Sans surprise, Olivier Schrameck a applaudi chaleureusement les vœux du président de la République d’étendre les pouvoirs du CSA sur Internet ou les jeux vidéo.
Lors de son discours prononcé à l’occasion de la journée contre la violence faite aux femmes, Emmanuel Macron a souhaité une extension des compétences de cette autorité sur de nouveaux territoires numériques.
Selon lui, en effet, le moment est venu de « repenser le cadre de notre régulation des contenus (…) afin d'étendre les pouvoirs et la régulation du CSA pour que ce contrôle indispensable, ce soin élémentaire de la République, puisse être porté sur tous les contenus qui peuvent fragiliser, faire basculer ou conduire à la violence, en particulier contre les femmes ».
Et le chef de l’État de regretter que « nous ne régulons pas aujourd'hui l'accès aux jeux vidéo, aux contenus sur Internet, aux contenus pornographiques de plus en plus diffusés ».
« Nécessaire », « excellent » selon le président du CSA
Cette main tendue a évidemment été accueillie bras ouverts par le président du CSA. « C’est une chose nécessaire et donc excellente » s’est-il exclamé au 7/9 de France Inter, ce matin.
Il faut dire que l’autorité a été instituée pour gérer la raréfaction des fréquences dévolues aux chaînes de télévision à la fin des années 80. Avec l’explosion des vidéos personnelles sur les plateformes d’hébergement, notamment, une telle réforme, qu’il défend depuis des années, lui permettra de s’incruster durablement dans le paysage numérique, quand bien même Internet est tout sauf la télévision.
Pour être exhaustif, le Conseil a déjà un orteil sur Internet, notamment sur les services de médias audiovisuels à la demande, les webradios, les web TV, etc. Mais comment faire par exemple pour réguler le porno en ligne ?
Le porno en ligne et les mineurs
Enfonçant des portes ouvertes, Schrameck a répondu que cette question passera nécessairement par une nouvelle loi. « Ce sera au Parlement de définir les conditions techniques, juridiques, humaines dans lesquelles le CSA aura à remplir sa mission ».
Soit. Le Code pénal réprime déjà le fait que ces contenus soient susceptibles d’être accessibles aux mineurs. Il ne tient donc qu’aux pouvoirs publics de mettre en œuvre ces dispositions. Par ailleurs, les fournisseurs d’accès doivent aussi fournir une solution de contrôle parental, puisque socialement, c’est avant tout aux parents d’assumer l’éducation de leurs enfants, avec l’aide au besoin des enseignants.
Mais cet état ne satisfait pas l’appétit de l’autorité indépendante. Hier, devant l’association des journalistes médias (AJM), Olivier Schrameck a plaidé pour une régulation complète. Aujourd'hui, sans rentrer dans les détails, l'intéressé a distillé de nouveaux indices, en s'appuyant sur ses méthodes actuelles.
« Le CSA n’est pas Big Brother » insiste-t-il, soulignant que son actuelle régulation passe par du droit souple, « un dialogue interactif avec nos interlocuteurs », une « incitation sur la base du donnant-donnant », voire « des avertissements qui peuvent se prolonger par des sanctions », en passant par un système de signalétique et de labellisation.
Pour l’avenir, « il est clair qu’il faudra une modification profonde de la loi assise sur l’évolution du droit européen pour ouvrir le champ de ce contrôle. Sans l’appui des internautes, des citoyens, le CSA ne pourra jouer lui-même tout son rôle » a-t-il rajouté.
Des mesures immédiates de suspension et d'interdiction
Un point cependant a éclaté sur l’antenne de la radio publique : « À la différence du juge pénal qui condamne plusieurs années après, a prévenu Schrameck, nous pourrons prendre, si le législateur nous le permet, des mesures immédiates de suspension et d’interdiction ».
Avec cet appel du pied, se devine un possible pouvoir d’ordonner le blocage des sites pornos trop accessibles aux mineurs. Piste qui se confirme à demi-mot dans la bouche de Schrameck lorsqu’il évoque la possibilité « d’agir sur l’origine même de l’information ».
Le retour du rapport Lescure ?
Ces sujets ne sont pas neufs. Au delà de la question du porno, se cachent bien d'autres sujets liés finalement au contrôle du Net et visant aussi à transformer celui-ci en vache à lait.
En 2013, le rapport Lescure suggérait déjà que le CSA puisse promouvoir une autorégulation des sites de partages de vidéo pour qu'ils respectent les règles de déontologie, d'éthique des contenus et de préservation du pluralisme (p.151).
Il demandait également que l’autorité mette en place un dispositif de labellisation pour identifier les sites réservés aux mineurs : « Dans ce schéma, le CSA pourrait fixer les grands principes, mettre en place un dispositif de "labellisation" pour identifier les sites adaptés aux mineurs, et n'interviendrait qu'en cas d'échec de l'autorégulation ».
Surtout, l’étendard de la protection des mineurs n’était pas le sujet central du rapport Lescure. Dans la logique du « donnant donnant », qui revient aujourd’hui sur la table, le rapport proposait aussi que le Conseil puisse être juge des engagements - notamment financiers - des acteurs en ligne au profit de l’exception culturelle. Il proposait sur sa lancée une mise en avant des vidéos françaises ou européennes sur la page d'accueil des sites concernés...