Les députés s’apprêtent à recevoir des tablettes, en remplacement des amendements papier

Les députés s’apprêtent à recevoir des tablettes, en remplacement des amendements papier

Remède contre la liasse

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

22/12/2017 7 minutes
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Les députés s’apprêtent à recevoir des tablettes, en remplacement des amendements papier

Afin d’éviter l’impression des (volumineuses) liasses d’amendements, chaque député disposera, à partir du mois de janvier, d’une tablette. Cet effort de dématérialisation devra toutefois s’accompagner d’un dépoussiérage de l'application qui permet aux élus de suivre les débats.

« L’Assemblée nationale achète 52 000 ramettes de papier et en récupère [pour le recyclage, ndlr] 300 tonnes par an. » Le député Bruno Millienne a beau souligner que le Palais Bourbon a fait de nombreux efforts ces dernières années, en divisant notamment sa consommation de papier « par deux en huit ans », la situation actuelle demeure à ses yeux largement perfectible.

Le rapporteur du groupe de travail chargé de promouvoir « le développement durable dans la gestion et le fonctionnement de l’Assemblée nationale » ne manque d’ailleurs pas de raconter :

« Le tirage relativement banal de 80 liasses d’amendements en commission sur un texte faisant l’objet de 100 amendements suppose un tirage de 8 000 à 10 000 pages, c’est-à-dire autant de papier et d’énergie électrique qu’il est nécessaire. Le même texte venant en discussion dans l’hémicycle nécessitera un volume de tirage imprimé trois fois supérieur. »

Bruno Millienne a ainsi proposé, mercredi 13 décembre, au titre des réformes de l’Assemblée nationale, de « poursuivre et accompagner le processus de dématérialisation des travaux parlementaires » (notamment en matière d’amendements). L’élu Modem considère que ces économies de papier sont profitables à l’environnement, mais aussi aux finances du Palais Bourbon.

L'Assemblée acquiert des iPad mini 4 et des Galaxy Tab S2

Début octobre, les trois questeurs (les députés Florian Bachelier, Laurianne Rossi et Thierry Solère) ont annoncé qu’une tablette tactile serait intégrée à partir de 2018 dans le pupitre de chacun des 577 élus de l’Assemblée nationale. « L’achat de 577 tablettes devrait coûter environ 200 000 euros et la suppression des liasses d’amendements générer une économie annuelle de près de 40 000 euros, en papier et en impression », affirmait alors Le Monde.

Contactée, l’Assemblée nationale nous indique que les fameuses tablettes « ont été commandées dans le cadre d’un marché subséquent lancé en octobre dernier sur le fondement d’un accord-cadre pluri-attributaires ». Le choix des parlementaires s’est porté sur des iPad mini 4 et des Samsung Galaxy Tab S2 (dont le prix unitaire avoisine les 400 euros dans le commerce).

Ces appareils seront livrés « d’ici fin décembre », puis paramétrés et mis à la disposition des députés « début janvier, quelques jours avant la reprise des travaux parlementaires ». Soit d’ici au 15 janvier.

Des expérimentations menées depuis quelques semaines en commission

Concernant les débats en commission, Bruno Millienne explique que des expérimentations ont été menées ces dernières semaines en commissions des lois, des finances, des affaires sociales et des affaires culturelles. L’objectif : tester « la consultation et la discussion des amendements sur la seule base des documents numérisés ».

« Aucune difficulté n’est apparue à cette occasion », note le rapport du parlementaire. Néanmoins, poursuit-il, « il reste à traiter la question de l’annotation et du commentaire de ces mêmes amendements sous format numérique ». Et pour cause, de nombreux députés apprécient d’écrire quelques mots sur les amendements, par exemple pour savoir quand ils doivent prendre la parole...

Les outils d’examen des amendements se révèlent inadaptés en l'état

Or il est actuellement impossible de procéder à la moindre annotation avec les outils fournis par le Palais Bourbon. Un problème qui concerne aussi bien les débats dans l’hémicycle qu’en commission. Pour Bruno Millienne, « la suppression complète des formats imprimés » ne pourra donc se faire qu’à condition de « perfectionner les outils informatiques, de façon à proposer aux députés, à leurs collaborateurs et aux services de l’Assemblée, des solutions répondant à leurs besoins dans le déroulé du travail parlementaire ».

L’élu en appelle plus précisément à un enrichissement de l’application ELOI, qui permet aux députés de déposer leurs amendements, et de son dérivé ELIASSE, à partir duquel il est possible de suivre l’examen des textes débattus au Palais Bourbon :

« Il conviendra d’insérer dans l’application ELOI un cadre de saisie des argumentaires ou des interventions des députés. Ce cadre sera à la disposition des députés de façon à associer cet argumentaire à l’amendement dont il est l’auteur ou aux amendements sur lesquels il compte intervenir.

Dans ELIASSE, en consultation, pour les débats en commission ou en séance publique, les argumentaires saisis devront s’afficher en lien avec l’amendement, chaque député devant avoir l’exclusivité de la consultation des argumentaires qu’il a produits et devant, par conséquent, s’identifier à cet effet. »

Bruno Millienne invite d'ailleurs le Bureau de l’Assemblée nationale à engager ces développements informatiques « dans le courant de l’année 2018 ». Il estime qu’un budget de 50 000 euros sera nécessaire à cette fin. D’autres parlementaires pourraient toutefois apporter leur grain de sel, la députée Paula Forteza travaillant depuis plusieurs mois avec ses équipes à une réforme des outils d’examen des amendements (voir notre article).

Rédiger des rapports parlementaires conçus pour le web

Dernière vecteur d’économie de papier : les (nombreux) rapports rédigés par les députés. Bruno Millienne plaide là aussi pour davantage de dématérialisation, tout en précisant que cette transition ne pourra se faire qu’à « la condition de revoir l’ampleur, le contenu [et] la structure » de ces documents qui dépassent bien souvent la centaine de pages...

« Il convient d’en réduire l’ampleur et le contenu pour proposer une information concise, utile pour la décision et facilement accessible. Cela suppose de revoir le contenu des rapports, leur architecture, leur structure, de façon à disposer d’un document d’accès facile, susceptible d’être publié de manière progressive, au fil de l’avancement des travaux parlementaires, en « blocs » indépendants et non plus en un seul « bloc » quasiment au terme de la procédure d’examen des textes. Les rapports doivent désormais être directement conçus pour le web, le cas échéant avec une infographie dynamique, et non plus prioritairement pour l’édition imprimée. »

La réflexion sur cette refonte serait d’ailleurs déjà « engagée » en interne. Elle « se poursuivra », indique le rapport, « pour aboutir en 2018 ».

Bruno Millienne prévient enfin qu’un « bilan chiffré et quantifié des économies réalisées grâce à la numérisation devra être établi, tant en termes d’économies de papier que d’économies d’énergie, de matériels d’impression et de consommables ». L’élu en appelle d’ailleurs à une mise en avant de ces chiffres – en interne comme sur le site de l’Assemblée, afin de promouvoir les efforts réalisés.

Écrit par Xavier Berne

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

L'Assemblée acquiert des iPad mini 4 et des Galaxy Tab S2

Des expérimentations menées depuis quelques semaines en commission

Les outils d’examen des amendements se révèlent inadaptés en l'état

Rédiger des rapports parlementaires conçus pour le web

Commentaires (25)


Dans l’absolue, ce n’est pas une idée à la noix, mais faudra voir si nos vieux élus si adapte facilement.<img data-src=" />


Lessilver surfersexistent aussi.

&nbsp;&nbsp; <img data-src=" />

&nbsp;

&nbsp;D’ailleurs, d’après le baromètre du numérique 2017 de l’Arcep (pdf), les diplômés de l’enseignement supérieur (dont font partie la plupart des députés) se sentent compétents à l’usage des ordinateurs, tablettes et smartphones.


Le Monde :

« C’est un investissement qui sera rentabilisé en 2022 », résume un des questeurs, qui ne table pas sur de grandes économies pour le budget de l’institution. Après cinq années d’utilisation, il faudra en effet renouveler le matériel lors de la législature suivante. Sans compter les éventuels frais de maintenance…



Bref, pas évident que ça soit moins cher, ce que je me disais en lisant le coût et le gain par an.



Et on ne parle pas des modifs de l’appli pour les commentaires…


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You are only young once, but you can stay immature indefinitely

Growing old is mandatory; growing up is optional.

c’est pas de moi ( Ogden Nash / Chili Davis)


Et tout ça connecté au réseau j’imagine ?

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Je préfère ne pas penser à toutes les failles de sécurité à tous les niveaux à commencer par celui des utilisateurs finaux…








Ami-Kuns a écrit :



Dans l’absolue, ce n’est pas une idée à la noix, mais faudra voir si nos vieux élus si adapte facilement.<img data-src=" />









joma74fr a écrit :



Lessilver surfersexistent aussi.

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Les députés de l’actuelle assemblée ont en moyenne 48 ans et demi. C’est presque 6 ans de moins que l’assemblée sortante, et seulement 88 d’entre eux ont 60 ans ou plus. La répartition est disponible par exemple ici :https://www.lci.fr/elections/resultats-elections-legislatives-2017-l-assemblee-n… .

On est loin de “vieux” incapables d’utiliser des tablettes.



Si on peut plus troller un vendredi, ou va le monde.<img data-src=" /><img data-src=" />



Bon sérieusement, les élus avec des tablettes, mais pour leurs assistants, papier ou autres pour travailler?


J’allais râler que ELIASSE ne marchait que sur Chrome, mais j’ai l’impression qu’il fonctionne maintenant également sur Firefox !<img data-src=" />








fred42 a écrit :



Le Monde :

« C’est un investissement qui sera rentabilisé en 2022 », résume un des questeurs, qui ne table pas sur de grandes économies pour le budget de l’institution. Après cinq années d’utilisation, il faudra en effet renouveler le matériel lors de la législature suivante. Sans compter les éventuels frais de maintenance…



Bref, pas évident que ça soit moins cher, ce que je me disais en lisant le coût et le gain par an.



Et on ne parle pas des modifs de l’appli pour les commentaires…





2022 sans tenir compte de la réduction du nombre de parlementaires que voudrait opérer. Donc l’investissement sera rentabilisé avant <img data-src=" />



J’ai compris le fait que ça soit un troll, mais je n’ai pas compris le propos (ta phrase est bancale). Une diminution du nombre de parlementaires ne se fera que pour une prochaine législature si elle se fait et comme les dépenses sont essentiellement proportionnelles au nombre dans les 2 cas, ça ne change rien à la rentabilité.


Ils n’ont pas choisi les tablettes les moins chères…

Pour le besoin (pas de jeux, de vidéo, …), ils auraient pu se contenter de modèles moins chers, et éviter Apple (aussi bien pour des raisons fiscales que pour la sécurité : ces tablettes devraient avoir un système d’exploitation libre qui puisse être audité par l’ANSSI).


Pourquoi diable des iPad mini ?

La seule tablette pro qui permette de travailler sur des documents c’est l’iPadPro avec stylet. Il n’y en a pas d’autres qui soient réellement efficaces.

Sauf qu’effectivement l’ANSSI ne pourra pas les sécuriser. C’est un problème.


Ce serait intéressant de faire un vraiment bilan carbone des tablettes de leur fabrication à leur recyclage + énergie de développement des applications spécifiques face au papier + imprimante + consommables.

Sachant que le fait d’avoir des tablettes ne va pas faire passer tout le monde au 100% numérique (le papier à quand même des avantages non négligeable).

J’aimerais vraiment avoir la réponse.








JoePike a écrit :



<img data-src=" />

You are only young once, but you can stay immature indefinitely

Growing old is mandatory; growing up is optional.

c’est pas de moi ( Ogden Nash / Chili Davis)



Une phrase intelligente et tellement vraie… <img data-src=" />



Il n’y a probablement pas plus de “vieux” qui sont hostiles à l’utilisation de la HI-TECH que de “jeunes” qui ne savent pas lire ou écrire correctement.



D’autre part, il serait bon de ne pas oublier qu’en matière d’informatique ce sont des gens maintenant âgés de 60 ans et plus qui ont tout inventé…



En bref, les “vieux” convaincus que tous les jeunes sont forcément des incultes illettrés sont largement aussi “cons” que les “jeunes” qui sont convaincus que tous les “vieux” sont forcément largués pour tout ce qui concerne les nouvelles technologies.



Comme disait un certain Brassens, “Quand on naît con on est con, le temps ne fait rien à l’affaire” . <img data-src=" />



Je rajoute juste que ce n’est pas parce que on n’est pas intéressé par une technologie quelconque que ça signifie forcément qu’on ne comprend rien à cette technologie…

Et inversement, passer sa vie sur internet ne signifie pas forcément que l’on est un “cador’ en informatique, tout comme quelqu’un qui adore la bonne cuisine ne sera pas forcément un bon cuisinier. <img data-src=" />








HoNoRgAtE a écrit :



Pourquoi diable des iPad mini ?

La seule tablette pro qui permette de travailler sur des documents c’est l’iPadPro avec stylet. Il n’y en a pas d’autres qui soient réellement efficaces.

Sauf qu’effectivement l’ANSSI ne pourra pas les sécuriser. C’est un problème.



Il existe d’autres tablettes à stylet… Au hasard, les Galaxy Tab.









HoNoRgAtE a écrit :



Pourquoi diable des iPad mini ?

La seule tablette pro qui permette de travailler sur des documents c’est l’iPadPro avec stylet. Il n’y en a pas d’autres qui soient réellement efficaces.

Sauf qu’effectivement l’ANSSI ne pourra pas les sécuriser. C’est un problème.





Je dirais surtout : pourquoi combiner des systèmes d’exploitation différents alors que ça va impacter les coûts de maintenance… et rendre hors de prix l’idée de développer des applications.



Et le coût de recyclage ? On en parle pour le papier, le traitement des tablettes usagées dans 5 ans ne coûtera donc rien ? Et les dépenses pour les charger ?





Néanmoins, poursuit-il, «&nbsp;il reste à traiter la question de l’annotation et du commentaire de ces mêmes amendements sous format numérique&nbsp;».





C’est bien ça. On équipe tout le monde, et on voit ensuite ce qu’on peut faire avec, ou pas. Si on s’aperçoit que ce n’est pas une bonne solution, c’est pas grave, c’est de l’argent public <img data-src=" /> Faire un test avec une poignée de députés pendant 2 ou 3 mois, c’était probablement trop compliqué…


On va donc revenir aux lois écrites/gravées sur des tablettes ? <img data-src=" />


Il ferait mieux de s’attaquer à la cause (des textes plus concis et mieux écrits avec une dizaine d’articles en moyenne au lieu d’une centaine) qu’aux effets (trop de papier). Aujourd’hui, où je travaille, on met parfois plus de 3 ans à transcrire les lois en textes réglementaires presque utilisables (pour les rendre compréhensibles, rajouter encore 3 à 5 ans).



La sécurité n’est pas vraiment un problème puisque les textes proposés sont à plus de 80 % des adaptations de textes européens, donc déjà connus.








Epy a écrit :



On va donc revenir aux lois écrites/gravées sur des tablettes ? <img data-src=" />







La pierre c’est l’avenir.



Il existe des projets de tablettes avec un papier numerique N&B qui seraient appropriés. Deux marques de tablettes de tailles différentes, c’est bien stupide….En plus d’avoir le risque de voir des députés aller voir leur mails dans l’hémicycle (entre deux parties de candy crush).

Ca limitera peut être l’absentéisme forcené ceci dit.

De premier abord on dirait plutôt que quelqu’un s’est prévu un pot de vin sur une facturation plausible dans le principe.









Paupiette5000 a écrit :



En plus d’avoir le risque de voir des députés aller voir leur mails dans l’hémicycle



Je ne vois pas le problème sur ce point.

Et certains députés surfent déjà depuis longtemps pendant les séances (je pense normalement à M. Tardy qui durant les sessions concernant la Hahahadopi reprenait régulièrement en direct les arguments que Marc publiait ici).









penetai a écrit :



La sécurité n’est pas vraiment un problème puisque les textes proposés sont à plus de 80 % des adaptations de textes européens, donc déjà connus.





Ce n’est pas tant la confidentialité que l’authenticité qui peut poser problème.

Comment être certain que le texte qui s’affiche est bien celui qui sera voté (et pas une version avec quelques mots changés pour induire les députés en erreur) ?



@Jarodd

Le “test” dont vous parlez concerne aussi les scolaires et notamment les lycées, puisque grâce à un partenariat sans appel d’offre, hp et microsoft déboulent avec des tablettes dans des lycées sois-disant “pilotes” pour écouler leurs merdes respectives, bien entendu au détriment de logiciels libres connus et utilisés en milieu professionnel.

Merci encore à notre ex-ministre NVB d’avoir vendu nos enfants au plus offrant.