Molotov.tv dans l'étau du bridage

Cocktail ou la cuisse
Droit 4 min
Molotov.tv dans l'étau du bridage
Crédits : Marc Rees (licence CC by SA 3.0)

La plateforme Molotov, cette télévision réinventée chère à l’un de ses cofondateurs Pierre Lescure, revoit ses ambitions. Plusieurs dispositifs de bridage ont été mis en œuvre, à la demande de M6 mais aussi en tenant compte des contraintes en vigueur. D'autres pourraient arriver, notamment les publicités en pré-roll sur les contenus enregistrés. 

Dans un courrier adressé aux utilisateurs de son offre gratuite, Molotov a indiqué qu’à compter du 1er décembre, ses capacités d’enregistrement seraient limitées à 8 heures, contre les 10 en vigueur aujourd'hui. Pour faire passer la pilule, le service offre trois mois d’essai à son option « plus », normalement payante.

Pourquoi une telle restriction ? Selon les proches du service, la mesure n’est pas dictée par l’une des chaînes proposées par cette plateforme. Elle tiendrait surtout au fait que les utilisateurs gratuits ne « consomment » pas toute l’amplitude de ce stockage.

En revoyant à la baisse ce plafond, Molotov va surtout faire quelques économies non négligeables. Pas seulement liées à ses infrastructures de stockage, mais aussi consécutives aux barèmes de la copie privée dans le cloud. Explications.  

0,15 ou 0,105 euro de redevance copie privée par utilisateur ?

 

Dès son lancement, on s’en souvient, le site avait offert 10 heures de stockage, histoire d’appâter le chaland puis d’espérer son basculement vers le modèle payant.

Seulement, le 19 juin 2017, au ministère de la Culture, la Commission copie privée a voté un barème temporaire d'un an, en légère disharmonie avec ce plancher.

Depuis, la première tranche a été fixée de 0 à 8 heures (inclues) d’enregistrement. Elle est alors « facturée » 0,105 euro chaque mois, par tête de pipe. Au-dessus et jusqu’à 20 heures, la contribution versée par Molotov s’élève cette fois à 0,15 €.

La douloureuse arrive : ce montant de RCP est collecté que l’utilisateur stocke 2 heures de contenu ou 19h59. C’est en effet la capacité disponible qui est assujettie, non la consommation réelle.

Dit autrement, en raison de ces deux heures d’enregistrement offertes, Molotov a basculé vers une tranche supérieure lestée de 0,045 euro de plus. Quelques poussières d’euros bientôt économisées, qui peuvent peser lorsqu’on déploie largement un tel service sur un marché émergent. 

L'avance rapide bloquée à la demande de M6

D’autres restrictions sont à relever, liées cette fois aux pressions exercées par les chaines de télévision. Molotov a annoncé en effet que M6 lui avait demandé de bloquer l’avance rapide sur les programmes enregistrés (« bookmarkés ») sur ses chaines soit M6, W9 mais également 6ter. 

Du pain béni pour le chiffre d’affaires du groupe puisque les utilisateurs sont maintenant contraints de subir les publicités sans possibilité d’avance rapide. En somme, un anti-adblocker version TV.

Ce dernier coup de rabot sur ces fonctionnalités va peser encore plus lourdement sur les usages. Déjà, les capacités d’enregistrement sur les chaînes de TF1 et celles de M6 sont limitées pour chaque groupe à 20 heures cumulées. De plus, l’abonné n’a pas le droit, ni la possibilité, d’enregistrer plusieurs de leurs flux simultanément.

Enfin, sur les comptes « premium » visant ces chaînes, la planification d’enregistrement est limitée à deux semaines. 

Des pubs en pré-roll sur les contenus enregistrés ?

L’étau risque de se resserrer davantage encore. Nous avons ainsi appris que des chaînes militaient cette fois pour insérer, dans les conventions passées avec Molotov, une clause visant à ajouter de la publicité sur les contenus enregistrés. Une publicité incrustée en pré-roll, donc en amont du flux vidéo, lui même déjà lesté de réclames, que devra là encore subir l’utilisateur.

Alors qu’elles gagnent en visibilité sur les nouveaux écrans, des chaînes ont régulièrement rappelé qu’elles n’étaient pas parmi les bénéficiaires de la redevance copie privée. Ces sommes sont en effet prélevées par Copie France mais au profit des sociétés de perception, à charge pour ces dernières de les répartir aux ayants droits.

Tous les moyens sont donc envisagés pour compenser cette situation.

Succession de tours de vis

Lors du vote des barèmes sur la copie privée, les sociétés de gestion collective avaient argué de la similarité des modes de consommation entre les enregistrements dans les box et le « cloud », ce afin de justifier le même prélèvement. Seule différence, sur les box, la redevance copie privée est aspirée en une fois. Sur les abonnements en ligne, le paiement est étalé durant toute la vie du contrat.  

De tels tours de vis rendent toutefois cette logique de moins en moins tenable. Si le CSA pourrait un jour intervenir, voire la Hadopi, ces restrictions n’existaient pas dans les années 80 sur les enregistrements VHS, et bien plus tard sur le disque dur des box.  

Ils sont en tout cas signes d’une reprise en main du « téléspectateur 2.0 » par les chaînes de télévision, à l’affut de retombées financières.

Avec cette logique de bridage, cependant, le risque est aujourd’hui réel de dépasser la ligne rouge fixée par le Code de la propriété intellectuelle. L’article L331-9 prévient en effet que « les éditeurs et les distributeurs de services de télévision ne peuvent recourir à des mesures techniques qui auraient pour effet de priver le public du bénéfice de l'exception pour copie privée ».

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