La blockchain de Bitcoin Cash a fait l'objet d'un hard-fork cette semaine afin de mettre en place un nouvel algorithme de gestion de la difficulté pour le minage. Pendant ce temps, la communauté autour de Bitcoin s'inquiète d'une nouvelle envolée des frais de transaction.
Régulièrement, les différentes blockchains, y compris les plus utilisées, se mettent à jour afin de profiter de nouvelles fonctionnalités, ou bien pour corriger les quelques bugs qui peuvent y traîner. La dernière en date n'est autre que celle de Bitcoin Cash (BCH), qui gagne progressivement en popularité.
L'ajustement de la difficulté, un point crucial
Malgré tout, la blockchain de BCH souffre d'un mal bien particulier. Une grande partie des mineurs n'y sont présents que par intermittence, voguant entre le minage de Bitcoin (BTC) et de Bitcoin Cash, en fonction de la rentabilité du moment. Lorsqu'il est plus intéressant de miner du BCH, les mineurs affluent brutalement, et lorsque ce n'est plus le cas, ils retournent s'occuper de celle de Bitcoin.

Le graphique ci-dessus, représentant le hashrate (c'est-à-dire la puissance de calcul mise à disposition par les mineurs) des blockchains BTC et BCH, met en évidence la situation. On retrouve plusieurs pics ponctuels où des mineurs de BTC ont bifurqué pendant un jour ou deux vers la blockchain BCH, avant de retourner à leurs premiers amours. Lorsque ce genre de raid survient, la puissance de calcul disponible côté BCH peut être multipliée par plus de cinq par rapport à la moyenne habituelle.
Cet afflux soudain, suivi d'un retrait tout aussi brutal n'est pas sans conséquence sur le fonctionnement même de la blockchain. Un algorithme doit déterminer la difficulté des problèmes cryptographiques que doivent résoudre les mineurs pour valider un bloc de transactions. Il est donc important d'ajuster efficacement la difficulté afin que les énigmes ne soient ni trop faciles, ni trop compliquées à résoudre.
Dans le cas de BTC et de BCH, l'objectif est que le réseau parvienne à valider un bloc toutes les dix minutes environ. Dans le cas de Bitcoin, cet objectif est généralement atteint, même si l'on peut observer des déviations d'une ou deux minutes sur la moyenne d'une journée.

Pour BCH, les allées et venues brusques des mineurs s'accompagnent de deux effets. D'abord lorsqu'ils arrivent, pendant un certain temps, parfois plusieurs jours, les blocs sont trouvés plus rapidement que prévu (avec des moyennes d'un bloc par minute lors de certaines journées). L'algorithme revoit alors brutalement la difficulté à la hausse, et quand tous les mineurs partent, la blockchain se retrouve à avancer à raison de moins d'un bloc par heure, en attendant que la difficulté ne redescende à un niveau acceptable.
Un nouvel algorithme pour éviter le yo-yo
Pour résoudre ce problème, Bitcoin ABC, le groupe s'occupant de déployer les mises à jour sur la blockchain de Bitcoin Cash a implémenté un nouvel algorithme de gestion de la difficulté le 13 novembre dernier. Son objectif, éviter autant que possible de mettre à contribution l'EDA (Emergency difficulty adjustement) qui a permis malgré tout de limiter la casse jusque-là, puisqu'initialement, la difficulté devait être révisée tous les 2 016 blocs (ou 14 jours).
Trois algorithmes différents ont été mis en compétition pour remplacer l'actuel. La solution retenue (baptisée D601) consiste à faire varier la difficulté après le minage de chaque bloc, en fonction de l'intervalle moyen entre les 144 blocs précédents, soit une période théorique de 24 heures.
Ainsi, les concepteurs de Bitcoin Cash espèrent que les blocs seront émis plus régulièrement sur la blockchain, afin de limiter l'incertitude quant au temps nécessaire pour valider une transaction. Pour l'instant, et depuis la mise en place du nouvel algorithme, le temps moyen entre chaque bloc oscille entre 8 et 23 minutes, ce qui est encore loin d'être idéal. L'une des causes de ce yo-yo est à chercher du côté de la puissance de calcul déployée sur le réseau. Sur les dernières 24h, elle s'est réduite de près de 30 %, ce qui a un impact notable sur le temps d'émission des blocs.
La valeur grimpe, l'usage évolue peu
Pendant ce temps, la valeur du Bitcoin Cash a nettement grimpé ces dernières semaines. Au début du mois de novembre un BCH s'échangeait contre environ 477 dollars, avant de se stabiliser autour de 600 dollars entre le 3 et le 9 novembre. Entre le 10 et le 12, le cours est grimpé jusqu'à 2 400 dollars, avant de rejoindre sagement dans la région des 1 100 dollars. La valeur totale des BCH en circulation atteint donc désormais 20 milliards de dollars, contre 132 milliards pour Bitcoin et 34 milliards pour Ethereum.
Pour autant, cette soudaine explosion de la valeur du BCH ne s'est pas suivie d'une embellie franche sur le nombre de transactions réalisées sur le réseau. Voici le nombre de transactions réalisées sur différentes blockchains lors des journées du 1er et du 19 novembre, selon les données de BitInfoCharts :
- Bitcoin :
- 340 377 transactions le 1er novembre
- 264 695 transactions le 19 novembre
- Bitcoin Cash :
- 12 770 transactions le 1er novembre
- 14 869 transactions le 19 novembre
- Dogecoin :
- 16 456 transactions le 1er novembre
- 14 505 transactions le 19 novembre
- Ethereum :
- 522 405 transactions le 1er novembre
- 464 563 transactions le 19 novembre
- Litecoin :
- 23 882 transactions le 1er novembre
- 23 815 transactions le 19 novembre
Si parmi ces différentes blockchains, Bitcoin Cash est la seule à avoir connu une progression notable de son utilisation sur cette période, il convient de remarquer que les chiffres bruts du nombre de transactions restent très bas. Dans les faits, la blockchain BCH reste moins utilisée que celle de crypto-monnaies, pourtant désormais peu populaires comme Litecoin ou Dogecoin qui ont connu leur pic il y a quelques années.
La question du maintien d'un cours élevé du BCH se pose donc sérieusement. Si Bitcoin et Ethereum trouvent leur valeur dans le grand nombre d'échanges, signes d'une demande soutenue, pour Bitcoin Cash, la raison de la soudaine hausse du cours semble encore bien mystérieuse. L'hypothèse d'une bulle spéculative autour du BCH est à prendre au sérieux, même si celle-ci semble se dégonfler lentement au fil des jours, faute d'adoption concrète de la crypto-monnaie.

Il est d'ailleurs assez ironique de voir qu'une crypto-monnaie dérivée de Bitcoin dont l'objectif est de montrer que l'augmentation de la taille des blocs est une solution simple à la congestion de la blockchain, est si peu utilisée. Aujourd'hui, les blocs circulant sur la blockchain BCH pèsent en moyenne moins de 200 ko, alors que le maximum théorique est fixé à 8 Mo, contre 1 Mo pour Bitcoin.
Quid de l'avenir ?
Avec l'abandon sur la blockchain de Bitcoin de la mise en place de Segwit2x, Bitcoin Cash peut encore avoir une carte à jouer, si les transactions en BTC deviennent trop chères. Encore faut-il que les utilisateurs ne choisissent pas plutôt de passer par Ethereum, qui jouit toujours d'une forte popularité.
D'ailleurs, le récent pic enregistré sur les frais de transaction via Bitcoin (19,2 dollars par transaction en moyenne le 12 novembre) n'a pas particulièrement permis à BCH de trouver de nouveaux adeptes, tout du moins pas de façon durable. Un basculement d'une crypto-monnaie vers une autre est aussi une question de confiance, et pour l'heure Bitcoin Cash ne semble pas pouvoir capitaliser sur cet aspect.