenir.
Dans ELIASSE, en consultation, pour les débats en commission ou en séance publique, les argumentaires saisis devront s’afficher en lien avec l’amendement, chaque député devant avoir l’exclusivité de la consultation des argumentaires qu’il a produits et devant, par conséquent, s’identifier à cet effet. »
Bruno Millienne invite d'ailleurs le Bureau de l’Assemblée nationale à engager ces développements informatiques « dans le courant de l’année 2018 ». Il estime qu’un budget de 50 000 euros sera nécessaire à cette fin. D’autres parlementaires pourraient toutefois apporter leur grain de sel, la députée Paula Forteza travaillant depuis plusieurs mois avec ses équipes à une réforme des outils d’examen des amendements (voir notre article).
Rédiger des rapports parlementaires conçus pour le web
Dernière vecteur d’économie de papier : les (nombreux) rapports rédigés par les députés. Bruno Millienne plaide là aussi pour davantage de dématérialisation, tout en précisant que cette transition ne pourra se faire qu’à « la condition de revoir l’ampleur, le contenu [et] la structure » de ces documents qui dépassent bien souvent la centaine de pages...
« Il convient d’en réduire l’ampleur et le contenu pour proposer une information concise, utile pour la décision et facilement accessible. Cela suppose de revoir le contenu des rapports, leur architecture, leur structure, de façon à disposer d’un document d’accès facile, susceptible d’être publié de manière progressive, au fil de l’avancement des travaux parlementaires, en « blocs » indépendants et non plus en un seul « bloc » quasiment au terme de la procédure d’examen des textes. Les rapports doivent désormais être directement conçus pour le web, le cas échéant avec une infographie dynamique, et non plus prioritairement pour l’édition imprimée. »
La réflexion sur cette refonte serait d’ailleurs déjà « engagée » en interne. Elle « se poursuivra », indique le rapport, « pour aboutir en 2018 ».
Bruno Millienne prévient enfin qu’un « bilan chiffré et quantifié des économies réalisées grâce à la numérisation devra être établi, tant en termes d’économies de papier que d’économies d’énergie, de matériels d’impression et de consommables ». L’élu en appelle d’ailleurs à une mise en avant de ces chiffres – en interne comme sur le site de l’Assemblée, afin de promouvoir les efforts réalisés.