Toujours pas de trêve entre Qualcomm et Apple. Les deux entreprises continuent de se tirer dessus à boulets rouges, par avocats interposés. En guise de première case pour son calendrier de l'avent, la marque à la Pomme a eu le droit à deux nouvelles plaintes pour violations de brevets.
Si la météo en France se rafraîchit ces dernières semaines, c'est également le cas des relations entre Qualcomm et Apple. Les deux sociétés s'opposent dans de nombreuses batailles juridiques autour de brevets.
À Cupertino, on estime que le fabricant de puces viole la loi en ne fournissant pas de licences sur ses technologies « standard et essentielles » selon des termes « équitables, raisonnables et justes », comme l'impose la loi. Apple a même incité les autorités de la concurrence de nombreuses régions du monde à enquêter sur Qualcomm. À San Diego, on digère mal les attaques de la marque à la pomme, surtout quand elle demande à ses sous-traitants de ne plus régler un centime de royalties sur ces brevets, tant que les escarmouches en cours n'auront pas pris fin.
D'humeur guerrière, Qualcomm a décidé de remettre le couvert en lançant deux nouvelles procédures contre Apple, portant sur la violation d'un total de 11 brevets. Et dès les premières pages de ces plaintes, le fabricant de puces sort les crocs.
« Apple vole les grandes idées des autres »
Dans les deux plaintes, Qualcomm se présente comme une entreprise innovante, investissant des milliards de dollars chaque année dans le développement de nouvelles technologies en lien avec les télécommunications. L'entreprise met notamment en avant ses travaux qui ont permis l'élaboration de plusieurs standards de communication sans-fil, dont la 3G et la 4G.
Quand vient le moment de décrire son adversaire, le groupe américain ne met pas de gants. « Le fondateur d'Apple s'est vanté que son entreprise "vole" les grandes idées des autres, spécifiquement qu'elle "n'a jamais ressenti la moindre honte à voler les grandes idées ". Les employés d'Apple admettent généralement que l'entreprise – entrée tardivement dans le marché mobile – n'a pas inventé beaucoup des fonctionnalités de l'iPhone ».
Qualcomm cite également une entrevue accordée en 2012 par Steve Sinclar, le responsable marketing de l'iPhone qui affirmait ceci : « Je ne sais pas pour combien de choses nous pouvons légitimement affirmer que nous étions les premiers. Nous avons eu les premières versions à succès commercial de nombreuses fonctions, mais ce n'est pas pareil que d'arriver le premier sur un marché ». Apple ne serait donc qu'une entreprise douée pour copier ce que font ses petits camarades, et l'enrober dans un emballage séduisant.
Onze brevets, une goutte d'eau
Les deux plaintes de Qualcomm concernent au total onze brevets, relatifs à un éventail assez large de technologies. L'entreprise assure qu'il ne s'agit que « d'une petite fraction des brevets non-essentiels qu'Apple utilise aujourd'hui sans licence », laissant planer la menace d'autres poursuites contre la marque à la Pomme si le bras de fer devait se durcir dans les prochains mois.
Voici le détail des brevets (américains), présentés dans le même ordre que dans les documents remis à la justice :
Dans la première plainte regroupant des brevets liés à l'apprentissage machine et à l'économie d'énergie :
- 8 971 861 : Distribution de contenus pertinents
- 7 834 591 : Systèmes et méthodes de commutation de chargement de batterie
- 8 768 865 : Apprentissage de situations par appariement de formes
- 8 229 043 : Mélangeur à gain étagé
- 8 447 132 : Correction de plage dynamique basée sur le contenu de l'image
- 9 024 418 : Structures locales d'interconnexion pour haute densité
Dans la seconde plainte regroupant des brevets ayant appartenu à Palm :
- 8 683 362 : Métaphore de carte pour les activités dans un appareil informatique
- 8 497 928 : Techniques d'autofocus pour appareil photo numérique
- 8 665 239 : Procédé et appareil activant l'action de gestes de l'utilisateur effectués sur un écran interactif tactile en simulation d'inertie
- 9 203 940 : Dispositif d'assistant numérique personnel intégré
- 7 844 037 : Méthode et dispositif permettant des réponses par message à des appels téléphoniques entrants
Gloubi boulga
Difficile en l'état de juger de la validité de ces brevets, mais on note que certains ratissent un champ très large d'appareils. Le numéro 9 203 940, par exemple, décrit « un appareil fournissant les fonctionnalités d'un assistant personnel numérique et d'un téléphone cellulaire », en revendiquant la paternité de l'invention en juin 2001.
L'appareil décrit dispose de « boutons qui offrent un accès direct aux applications stockées dans l'appareil, qui peuvent être configurées pour opérer en conjonction avec des touches secondaires qui ajoutent des fonctionnalités ». Il dispose également d'un clavier avec un système de complétion automatique des mots. Un ancêtre boutonneux du smartphone en somme.
Pareillement, la « métaphore de carte » décrit une interface dans laquelle « chaque activité peut être représentée sur une aire de l'écran appelé carte ». Un principe plutôt vague et pas forcément distinguable à première vue de celui de fenêtres, tel qu'on le connait depuis quelques décennies. Mais à une époque où un rebond à la fin d'un menu déroulant peut être breveté (et rapporter plus de 500 millions de dollars), l'issue des débats ne peut être qu'incertaine.
Quant aux structures d'interconnexion, Qualcomm évoque leur utilisation « lourde » au sein de plusieurs puces d'Apple, notamment l'A10 qui y ferait appel massivement. « Cela leur permet de tirer parti des gains de performance et de densité » amenés par cette technique.
Palm d'or
Qualcomm ne manque pas en tout cas d'une certaine ironie. Quelques-uns des brevets mis en avant par le géant américain ne sont pas le fruit du talent de ses ingénieurs, mais du rachat d'un lot appartenant à HP, eux-mêmes acquis auprès de Palm.
Cependant, Apple est bien au fait du contenu de ces brevets. En 2009, lors d'une présentation trimestrielle, Tim Cook, alors directeur général d'Apple, avait déjà ouvertement taclé le Palm Pre. « Nous n'avons rien contre la concurrence, mais si d'autres violent notre propriété intellectuelle, nous les poursuivrons ».
De son côté, le fabricant de puces argue que « toutes ces inventions de Palm – détenues par Qualcomm – ont largement amélioré les fonctionnalités des appareils mobiles, l'expérience utilisateur, et sont toutes largement présentes dans les produits d'Apple, sans licence ni permission ». « Les produits d'Apple perdraient beaucoup de leur attrait sans les technologies de Qualcomm » peut-on encore lire plus bas, dans les deux plaintes.
Il est à noter ici que contrairement à la coutume, Qualcomm ne réclame pas l'arrêt des importations des produits incriminés par les violations de ces 11 brevets, dont la liste s'étend de l'iPhone 5 à l'Apple Watch en passant par les iPad. La firme de San Diego se contente de réclamer des dommages, qui lui permettraient peut-être d'oublier les ardoises à plusieurs centaines de millions de dollars laissées aux autorités de la concurrence en Chine et ailleurs.