Les projets du gouvernement pour dématérialiser la propagande et relancer « Dites-le nous une fois »

Droit à l'horreur
Droit 7 min
Les projets du gouvernement pour dématérialiser la propagande et relancer « Dites-le nous une fois »
Crédits : Gouvernement

Relance du programme « Dites-le nous une fois », dématérialisation de la propagande électorale, dons par SMS pour les associations cultuelles, « carnet numérique du logement »... Next INpact a pu prendre connaissance du nouvel avant-projet de loi relatif au « droit à l’erreur », dont plusieurs mesures touchent de près au numérique.

Prévu dans un premier temps pour l’été 2017, retravaillé par l’exécutif suite aux critiques émanant notamment du Conseil national d’évaluation des normes (qui déplorait de trop nombreux recours aux ordonnances), le projet de loi relatif au « droit à l’erreur » pourrait être présenté en Conseil des ministres le 29 novembre prochain selon Les Échos.

Fin octobre, le gouvernement a effectivement transmis un nouveau texte – devenu projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance » – au Conseil d’État, au Conseil national d’évaluation des normes, mais aussi au Conseil économique, social et environnemental. Nous avons pu consulter cet avant-projet de loi, qui contient de nombreuses dispositions en lien avec la modernisation de l’action publique.

Les objectifs de dématérialisation et de « Dites-le nous une fois » gravés dans le marbre

Dans un article « préliminaire » (chose assez rare), l’exécutif commence par poser différentes « orientations » et « objectifs de l’action publique » à horizon 2022.

Il est ainsi question de graver dans le marbre le cap de la « dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives, hors délivrance des premiers documents d’identité », d’ici la fin du quinquennat. Au nom de la « fracture numérique », il est prévu dans le même temps que l’administration assure, « notamment aux personnes vulnérables ou n’utilisant pas l’outil numérique, d’autres voies de communication et de médiation adaptées à leurs besoins et à leur situation ».

Dans la même veine, le gouvernement souhaite que « nul ne puisse être tenu de produire à l’administration une information déjà détenue ou susceptible d’être obtenue automatiquement auprès d’une autre administration ». Il s’agit là du principe « Dites-le nous une fois », initié par la précédente majorité, mais pour l’instant enlisé au stade des expérimentations (voir notre article).

Relance du programme « Dites-le nous une fois »

Pour donner un nouvel élan à ce programme (qui a déjà fait l’objet de dispositions législatives, tant pour les entreprises que pour les particuliers), le gouvernement voudrait tout d’abord initier une nouvelle expérimentation en faveur des sociétés – laquelle s’étendrait du 1er juillet 2018 au 1er juillet 2022.

À condition qu’elles soient d’accord, les « personnes morales inscrites au répertoire des entreprises et de leurs établissements », n’auraient plus à « communiquer à l’administration des informations que celle-ci détient déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement ».

Sur le papier, l’idée est séduisante. Si l’URSSAF détient votre RIB ou numéro de SIRET, il ne sera plus nécessaire de le fournir à nouveau lors d’une procédure auprès du fisc, par exemple. L’échange d’informations entre acteurs publics fera que ce champ pourrait être pré-rempli (de la même manière que les salaires dans le cadre des déclarations de revenus).

Seul hic : l’avant-projet de loi renvoie à un décret le soin de préciser les contours de cette expérimentation, et notamment « la liste des traitements automatisés » entrant dans son giron... Autrement dit, difficile de jauger en l’état la portée de cette réforme. D’autant que jusqu’à présent, ce ne sont pas tant les aspects juridiques qui ralentissent la mise en œuvre de « Dites-le nous une fois », mais davantage ses modalités pratiques de déploiement.

Plus besoin de fournir de justificatif de domicile pour les cartes d’identité, passeports...

Pour les particuliers, c’est une expérimentation d’un autre genre que le gouvernement envisage de mettre en place. L’objectif est que le citoyen n’ait plus à fournir de justificatif de domicile lorsqu’il souhaite obtenir une carte d’identité, un permis de conduire, un passeport ou une carte grise.

« Pour bénéficier de cette dispense, le demandeur déclare son domicile et produit à l’administration en charge de l’instruction de sa demande une information permettant son identification auprès d’un fournisseur d’un bien ou d’un service attaché à son domicile, dans une liste fixée par arrêté », prévoit l’avant-projet de loi. L’intermédiaire (visiblement de type EDF ou opérateur téléphonique) serait alors tenu de communiquer à l’État « les données à caractère personnel lui permettant de vérifier le domicile déclaré par le demandeur ».

S’il faudra attendre un décret pour en savoir plus sur le fonctionnement de ce dispositif, l’exécutif envisage pour l’instant de le déployer pendant dix-huit mois dans les départements de l’Aube, du Nord, des Yvelines et du Val-d’Oise.

Le retour de la dématérialisation de la propagande électorale

Après avoir envisagé de dématérialiser la propagande électorale par voie d’ordonnance, ce qui avait été grandement dénoncé par le Conseil national d’évaluation des normes, le gouvernement a finalement revu sa copie. Il s’apprête à opérer un véritable toilettage du droit afin que la quasi-totalité des scrutins se déroulent sans que les traditionnelles professions de foi et bulletins de vote ne soient envoyés au domicile des électeurs.

Élections législatives, sénatoriales, européennes, municipales, départementales, communautaires... À compter du 1er janvier 2018, les communes devraient assurer à chaque fois l’information des citoyens « par l’impression et l’affichage à l’extérieur de la mairie du recto et du verso des circulaires de propagande de chaque candidat, de chaque binôme ou de chaque liste de candidats, et, le cas échéant, en mettant une version numérique de ces documents à la disposition du public à la mairie ». Les Français résidant à l’étranger pourraient quant à eux se tourner vers les ambassades et consulats.

En lieu et place, les professions de foi des candidats ont vocation à être mises en ligne sur un site officiel. Des bulletins de vote continueraient malgré tout d’être mis à la disposition du public dans les bureaux de vote.

carte électorale

S’il n’est pas fait référence à l’élection présidentielle, c’est probablement parce que les conditions d’organisation de ce scrutin relèvent en principe d’un décret, non de la loi.

Il n’en demeure pas moins que cette réforme risque de susciter des vagues au Parlement, où députés et sénateurs s’y sont toujours catégoriquement opposés (notamment par crainte d’une montée de l’abstention). Le changement de majorité à l’Assemblée nationale pourrait toutefois changer la donne, d’autant que les économies attendues sur la période 2018-2022 dépassent les 400 millions d’euros...

Publication obligatoire des circulaires, sous peine d’abrogation automatique

Afin de mieux installer ce principe de « droit à l’erreur » (développé par d’autres mesures de cet avant-projet de loi), l'exécutif veut que « chaque service de l’État responsable d’une politique publique diffuse, sur un site Internet spécialement désigné à cette fin, les instructions et les interprétations qui comportent (...) une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives de la matière concernée ».

L’objectif ? Que toute personne puisse ensuite « se prévaloir » de ces instructions et interprétations, pour « les opposer à l’administration ».

L'ébauche gouvernementale précise au passage que les individus ou entreprises qui se seraient conformés « de bonne foi » à ces textes ne pourront « faire l’objet d’aucune sanction par l’administration dont émanent les instructions et interprétations en cause ni à la demande de celle-ci à raison de faits ou de comportements que ces instructions et interprétations autorisaient expressément ».

Autre chose : aujourd’hui, les instructions et circulaires « qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives » doivent en principe être publiées – ce qui n’est pas toujours le cas en pratique. L’exécutif voudrait que les circulaires signées après l’entrée en vigueur de la loi sur « droit à l’erreur » soient « réputées abrogées » si elles n’ont pas été publiées dans un délai de quatre mois suivant leur signature.

Relance du « carnet numérique du logement »

Censé être obligatoire pour tous les logements construits à partir du 1er janvier 2017, le « carnet numérique de suivi et d’entretien du logement » n’a toujours pas pris son envol. L’avant-projet de loi entend cependant relancer ce projet en remplaçant l’intégralité des dispositions introduites dans la loi pour la croissance verte – mais toujours en attente d'un décret d’application.

Cet outil aurait vocation à regrouper « les informations dématérialisées relatives à la bonne utilisation, à l'entretien et aux travaux, notamment dans un but d'amélioration progressive de la performance énergétique et environnementale, du logement et du bâtiment ». Il ne deviendrait toutefois obligatoire qu’au 1er janvier 2020 « au plus tard » pour toutes les constructions neuves, et au 1er janvier 2025 pour les bâtiments existants.

Dons par SMS pour les associations cultuelles

Alors que la loi Numérique a ouvert la voie aux dons par SMS au profit de certaines associations (Restos du cœur, Croix Rouge...), le gouvernement Philippe voudrait étendre cette possibilité aux associations cultuelles.

On retiendra enfin que le gouvernement demande à être habilité à prendre par voie d’ordonnance les mesures « nécessaires pour permettre à titre expérimental, pendant une durée maximale de quatre ans (...), la dématérialisation de l’établissement, de la conservation, de la gestion et de la délivrance des actes de l’état civil dont le service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères et les autorités diplomatiques et consulaires sont dépositaires ». Ces dispositions pourraient venir compléter le dispositif « Comedec », à destination actuellement des communes.

Restera à voir si le texte évolue d’ici à sa présentation officielle en Conseil des ministres.

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