Promis pour 2017, le programme « Dites-le nous une fois » enlisé au stade des expérimentations

On ne sait plus à quelle simplification se vouer
Droit 6 min
Promis pour 2017, le programme « Dites-le nous une fois » enlisé au stade des expérimentations
Crédits : seb_ra/iStock/Thinkstock

Promis pour 2017 par Thierry Mandon, l'ancien secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État, le programme « Dites-le nous une fois » reste aujourd’hui au stade expérimental pour les particuliers. Le décret d’application prévu par la loi Numérique ne devrait pas être pris avant 2018.

Imaginez : pour effectuer une démarche en ligne quelconque, l’administration vous demande votre numéro fiscal. À partir de ce renseignement et à condition que vous soyez d’accord, le téléservice ira automatiquement chercher les informations dont il a besoin chez d’autres administrations qui les possèdent déjà : revenus, adresse, RIB, etc.

Tel est le principe du programme « Dites-le nous une fois », lancé en 2014 par la précédente majorité. L’objectif est bien entendu de faciliter la vie des citoyens, mais aussi des administrations... « Derrière, ce sont des économies considérables en termes de simplicité, de papier, de sécurité, de rapidité de traitement... » avait fait valoir le secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État de l’époque, Thierry Mandon.

Une échéance fut même évoquée par l’intéressé à plusieurs reprises : ce dispositif avait vocation à être opérationnel, tant pour les entreprises que pour les particuliers, à partir du 1er janvier 2017.

Aujourd’hui, force est cependant de constater que mis à part pour les entreprises, où les choses ont avancé plus vite que pour les particuliers (notamment au travers du dispositif « Marché public simplifié »), cet ambitieux programme peine à se déployer.

Du retard y compris dans les expérimentations

Pour l’instant, seules quelques expérimentations ont été lancées, en partenariat avec la Direction interministérielle du numérique (DINSIC). Paris, Lyon et Marseille devaient commencer à mettre en œuvre « Dites-le nous une fois » dès la fin 2016 pour les demandes de cartes de stationnement résidentiel et le calcul du quotient familial.

Or à ce jour, seule la ville de Lyon s’est lancée dans l’aventure, par l’entremise du dispositif d’authentification France Connect. Celui-ci est en mesure d’aller récupérer le revenu fiscal de référence d’un foyer et son nombre de parts dans les données détenues par la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Les informations relatives aux véhicules proviennent de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – qui gère notamment les cartes grises.

Selon nos informations, Marseille devrait suivre ce mouvement « très prochainement ». Il n’en demeure pas moins que l’extension de cette initiative « aux 800 communes qui utilisent des cartes de stationnement », évoquée dès l’année dernière, n'est pas prête d'être opérationnelle...

Parmi les (très) rares autres expérimentations à avoir été menées, on peut citer « BourseSCO », qui permet d’effectuer une demande de bourse en ligne, en ce qui concerne uniquement les collégiens.

api particulier
Notice d'API Particulier - Crédits : DINSIC

D’un point de vue technique, tous ces services fonctionnent grâce à des interfaces appelées API (en l’occurrence, l’API Impôts particuliers et l’API Particulier).

Toujours pas de décret

Sur un plan juridique, c’est l’article 90 de la loi Numérique qui est censé donner le coup d’envoi du programme « Dites-le nous une fois » pour les particuliers. Lorsque les « informations ou données » nécessaires pour traiter une demande « peuvent être obtenues directement auprès d'une autre administration », le service sollicité est censé aller chercher directement ces renseignements et faire remplir une simple attestation sur l’honneur au particulier.

Le législateur a cependant souhaité qu’une liste des pièces justificatives concernées par cette réforme soit clairement précisée par le gouvernement, via un décret. Ce qui n’a toujours pas été fait... Initialement prévu pour janvier 2017 puis pour « le printemps », ce texte se fait toujours attendre.

« Ça coince... » nous confie un haut fonctionnaire. « Certaines administrations veulent bien accéder aux données des autres, mais ont du mal à ouvrir les leurs... » Au regard de ces difficultés, il est « peu probable » que le fameux décret sorte avant l’année prochaine.

Interrogé par nos soins, le secrétaire d’État au Numérique Mounir Mahjoubi confirme que le dossier est particulièrement « complexe » : « Il faut faire attention à qui on impose ça et, pour ceux qui n'ont pas la capacité matérielle de le faire, comment on créée une obligation future. » Cela n’a pas toutefois empêché l’ancien président du Conseil national du numérique d’assurer à La gazette des communes que tous les décrets de la loi Numérique sortiraient « dans les prochaines semaines, ou mois ».

Un changement d’architecture à l’horizon 2020

Le successeur d’Axelle Lemaire regarde avant tout ce dossier sous son aspect technique. Devant l’Assemblée nationale, le 25 octobre dernier, il a expliqué que cette réforme passerait par le développement de la « plateforme numérique de l’État » (PNE), dont la conception est confiée à la DINSIC. « Cette plateforme établira (...) un langage commun à toutes les futures applications de l’État, un langage commun d’échange des données. Nous appliquerons ainsi pour de vrai la règle « Dites-le nous une fois ». »

Le secrétaire d’État au Numérique souhaite arriver « en 2020 » à la « mise en place expérimentale » de la PNE. « Les nouveaux services publics se grefferont sur cette nouvelle architecture, si bien que tous nos investissements pour les dix années à venir seront partagés, chacun bénéficiant de la force de l’autre. Ce sera une première ; nous verrons ce que nous arriverons à tenir. C’est en tout cas l’objectif que j’ai fixé aux administrations. »

Mounir Mahjoubi a toutefois laissé entendre que ce chantier nécessitera un dépoussiérage des textes bien plus conséquent qu’un simple décret sur le périmètre de « Dites-le nous une fois » :

« Certaines données, qui ne sont pourtant pas particulièrement sensibles, sont demandées très régulièrement aux citoyens par différents services publics qui auraient pu se les communiquer entre eux : l’adresse exacte, le justificatif de domicile à jour, le revenu… Sur ce dernier point, ceux qui sont en contact avec la Caisse d’allocations familiales (CAF), avec Pôle Emploi et qui payent des impôts savent qu’il faut, au cours d’une même année, déclarer ses revenus cinq à six fois – sauf que ce ne sont pas toujours les mêmes : c’est parfois le revenu net, le revenu brut, le revenu actuel, le revenu du mois précédent ou d’il y a deux ans… La réorganisation de l’architecture technologique de l’État doit donc s’accompagner d’une simplification de la loi, des règlements et des parcours administratifs. Sinon, on aura juste numérisé la complexité, sans rien changer pour les gens. »

« On est encore loin de la généralisation »

« Si l'on attend que la CNAM, les CAF, etc. s'y mettent, c'est sur que ça prendra plusieurs années » admet un proche du dossier. « Pour l’instant, on est vraiment dans de l’expérimentation. Techniquement, ça marche, mais le process de raccordement est encore trop lourd... » La DGFiP se montrerait particulièrement attentive au devenir de ses données, et demanderait en ce sens aux administrations des dossiers bien ficelés (nombreux justificatifs à l’appui).

« Avec ne serait-ce que les données des impôts, il est possible d’effectuer une grande partie des démarches administratives », souligne notre source. Le programme Dites-le nous une fois pourrait d’ailleurs entrer prochainement dans une nouvelle phase, puisque la Sécurité Sociale « mettra à disposition de certains fournisseurs de services FranceConnectés une partie des données de ses assurés » dans le « courant » de l’année prochaine.

Au premier semestre 2018, une « API CNAMTS » devrait ainsi être proposée en direction notamment des établissements de soins et des mutuelles. L’objectif : permettre à un internaute d’opter pour une complémentaire santé sans avoir à transmettre certains justificatifs de type attestation de droits, ou bien encore instaurer des téléservices de pré-admission pour les hôpitaux.

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