CoinDesk a publié son rapport trimestriel « State of the blockchain », dressant un état des lieux des différentes crypto-monnaies, leurs évolutions, et leur rapport de force. Le troisième trimestre a été marqué par une poussée de l'utilisation d'Ethereum mettant Bitcoin, pour la première fois, au second plan.
Chaque trimestre, CoinDesk met en ligne un épais rapport compilant l'ensemble des données essentielles concernant les principales blockchain publiques (Bitcoin, Ethereum, Ripple...) et les crypto-monnaies qui y sont associées.
L'ensemble est résumé dans une présentation de plus de 100 pages, détaillant la part de marché des différentes plateformes d'échange, l'évolution du nombre de transactions dans chaque blockchain ou encore celle de la part de la valorisation des crypto-monnaies par rapport à leurs concurrentes.
L'étude s'arrête toutefois à la fin du mois de septembre, à un moment ou le cours du bitcoin avait frôlé la barre des 5 000 dollars avant de se stabiliser autour des 4 000, contre plus du double deux mois plus tard. Elle permet toutefois de voir les effets de l'activation de SegWit, ou du fork avec Bitcoin Cash. L'ETH lui, connaissait une folle aventure le menant de 220 dollars début juin à 305 dollars fin septembre, non sans passer par des extrêmes sous les 170 dollars et frôlant les 400 dollars.
L'hégémonie de Bitcoin remise en question
L'un des enseignements importants de cette étude, est que la toute-puissance de Bitcoin ne se manifeste plus de manière aussi évidente que par le passé. Si jadis, en janvier 2017, les bitcoins représentaient 90 % de la valeur des crypto-monnaies en circulation, à fin septembre leur score n'était plus que de 48,65 %. Suivaient Ethereum avec 19,41 %, Ripple avec 5,16 % et Bitcoin Cash avec 4,94 % du total.
Le nombre de transactions réalisées sur la blockchain de Bitcoin est quant à lui en nette baisse, passant d'une moyenne de 288 000 opérations par jour sur les six premiers mois de 2017 à 242 000 par jour sur le troisième trimestre, soit un recul de 16 %. Même si l'on ajoute les 12 400 transactions quotidiennes réalisées sur la chaîne de Bitcoin Cash, le compte n'y est pas.
Certains y verront le fruit des incertitudes autour de l'adoption de SegWit, pour élargir la capacité de la blockchain Bitcoin. Une théorie d'autant plus probable que d'autres crypto-monnaies ont profité de cette période pour voir leur activité exploser. D'autres distingueront une conséquence de l'explosion des frais de transaction, passés de 0,18 dollar en moyenne au troisième trimestre 2016, à 3,20 dollar un an plus tard.
Baisse de régime pour Bitcoin
Avant de nous attarder sur le cas d'Ethereum, quelques faits importants sont à noter concernant Bitcoin sur la période de juillet à septembre.
Malgré la mise en place de SegWit pour glisser davantage de transactions dans un même bloc (toutes les dix minutes), la taille moyenne des blocs (transactions + signatures séparées) ne dépasse que marginalement la limite de 1 Mo. Ceux ayant excédé 1,2 Mo au troisième trimestre pourraient quant à eux facilement se compter sur les doigts. La taille moyenne des blocs a d'ailleurs nettement reculé en trois mois, passant de 0,97 Mo, à 0,88 Mo.
Le hashrate, c'est-à-dire la puissance de calcul déployée au total sur le réseau, est quant à elle en nette progression et atteignait en moyenne 6,76 TH/s (térahashs par seconde), soit 54 % de mieux qu'il y a trois mois et 4 fois plus que l'an dernier.
Du côté des plateformes d'échange, la hiérarchie a fortement évolué sur les échanges BTC/USD. Bitfinex reste en tête mais a vu sa part de marché exploser en trois mois, passant de 28,8 % à 44,9 %. Bitstamp passe de la quatrième à la deuxième place avec une part en léger recul (17,2 % contre 17,9 % au 2e trimestre). Coinbase descend sur la troisième marche du podium avec 16,8 % des échanges, contre 22 % trois mois plus tôt. Poloniex qui gérait 20 % des transactions BTC/USD au deuxième trimestre est pour sa part sorti du top 5.
Ce classement reste néanmoins très incomplet puisqu'il ne tient compte que des achats et ventes de bitcoin en dollars US. Or la majeure partie des échanges au troisième trimestre s'est fait en yens, et CoinDesk ne fournit aucune information sur la hiérarchie des plateformes sur ce marché-là. Dommage.
Un trimestre en fanfare pour Ethereum
Du côté d'Ethereum, le deuxième trimestre aura surtout été marqué par des évènements liés à des ICO, des levées de fonds très liées à cette crypto-monnaie (voir notre analyse). On se souviendra du « piratage » de CoinDash qui a permis de détourner quelque 44 000 ETH (7,3 millions d'euros à l'époque), ou encore des lignes directrices fournies par le régulateur boursier américain sur les levées de fonds en crypto-monnaie. La Chine, l'île de Man, ou encore l'Australie et la Corée du Sud ont également pris position sur ces questions.
Sur le plan technique, le mois de septembre a surtout servi à tester la mise à jour Byzantium (voir notre article), qui avait pour objectif de repousser le déclenchement d'un algorithme visant à rendre le « minage » obsolète. Avec tous ces évènements, le cours de l'ETH a connu de nombreux soubresauts, mais n'a finalement que peu progressé sur l'ensemble du trimestre (+5,4 %).
Le nombre de transactions sur la blockchain Ethereum a quant à lui explosé, doublant en trois mois pour atteindre en moyenne 316 000 opérations par jour. Certains jours, le nombre d'échanges enregistrés dépassait la barre des 400 000. La tendance ne s'est d'ailleurs pas démentie au quatrième trimestre, le 29 novembre, la blockchain Ethereum a enregistré son record avec 663 000 transactions en 24 heures.
Cette utilisation plus intense de la blockchain se remarque aussi au niveau des plateformes d'échange. La part des opérations de conversion d'ETH en dollars augmente progressivement et vient ponctuellement dépasser celle des achats/ventes de bitcoin en dollars.
Contrairement à Bitcoin, la majeure partie des échanges vers une autre forme de monnaie se font en won coréens (36,9 % du total) suivi par le dollar américain (28,9 %) et... le bitcoin (19,6 %). Le yen, pourtant privilégié par les utilisateurs de bitcoin, représente 0,1 % des transactions, l'euro moins de 5 %.
Autre indicateur intéressant, celui du nombre d'adresses étant apparues au moins une fois sur la blockchain. À la fin du troisième trimestre, il dépassait les 8 millions, soit un doublement en trois mois. Pendant ce temps, le hashrate sur le réseau triplait.
Les ICO prennent le relais des levées de fonds traditionnelles
Pour se financer, les entreprises du secteur recourent de plus en plus souvent aux ICO plutôt qu'aux levées de fonds plus traditionnelles. Sur le troisième trimestre, le cumul des 86 ICO dont le montant dépassait 100 000 dollars atteignait 1,246 milliard de dollars. Pendant ce temps, seulement quatre entreprises ont levé 156 millions de dollars via des augmentations de capital.
Si l'on prend un peu de recul, jusqu'à janvier 2012 et que l'on calcule le total des levées de fonds classiques (VC) et via des ICO, on s'aperçoit que ces dernières pèsent 2,38 milliards de dollars, contre 1,95 milliard pour les VC. Les quatre levées les plus importantes de l'histoire du secteur se sont d'ailleurs faites en crypto-monnaie, avec des montants supérieurs à 150 millions de dollars.
Les crypto-monnaies restent un milieu obscur, même pour les initiés
CoinDesk a également interrogé « environ 400 » utilisateurs de crypto-monnaies afin de prendre la température du secteur, et certaines tendances sont intéressantes à analyser.
Leur connaissance du secteur évolue assez rapidement. 67 % des sondés disent ainsi être très bien renseignés sur Bitcoin, contre 54 % il y a trois mois. Pour Ethereum, ils sont 48 % à l'affirmer (+5 points) mais 40 % du panel dit ne rien savoir ou presque sur l'Entreprise Ethereum Alliance. La plateforme open source Hyperledger elle, est inconnue de 57 % des sondés.
Les sondés, qui à 83 % surveillent le cours de leurs crypto-monnaies au moins une fois par jour, ne sont d'ailleurs pas nécessairement au courant de tous les évènements majeurs les concernant, preuve que le sujet est vaste et complexe. Si 85 % d'entre eux étaient au courant du fork de Bitcoin Cash, ils sont 72 % à avoir découvert pendant l'enquête que les détenteurs de bitcoins au 27 juin 2017 ont reçu gratuitement des Stellar lumens (XLM), une autre crypto-monnaie. L'ensemble des XLM aujourd'hui en circulation vaut 1,2 milliard de dollars.
« Pensez-vous que la valeur des crypto-monnaies, dont le bitcoin et l'ether sont dans une "bulle" ? » La moitié des sondés estimaient à fin septembre que ce n'était pas le cas. 39 % de répondants jugeaient que cela pouvait être le cas. Pour rappel, le cours du bitcoin à l'époque était de « seulement » 4 000 dollars environ. Les réponses à cette enquête à la fin d'un quatrième trimestre qui aura connu, au moins l'espace de quelques heures, un BTC à plus de 10 000 dollars seront intéressantes à analyser.