Sur ses articles, StreetPress met à contribution ses lecteurs via le minage de crypto-monnaie Monero, via le désormais célèbre Coinhive. L'expérimentation d'une semaine inaugure une série de tests d'autres méthodes de financement, dont l'une viserait les internautes les plus fidèles.
Le 20 novembre au soir, StreetPress a installé le script de Coinhive sur les pages de ses articles. L'outil exécute un mineur de crypto-monnaie dans le navigateur du visiteur, dont une part des revenus revient au site lui-même.
Lancé il y a deux mois, il a connu de nombreuses déconvenues, notamment avec les bloqueurs de publicité et des éditeurs de logiciels de sécurité. En l'implémentant, « le magazine urbain » cherche un complément de revenus à la publicité, de plus en plus bloquée dans les navigateurs.
L'entreprise prévient de manière légère ses utilisateurs, via un bandeau calqué sur celui habituellement utilisé pour les cookies. « On le teste pendant une semaine. Notre question en filigrane, c'est la manière de financer un média avec nos lecteurs, sans fermer l'accès au contenu » nous répond Johan Weisz, le fondateur de StreetPress.
Pour lui, l'intérêt d'un article est d'être vu par le plus grand nombre d'internautes possible. « Cela ne retire rien aux autres modèles [comme l'abonnement], qui ne correspondent pas à ce sur quoi on travaille. » Coinhive fait partie d'une série d'expérimentations que prépare le média en ligne, qui compte faire contribuer les internautes sans qu'ils ne paient directement. Les revenus attendus du minage, tel qu'implémenté, sont encore très bas.
Un consentement à travailler
Dans cette première version, le minage se lance automatiquement, sans attendre d'action du visiteur. Le consentement est donc minimal pour le moment. « C'est un test d'une semaine. Nous n'allions pas mettre en place une machinerie compliquée pour l'essayer. On va voir comment ça réagit, sachant que les autres sites qui l'ont testé l'ont retiré soit parce qu'ils n'avaient pas informé le lecteur, soit parce que ce n'est pas rémunérateur » déclare Johan Weisz.
Dans l'absolu, « plein [de visiteurs] ne s'en rendront pas compte. C'est comme un cookie. Les gens ne s'en rendent pas compte, le consentement est tel qu'il est » reconnaît-il, malgré les règles strictes de la CNIL sur le dépôt de cookies, dont peu de médias s'embarrassent.
Coinhive a été choisi pour sa simplicité. « Il demande une petite partie de la puissance de calcul des ordinateurs des internautes connectés » rappelle Weisz. Le script a demandé une demi-journée de mise en place, rédaction de l'article d'annonce compris.
Pour cet « alpha test », StreetPress a choisi de demander 20 % de la puissance maximale mobilisable (via deux threads en parallèle sur les dix possibles). Il ne compte pas grimper au-delà de trois ou quatre threads s'il réintroduit l'outil.
100 euros de revenus mensuels attendus
L'important pour StreetPress est d'éviter de demander la carte bancaire des lecteurs, dont « un tiers ont des fins de mois très difficiles », selon son fondateur. Aujourd'hui, la publicité en rotation sur le site (hors campagnes spécifiques) rapporte 1 000 euros par mois. Après quelques jours de test, il s'attend à gagner environ 100 euros par mois.
« Donc le minage par les lecteurs rapporterait 10 % de ce montant. Mais on n'en est qu'à une expérimentation. Ce sont des choses qui se travaillent et se discutent » pondère Weisz. Le média vit actuellement de la publicité et de la production de contenus de marque (brand content) pour financer la quinzaine d'employés et les serveurs.
Le minage via le navigateur serait « un geste naturel » pour le lecteur, estime StreetPress. « Avec Coinhive, on est sur une contribution automatique (comme le visionnage de publicité), sauf qu'il est dans un autre esprit pour le lecteur. Ils mettent eux-mêmes la main à la poche, via leur machine. »
Le script de minage automatique choisi par le média est bloqué par la plupart des extensions anti-publicité. Pour autant, selon lui, il ennuie bien moins les internautes. Certains proposeraient même de maintenir des onglets ouverts pour miner en tâche de fond, remarque Weisz.
D'autres solutions envisagées, dont une extension de minage
Après la semaine d'essai, le script sera retiré des pages des articles. L'équipe réfléchira ensuite aux évolutions de l'outil, que ce soit pour s'assurer explicitement du consentement de l'internaute, ou moduler la puissance de calcul demandée. L'enjeu est déjà de « voir si ça mérite d'effectuer des développements spécifiques ».
D'autres manières de financer le média sont prévues, avec des tests dans l'année. Johan Weisz refuse pour le moment d'en révéler la teneur. Ce seront surtout « des solutions simples avec peu de développement. Nous sommes contraints à l'équilibre. Il y a un vrai enjeu, parce qu'on sort chaque semaine des informations, des enquêtes, reprises », rappelle-t-il.
À terme, le minage pourrait plutôt s'adresser aux fidèles du site. « On a un noyau de 50 000 lecteurs accros à StreetPress, qui reviennent quasiment tous les jours. Ils ne sont pas volatiles, ils viennent pour nos longs articles, notre travail d'enquête. Ils seraient peut-être prêts à embarquer une extension StreetPress qui tournerait en tâche de fond et qui prendrait 1 % de la puissance de calcul. Cela apporterait plus que ces 100 euros, qui sont peanuts, quand on parle des équipes de journalistes, de serveurs... » note StreetPress.
La solution lèverait le problème du consentement, d'autant que d'autres ont déjà tenté le minage via une extension proposée à travers le navigateur. C'était le cas de SafeBrowse sur Google Chrome, qui avait eu le tort de ne prévenir personne de l'ajout du mineur.
Depuis, Coinhive a ajouté AuthedMine.com, une version de son script réclamant l'accord du visiteur, pour éviter tout ennui avec les bloqueurs de publicité. Une solution simple pour un média qui voudrait pérenniser cet usage.