Les Croissants nous détaillent leur matinale radio personnalisée, financée par les internautes

Kocobe est le nouveau Nicolas Demorand
Internet 7 min
Les Croissants nous détaillent leur matinale radio personnalisée, financée par les internautes

Jusqu'à début janvier, Les Croissants tentent de lever 25 000 euros pour lancer leur projet de matinale adaptée à chaque internaute, alimentée par des journalistes professionnels. Alors que les médias en ligne se multiplient, l'équipe mise sur l'accoutumance aux podcasts pour se faire sa place dans ce nouveau paysage.

Le 30 novembre, Les Croissants lançait sa campagne de préventes. L'objectif : réunir 25 000 euros d'ici le 4 janvier, pour financer les premiers mois de sa matinale radio personnalisée. En quatre jours, l'équipe a réuni les deux tiers de la somme, destinée à convaincre de futurs partenaires d'investir dans le projet, censé inaugurer une autre manière de consommer l'information sur Internet.

Le projet a été initié à l'été 2016 par le développeur Stanislas « Signez » Signoud, rejoint à l'été 2017 par le journaliste Corentin « Kocobe » Benoit-Gonin. L'un a quitté Capitaine Train à sa revente à Trainline, l'autre est parti du Journal du gamer après des années à y écrire.

Jusqu'en 2015, Stanislas Signoud menait SynopsLive, une webradio qui a accueilli les podcasts de RadioKawa. « Je cherchais à concilier ma passion avec le fait de manger à la fin du mois. J'ai eu des idées d'outillage pour podcasteurs, puis je me suis dit qu'il fallait y aller fort » nous déclare-t-il. Le concept a été fixé rapidement, puis affiné avec Corentin Benoit-Gonin à l'été 2017 : un journal et des chroniques, soit une vingtaine de minutes pour chaque auditeur.

Avec leurs pigistes, ils devront se faire une place dans le monde des matinales, stratégique en radio et de plus en plus convoité sur le Net, via des projets comme la Matinale du Monde. Pour le moment, 800 personnes essaient le service, qui doit se lancer dans le grand bain début 2018.

Le défi de la matinale radio sur Internet

« Signez » a quitté Capitaine Train en novembre 2016, pour fonder la société six mois plus tard, en mars. L'application et l'identité sonore ont été conçues en août dernier. Pour sa version alpha, Les Croissants proposent une émission hebdomadaire, avec une production double de celle diffusée pour chaque internaute.

Les thèmes sont pour le moment très centrés sur la culture pop et les intérêts des « millenials », le public en place. Une approche qui correspond à la fois au public d'abord recherché, et aux journalistes qui composent la première équipe de pigistes, comme Geoffroy Husson de Tom's Guide, Lucie Ronfaut du Figaro ou Marie Turcan de Business Insider. « Comme on enregistre sur Paris, on risque de rester sur des journalistes parisiens. Après, la politique ou le cinéma concernent tout le monde jusqu'à preuve du contraire » note « Kocobe ».

Le champ doit ensuite être élargi, pour fournir une actualité localisée à terme, pourquoi pas avec des réseaux comme Mediacités. Une météo personnalisée devrait l'accompagner, d'abord sur de grandes villes. Le champ des journalistes participants devrait rapidement s'élargir.

Côté contenus, l'édition hebdomadaire se concentre sur une revue de presse, avec l'avis des chroniqueurs sur les sujets qui leur tiennent à cœur.  « L'idée est que le journal, qui est un ensemble de brèves, annonce ce qu'on approfondira ensuite éventuellement dans les chroniques. La radio annonce là où d'autres médias vont plutôt expliquer » poursuit Corentin Benoit-Gonin.

D'autres formats pourraient arriver, comme des débats d'une quinzaine de minutes. « À terme, on devrait pouvoir sortir des contenus propres. Pour le moment, on fait le minimum, soit de la critique et du commentaire. On se base déjà sur le concept de départ des Croissants, soit déjà quelque chose de sérieux, ce qui est déjà beaucoup en 2017 ! » ajoute l'équipe.

De 125 000 à 150 000 euros pour une année d'indépendance

Côté financier, les 25 000 euros demandés « sont un minimum », destinés à faire tenir le média un ou deux trimestres. La version alpha, qui court depuis septembre, a pour le moment coûté 40 000 euros à « Signez », qui table sur un budget de 5 000 à 6000 euros mensuels.

Le pécule initial de 25 000 euros « doit nous aider à aller vers d'autres partenaires, comme des fonds d'investissement, des fournisseurs de dette, l'ICIJ, Bpifrance... qui demandent tous à voir qu'on a un public potentiel » détaille le fondateur de l'entreprise, qu'il détient à 100 % pour le moment, avant que Corentin Benoit-Gonin ne le rejoigne. L'équipe compte aussi sur des business angels ou de la « love money » pour se financer, toujours avec le but de rester majoritaire au capital.

Pour « une totale indépendance », le budget irait de 125 000 à 150 000 euros sur un an. Elle compte recruter un journaliste supplémentaire, ajouter une aide à la rédaction (agence spécialisée ou stagiaire « si c'est pertinent ») et, si elle le peut, créer un poste mixte de community manager et support.

Pas d'aides à la presse, mais un soutien du Tank

Quid des aides ? L'entreprise dit payer ses chroniqueurs en piges et a rejoint le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (Spiil), dont Next INpact est membre. Pourtant, elle n'entre pas dans les clous de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Au revoir les éventuelles aides à la presse ou à l'innovation du secteur.

« D'autres médias sur ce créneau ont déjà affronté la CPPAP sur le sujet. On adorerait avoir le numéro CPPAP et même IPG [presse généraliste]. On est dans une mini-guerre entre le ministère de la Culture et le CSA, qui veut étendre ses pouvoirs sur Internet. On est trop Internet pour bénéficier du fonds de soutien à l'expression radiophonique... et trop radio pour bénéficier des aides à la presse en ligne » déclare Stanislas Signoud. La TVA à 2,1 % et certains avantages spécifiques leur passent donc sous le nez.

Les Croissants ont tout de même candidaté au fonds DNI de Google, destiné à soutenir l'innovation dans la presse. Ils demandent 40 000 euros pour financer « l'intelligence artificielle » derrière le choix des sujets à présenter à chaque utilisateur. Le texte de chaque chronique est analysé pour en tirer des entités (comme « Emmanuel Macron »), afin d'identifier les thèmes que chaque membre écoute ou esquive systématiquement.

Le jeune média est surtout lauréat du concours pour une première année d'incubation gratuite à Le Tank Média. Il s'agit de la future excroissance du Tank, un incubateur parisien, qui a ici mis 24 projets en concurrence. « Aujourd'hui, on travaille dans une pépinière dans l'est de Paris, Soleillet, qui héberge notamment Le Gorafi » affirme l'équipe, qui espère (enfin) aménager un studio d'enregistrement professionnel dans ses futurs locaux.

De la concurrence et des pistes pour la suite

Au premier trimestre 2018, Radio France compte lancer une radio numérique « sur mesure », à partir de l'ensemble de ses stations. Le Monde propose une « Matinale » avec une dizaine d'articles au choix depuis mai 2015, quand des services type Briefme promettent un résumé quotidien de l'actualité. De quoi inquiéter Les Croissants ?

L'équipe assure sa confiance dans son projet. D'un côté, l'initiative de Radio France habituerait les internautes au concept, alors que des outils comme Briefme ne proposent pas la personnalisation radiophonique de l'application. « Des plateformes avec une intégration aussi poussée d'une seule et même matinale, pensée pour être écoutée ainsi, on n'en voit pas » résume Signoud. Ce dernier déclare bien avoir été inspiré par Le Monde, mais aussi frustré de l'offre gratuite. 

Le cœur du projet est la maîtrise du contenant et du contenu, en distribuant une matinale originale dans son application. Les Croissants n'excluent pourtant pas de pouvoir exporter le flux (par exemple en RSS pour un client podcast tiers), ou encore de mettre en ligne des échantillons sur les plateformes de podcast tierces, qui ne proposent toujours pas d'option sérieuse de monétisation (voir notre dossier).

La technologie pourrait aussi être la solution, en cas d'échec du contenu. Un « pivot » envisagé est la commercialisation (en marque blanche) de l'outil à des médias, qui voudraient lancer leur matinale personnalisée à partir de leurs propres contenus. La piste pourrait surtout servir à l'internationalisation, via des partenariats avec des marques déjà en place à l'étranger. Des plans sur la comète, qui doit encore récolter ses tous premiers fonds d'ici janvier.

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